L’Association musulmane du Canada (MAC) est convaincue d’avoir déboulonné les allégations « islamophobes » de l’équipe antiterroriste de l’Agence du revenu du Canada. Elle croit que la décision finale des autorités fiscales démontrera bientôt qu’elle a été ciblée à tort et assure que ses activités ne seront pas affectées.

« Il est catégoriquement faux et diffamatoire de prétendre que l’Association musulmane du Canada a déjà fourni un soutien au Hamas, soit directement ou indirectement », a déclaré l’organisation dans un message envoyé à La Presse.

« La MAC a fourni des réponses détaillées concernant ces allégations, qui sont déconnectées de la réalité », poursuit l’organisme, qui dit appliquer une politique antiterroriste « robuste » et suivre scrupuleusement la loi.

L’Association a tenté de faire stopper l’audit en s’adressant à la Cour supérieure de l’Ontario, sous prétexte qu’il violait la Charte des droits et libertés.

En septembre dernier, un juge a rejeté la plupart de ses prétentions sur les biais et l’islamophobie du processus, mais s’est tout de même dit « sympathique » à certains arguments.

Le juge s’est étonné qu’on reproche à la MAC d’organiser des activités qui ne relevaient pas d’un organisme de bienfaisance, notamment des voyages de ski, des parties de ballon-chasseur et des visites à la cabane à sucre. « Je serais surpris qu’une église ou une synagogue voie son statut d’organisme de bienfaisance révoqué parce qu’elle offre une de ces activités », a-t-il écrit dans son jugement.

Le juge a aussi remis en question les reproches du fisc sur l’appui à l’organisation des Frères musulmans : les organismes de bienfaisance chrétiens dont la philosophie se rapproche de certains partis politiques ne sont jamais menacés de voir leur statut révoqué parce qu’ils outrepassent leur rôle, a souligné le magistrat. La Cour a malgré tout refusé d’intervenir pour faire cesser l’audit.

Chaque bureau, chaque tiroir, chaque placard

Dans ses arguments, présentés au fisc et déposés au palais de justice de Toronto, la MAC souligne que « les représentants du fisc ont fouillé chaque bureau, salle, placard et tiroir de chaque établissement de la MAC », lit-on dans sa réplique.

Et pourtant, l’audit n’a « pas identifié un seul dollar qui aurait bénéficié à une entité terroriste d’une quelconque façon », ajoute-t-elle.

Pour ce qui est du reproche d’avoir appuyé l’organisme IRFAN après que celui-ci a été identifié comme un collecteur de fonds du Hamas, la MAC réplique que ses membres partagent avec la communauté des annonces au sujet d’une foule de programmes communautaires.

« IRFAN-Canada n’est pas unique en ce sens », lit-on dans un argumentaire de la MAC déposé en cour.

Au sujet des dirigeants de la MAC qui auraient autrefois été membres de groupes soupçonnés d’être liés au Hamas, l’organisme souligne qu’il compte plus de 500 membres et 1500 bénévoles. « Il ne faut pas se surprendre qu’ils ont été actifs au sein d’autres organisations au sein de la communauté avant et après que l’organisme de bienfaisance ait été fondé », expliquent les documents produits en cour. Relier leurs anciennes affiliations aux décisions de la MAC aujourd’hui est « complètement spéculatif », poursuit l’association.

Pas accueillants pour les extrémistes

Quant aux liens allégués avec l’organisation internationale des Frères musulmans, la MAC affirme qu’il s’agit d’une vue de l’esprit. Recevoir des courriels non sollicités de cette organisation n’est pas une preuve d’association concrète, soulignent ses avocats.

« La caractéristique principale des Frères musulmans est précisément leur modération, leur décision de respecter pacifiquement la démocratie », poursuit la MAC dans sa réponse déposée en cour, tout en insistant sur son indépendance face à cette organisation.

La MAC affirme aussi que les fonctionnaires exagèrent ou déforment la réalité lorsqu’ils évoquent des discours extrémistes qui seraient tolérés au sein de son organisation.

« Les individus avec des pensées extrémistes ne trouvent pas un climat accueillant dans les mosquées de la MAC, car l’organisme et ses imams prêchent une compréhension de l’islam modérée et balancée », explique l’association.

La MAC déplore dans sa réponse au fisc que les fonctionnaires se soient notamment basés sur un reportage de TVA au sujet de propos tenus dans un de ses établissements. Elle affirme que la chaîne d’information québécoise a été montrée du doigt pour son « islamophobie et ses liens avec des individus d’extrême droite » par le passé.

Aucun impact prévu

La MAC dit maintenant avoir reçu la décision finale de l’Agence du revenu du Canada, mais elle refuse d’en dévoiler la teneur. Elle affirme qu’elle va porter la décision en appel, même si elle n’aura dans les faits aucun impact sur ses activités. Elle dit aussi que la décision finale n’est pas basée sur les allégations de liens avec des groupes soupçonnés d’appuyer le terrorisme.

L’Agence du revenu, elle, n’a pas voulu discuter du dossier.