Les critiques acerbes de la Fonderie Horne du groupe de métal hardcore engagé Guhn Twei lui ont coûté sa participation au festival de musique Alienfest de La Sarre, en Abitibi-Témiscamingue, une situation qui en dit long sur « la culture du silence qui règne » dans la région, déplore le chanteur du groupe.

Ce qu’il faut savoir

Le groupe de métal engagé Guhn Twei de Rouyn-Noranda a été désinvité du festival Alienfest de La Sarre, qui a ensuite été annulé.

Le groupe dénonce la pollution générée par la Fonderie Horne.

Le principal commanditaire et organisateur de l’évènement, qui compte la fonderie parmi ses clients, a qualifié la situation de « sensible » pour expliquer sa décision.

L’évènement, qui a finalement été complètement annulé, avait pour commanditaire principal l’entreprise Métal Marquis, un fabricant lasarrois de pièces et d’équipements métalliques pour les secteurs minier, forestier et industriel, qui compte la Fonderie Horne parmi ses clients.

« Nous sommes un des fournisseurs de la fonderie et c’est exactement là que ça devient sensible », a justifié l’organisateur du festival, Francis Pépin, lui-même actionnaire de Métal Marquis, dans un message envoyé au chanteur du groupe Guhn Twei, Simon Turcotte.

Cet artiste de Rouyn-Noranda, amputé d’une jambe après cinq cancers, est un critique virulent de la fonderie de cuivre dont les rejets toxiques polluent l’air et les sols de la région depuis un siècle.

PHOTO DOMINIC LECLERC, COLLABORATION SPÉCIALE

Le musicien rouyn-norandien Simon Turcotte dans son local de pratique

« Je suis la Horne et ses cheminées/La peste noire, le jugement dernier/Sans pitié pour la vermine au sol/Je suis la mort, le karma », chante-t-il notamment dans Parasites, une pièce de l’album Glencorruption, dont le titre est une référence à Glencore, la multinationale anglo-suisse propriétaire de la Fonderie Horne.

90 % de nos chansons dénoncent la situation ; c’est très « dans ta face », notre critique de la fonderie et de l’empoisonnement des gens

Simon Turcotte

L’organisateur Francis Pépin affirme dans son message à Simon Turcotte, daté du 26 mars, que la situation ne lui laisse « d’autre choix que de ne pas ajouter Guhn Twei à la programmation du Alienfest 2024 ».

Six jours plus tard, le 1er avril, le festival a été complètement annulé, l’organisation évoquant dans un communiqué « des conflits d’intérêts entre nos commanditaires et des participants », a rapporté Radio-Canada – La Presse n’a pas pu obtenir ce communiqué et Francis Pépin n’a pas donné suite aux sollicitations qui lui ont été adressées par différents canaux.

Chanteur « outré »

Simon Turcotte se dit « outré » que son groupe ait été déprogrammé du festival Alienfest, qui devait se tenir pour la troisième année, auquel il avait été convié en novembre.

« C’est très préoccupant pour la culture, pour le financement de la culture, pour les autres artistes », a-t-il déclaré à La Presse.

Les gens ont tellement peur de la Fonderie qu’on retire des artistes de la programmation de festivals.

Simon Turcotte

La Fonderie Horne assure ne pas être intervenue de quelque façon que ce soit dans cette affaire, sa porte-parole Cindy Caouette affirmant que l’entreprise « n’a aucun lien avec le festival Alienfest et n’était pas au fait de ce qui est allégué par le groupe de musique [Guhn Twei] ».

Que la Fonderie Horne soit intervenue ou pas importe peu, estime Simon Turcotte : « Le commanditaire a tellement peur de froisser un partenaire d’affaires qu’il décide de nous enlever de leur festival, puis d’annuler leur festival, c’est gros. »

Ironiquement, le groupe aborde cette question dans sa chanson Eau de fonte : « L’apologie de l’écocide/Musellement collectif/Leurs profits valent plus que nos vies »

Simon Turcotte s’explique d’autant plus mal la décision du festival Alienfest puisqu’il a donné des spectacles avec ses deux groupes de musique, Guhn Twei et Tumeurs, dans d’autres évènements de la région, dont le Festival de musique émergente de l’Abitibi-Témiscamingue, qui était commandité par la Fonderie Horne.

Il s’est aussi produit au festival de concerts ambulants Au pays des pick-up, en 2023.

« On a joué sur le terrain de la Fonderie Horne, raconte-t-il. On était drette en avant des clôtures et des cheminées. »

Des précédents

Ce n’est pas la première fois que des critiques visant la Fonderie Horne sont écartées d’évènements culturels, rappelle le groupe Guhn Twei, qui s’inquiète pour la liberté d’expression dans la région.

La Fonderie Horne avait mis fin en 2005 à son financement du Centre d’exposition de Rouyn-Noranda, qu’elle soutenait depuis de nombreuses années, en raison d’une « exposition controversée », rapportait Radio-Canada, à l’époque.

Œuvre de l’artiste Véronique Doucet, l’exposition Mine de rien écorchait l’entreprise et s’inquiétait des incidences de ses rejets polluants sur la santé de la population environnante et sur l’environnement.

Note :
Une version précédente de ce texte affirmait que le documentaire Noranda, réalisé par Daniel Corvec et Robert Monderie et dont Richard Desjardins signait le texte et la musique, avait été exclu du Festival du cinéma international de l’Abitibi-Témiscamingue à sa sortie, en 1984, et que la Fonderie Horne était commanditaire de l’évènement. Or, le film a bel et bien été présenté au festival, mais à minuit et ne figurait pas au programme, imprimé avant la décision de le présenter, ce que ses réalisateurs déplorent. Les organisateurs du festival plaident que le film était alors sorti depuis cinq mois, lui faisant donc perdre son intérêt pour un festival qui cherche à présenter des nouveautés. Ils ajoutent que ce n’est qu’en 1986 que la Fonderie Horne est devenue commanditaire de l’évènement. Nos excuses.

En savoir plus
  • 45 ng/m⁠3
    Taux maximal d’arsenic dans l’air que la Fonderie Horne doit respecter cette année, 15 fois plus que la norme légale en vigueur au Québec de 3 ng/m⁠3
    Source : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs