Chanteur de rock métal, amputé d’une jambe à la suite d’un violent cancer, le Rouynorandien Simon Turcotte participe activement au débat sur la Fonderie Horne, pour sensibiliser ses concitoyens. La Presse l’a rencontré.

(Rouyn-Noranda) Son groupe de musique s’appelle Tumeurs.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Simon Turcotte ne porte pas la Fonderie Horne dans son cœur.

« Le dernier emploi que j’ai eu dans la vie, c’est à la fonderie », raconte-t-il.

Un travail de superviseur en espaces clos pour un sous-traitant de l’entreprise, qu’il a dû quitter abruptement en novembre 2015 « à cause d’une douleur étrange dans la jambe droite ».

Le diagnostic est tombé : sarcome. Tumeur maligne des tissus mous.

Après la quatrième récidive, ayant eu des traitements de radiothérapie « au point de ne plus pouvoir en faire », il a fallu lui amputer la jambe.

Il est impossible de faire un lien de cause à effet entre son dernier emploi et ce « cancer extrêmement rare, super agressif qu’un jeune homme de 26 ans pogne de nulle part, quand il est en pleine forme », reconnaît d’emblée Simon Turcotte.

« Mais on sait les risques pour la santé liés à la Fonderie Horne », dit le natif de Rouyn-Noranda.

Ces risques, il tente de les expliquer à ses concitoyens, notamment sur les réseaux sociaux, où il offre des réponses claires à qui minimise le problème de la pollution générée par la fonderie, qui a été au cœur de l’actualité une bonne partie de l’année.

Moi, mon point, c’est que je sais c’est quoi, le cancer. Je sais c’est quoi, les conséquences que ça peut avoir dans ta vie.

Simon Turcotte

« Je trouve ça aberrant que le monde ne soit pas alarmé par ça, surtout avec toutes les informations qu’on a depuis cette année », dit-il. Il reçoit La Presse dans son local de musique, la Punk House, qui fait office de petite salle de spectacle pour artistes « underground ».

En face se trouve le Cabaret de la dernière chance, mythique salle de spectacle de la ville, où Richard Desjardins a fait ses premiers spectacles solos.

PHOTO DOMINIC LECLERC, COLLABORATION SPÉCIALE

La Fonderie Horne de Rouyn-Noranda

Et au bout de la rue : « la Horne », son terrain lunaire, ses conduits, ses cheminées et sa fumée.

Il parle aussi de la Fonderie à travers sa musique, comme au Festival de musique émergente de Rouyn-Noranda, en 2021, où il est monté sur scène vêtu d’une chemise d’hôpital.

« L’art, ça reflète la réalité de l’artiste », dit-il.

Le sujet de la Fonderie Horne a été très clivant dans la dernière année à Rouyn-Noranda, se désole Simon Turcotte.

Bien des gens n’osent pas prendre la parole parce que la fonderie, qui appartient à la multinationale anglo-suisse de négoce Glencore, « tient la ville en otage », estime-t-il.

« Il n’y en a pas bien, bien qui se promènent avec ça », dit-il en pointant son macaron affichant une tête de mort sous le nom Glencore.

PHOTO DOMINIC LECLERC, COLLABORATION SPÉCIALE

Le musicien rouyn-norandien Simon Turcotte, abordant un macaron critiquant la multinationale Glencore, propriétaire de la Fonderie Horne.

Moi, je n’ai plus rien à perdre, j’aurais pu mourir cinq fois à cause du cancer, j’ai déjà perdu ma jambe, j’ai tout perdu, je suis sur les prestations, alors je me dis, moi, je vais la prendre, la parole.

Simon Turcotte

Mais ses interventions ne sont pas toujours bien accueillies.

« Surtout par le monde qui travaille là ; on dirait que les gens ne comprennent pas même quand tu leur dis : “Moi aussi, j’ai travaillé là, je suis tombé malade, ça peut t’arriver” », dit-il.

Il n’en veut pas aux employés qui l’invectivent, estimant que « c’est la compagnie [qui] leur rentre dans la tête que tout le monde est contre eux autres », mais il en veut en revanche à l’entreprise et à ses dirigeants, qu’il accuse de mener la population en bateau.

« Ils disent : “On va faire des changements”, mais il n’y en a jamais eu, de changement », s’emporte-t-il, ajoutant qu’avec ses milliards de profit, l’entreprise serait bien capable « d’investir pour ne pas tuer les gens ».

Si elle ne veut pas le faire, si elle ne veut pas se conformer à la réglementation québécoise, qu’elle ferme, tranche-t-il.

« C’est 500 emplois ? On est en pleine pénurie de main-d’œuvre, il manque d’employés partout dans les mines, ici, en Abitibi, ils ont juste à aller porter un CV ailleurs », lance-t-il.

Je te garantis que c’est crissement moins dur d’aller porter un CV que de perdre une jambe.

Simon Turcotte

« Quand même ironique de se dire que la ville ne va pas survivre sans une fonderie qui, littéralement, nous tue tous à petit feu », a-t-il écrit sur la page Facebook du Regroupement vigilance mines Abitibi-Témiscamingue, en juillet.

À un vice-président du syndicat des travailleurs de la fonderie qui lui répondait « pkoi tu demeure a rouyn mon petit génie ? » [sic], Simon Turcotte a expliqué sa dépendance à ses proches pour plusieurs aspects de son quotidien, depuis qu’il a une jambe en moins.

« J’espère que tu t’assures que ton masque est bien hermétique quand tu te promènes sur le site [de la fonderie], je te souhaite rien de tout ça », a conclu le musicien.

En savoir plus
  • 1927
    Année du début des activités de la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda, qui comportait aussi une mine jusqu’en 1976
    SOURCE : FONDERIE HORNE
    43 092
    Population de la ville de Rouyn-Noranda
    source : ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec