Quand elle a été heurtée par une voiture, il y a cinq ans, un accident qui l’a envoyée à l’hôpital pour près d’un an, Lyne Saint-Denis ne se doutait pas que sa vie allait changer complètement et qu’elle se retrouverait dans un refuge pour femmes en situation d’itinérance.

Une succession de malchances – perte de son emploi, perte de son logement, perte de ses indemnités de la SAAQ – ont mené la femme de 64 ans au refuge d’urgence pour femmes de la Mission Old Brewery, au pavillon Patricia Mackenzie, l’année dernière.

Mme Saint-Denis ne se plaint pas. Au contraire, elle est reconnaissante d’être hébergée à cet endroit, alors que nombre de femmes essuient des refus en raison du manque de places.

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Au pavillon Patricia Mackenzie, le dortoir de 26 lits a récemment été remplacé par des petites chambres où deux résidantes cohabitent.

L’itinérance au féminin augmente de façon exponentielle. En 2021, le refuge de la Mission Old Brewery a dû refuser 80 femmes par mois faute de places, soit 950 refus pour l’année. En 2023, le nombre de refus mensuels a atteint 203, soit 2432 pour l’année.

Finis les dortoirs

Lyne Saint-Denis a eu la chance d’arriver sur place alors que l’organisme était en train de réaménager l’espace pour remplacer le grand dortoir de 26 lits superposés par des chambrettes où deux résidantes cohabitent, des travaux de 300 000 $.

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Lyne Saint-Denis

Ce n’est pas un hôtel cinq étoiles, il faut être tolérante pour habiter ici, il y a toutes sortes de monde. Mais quand je regarde le prix des logements, c’est pas croyable comme c’est cher.

Lyne Saint-Denis, résidante du pavillon Patricia Mackenzie

Lors de notre visite des lieux, tout est calme. Des résidantes sont dans leur petite chambre, dorment ou font leur toilette. Certaines se retrouvent en face de l’immeuble décoré de motifs de fleurs, pour fumer et profiter du beau temps en attendant le repas.

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Le pavillon Patricia Mackenzie, de la Mission Old Brewery, sur le boulevard De Maisonneuve Est, dans le Village

L’ambiance était tout autre auparavant, quand l’endroit était à aire ouverte, témoigne Élysabeth Garant, coordonnatrice clinique du service aux femmes de la Mission Old Brewery : moins d’intimité, plus de tensions, plus de conflits quand une résidante dérangeait les autres.

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Élysabeth Garant, coordonnatrice clinique du service aux femmes de la Mission Old Brewery

Il faut se mettre à la place d’une personne qui arrive ici pour la première fois. C’est un choc et ça peut être traumatisant. On reste un refuge d’urgence, mais on offre un peu plus de confort.

Élysabeth Garant, coordonnatrice clinique du service aux femmes de la Mission Old Brewery

Un casier verrouillé à clé, une porte qu’on peut fermer, un espace à soi… Ces petits détails peuvent faire toute une différence pour réconforter des femmes qui se sont retrouvées à la rue, dit-elle.

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Les petites chambres offrent plus d’intimité et de tranquillité que le grand dortoir qu’elles remplacent.

Dernier recours

De plus en plus, le refuge reçoit des femmes qui expérimentent l’itinérance pour la première fois, comme Lyne Saint-Denis, note Élysabeth Garant. Ces femmes restent environ six mois dans cette ressource, où elles paient une pension de 200 $ à 300 $ par mois.

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Élysabeth Garant, coordonnatrice clinique du service aux femmes de la Mission Old Brewery, et Marie-Pier Therrien, directrice des communications de l’organisme

« Les femmes qui viennent ici ont généralement épuisé tous leurs recours », ajoute Marie-Pier Therrien, directrice des communications de la Mission Old Brewery. « Certaines ont peut-être été hébergées chez quelqu’un, une situation qui peut mener à de l’exploitation et de la violence. »

Le but est qu’elles puissent ensuite obtenir leur propre logement, soit dans un HLM, ou dans un projet avec supervision, ou alors en colocation. Certaines peuvent loger pour un certain temps dans une chambre individuelle ou partagée au 4e étage du Pavillon Mackenzie, où une cuisine commune permet aux 10 résidantes de se faire à manger.

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Une chambre individuelle du pavillon Patricia Mackenzie

Pour les femmes aux prises avec des problèmes de santé mentale, des chambres avec services d’une travailleuse sociale et d’une psychiatre sont offertes au 3e étage.

« Le but, c’est qu’il y ait toujours une équipe qui les suive quand elles quittent [le refuge], pour que la suite se passe bien et qu’elles ne retombent pas à nouveau dans la rue », indique Mme Garant.

Lyne Saint-Denis souhaite surtout une chose : une petite cuisine à elle où elle pourra recommencer à se faire à manger. « J’adore cuisiner et je m’ennuie de ça », confie-t-elle. Avec la pension de vieillesse qu’elle pourra toucher dans quelques mois, elle espère être en mesure de payer un loyer, tout en continuant à faire du bénévolat.