(Ottawa) Le Canada risque de devenir complètement insignifiant en Afrique, s’il continue de se dégager de ce continent sur le plan économique, commercial et financier, mettent en garde des experts.

Selon eux, la réputation du pays à titre de partenaire s’étiole de plus en plus au profit de la Russie et de la Chine.

« L’Afrique va se contenter d’une relation toute platonique avec le Canada si l’approche actuelle est maintenue tant elle est tiède », souligne Stanley Achonu, le directeur nigérian de l’ONG One Campaign.

Son organisation, qui combat la pauvreté extrême et les maladies a témoigné cette semaine devant le comité des relations étrangères du Sénat.

Le gouvernement libéral promet depuis des années une stratégie pour accroître la présence du Canada en Afrique. Une consultation publique a été lancée en mai à ce sujet.

Au cours des dernières années, des sénateurs ont prévenu que le Canada était en train de perdre du terrain sur un continent qui compte plus d’un milliard de personnes.

La population de l’Afrique pourrait presque doubler d’ici 2050. La Banque mondiale affirmait en 2020 qu’une zone continentale de libre-échange « pourrait permettre aux pays africains de faire sortir de l’extrême pauvreté 30 millions d’habitants et d’accroître le revenu de 68 millions d’autres personnes ».

Toutefois, ils ne pourront pas y parvenir sans apporter des améliorations à la gouvernance, sans construire des infrastructures et sans restructurer leurs dettes, a souligné le sous-ministre au Développement international, Christopher MacLennan.

Témoignant devant le comité sénatorial, il a déclaré que les représentants canadiens recevaient encore un bon accueil en Afrique. Selon lui, les diplomates canadiens n’ont pas à être aussi présents en Afrique que leurs homologues européens, puisque le Canada doit aussi, par sa position géographique, porter son attention sur la région Indo-Pacifique.

Nicolas Moyer, le directeur général de Cuso International, a témoigné lui aussi de la présence accrue de la Chine et de la Russie dans certains pays au détriment de l’influence du Canada.

Le Canada a plus besoin de l’Afrique que l’Afrique a besoin du Canada. Si nous gardons encore nos distances avec l’Afrique, il serait plus difficile de rétablir cette relation et de construire pour l’avenir.

Nicolas Moyer, le directeur général de Cuso International

M. Moyer a mentionné que les investissements canadiens ont contribué à apporter de véritables changements en Afrique, notamment au chapitre de l’accès à l’éducation pour les femmes et de la santé maternelle.

Ces investissements ont permis de réduire les cas de maternité parmi les adolescentes, les mariages forcés des enfants et la mortalité infantile.

« Le Canada peut être un leader sur le continent africain. Si ce n’est pas avec sa bourse, il peut y parvenir avec sa conviction, une cohérence et un engagement à long terme avec ses partenaires », a ajouté M. Moyer.

Il faudra adopter une stratégie moins colonialiste, surtout lorsque vient le temps d’identifier les besoins des Africains. Il faudra aussi accepter de se contenter d’un rôle de soutien.

M. Achonu a dit aux sénateurs canadiens que le gouvernement fédéral devrait financer des projets d’infrastructure comme la construction de ponts et de routes afin de stimuler la croissance et de permettre au pays de laisser son empreinte.

« Existe-t-il des choses tangibles construites par le Canada que les Africains peuvent pointer ? Et je ne le dis pas de façon légère, car le Canada sauve des vies. Les investissements canadiens dans des secteurs essentiels comme la santé ne sont pas du luxe. »

Il a rappelé que la Chine se faisait de plus en plus présente dans l’ensemble du continent. Les programmes de santé financés par le Canada ne sont pas autant reconnus par les Africains qui reprochent à l’Occident de ne pas prioriser leurs besoins.

Selon M. Achonu, le discours du Canada sur les droits des LBGTQ+ serait mieux accueilli si les pays africains se sentaient plus respectés et s’ils constataient un intérêt canadien pour investir les secteurs qui marchent le mieux. Leur faire la morale sur des enjeux sociaux est une stratégie qui risque de nuire à tout engagement.

« Établir des partenariats peut ouvrir la porte à de futures discussions sur les droits », soutient-il.