Trou des Campions, Saint-Pierre-de-Broughton, Chaudière-Appalaches
Au bout d’un sentier de randonnée, dans la forêt près du village de Saint-Pierre-de-Broughton (juste au nord de Thetford Mines), les marcheurs arrivent devant… un trou. Ou, plus exactement, une « cuvette », soit une « dépression de terrain naturelle formant un creux fermé de tous les côtés », écrit la Commission. Dans le coin, on l’appelle le « Trou des Campions ».
Qui étaient ces « campions » ? « Un campion est un vagabond, un bohémien qui parcourt les campagnes à la recherche d’un emploi », dit Wim Remysen, professeur de sociolinguistique de l’Université de Sherbrooke et directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur le français en usage au Québec (CRIFUQ). « On trouve ce mot, connoté négativement, dans certains romans de Germaine Guèvremont, dans les années 1940 [dont Le survenant], et le mot apparaît dans le Dictionnaire de la langue québécoise rurale de David Rogers, paru en 1977. » La légende locale veut qu’un groupe de campions ait passé l’hiver dans cette cuvette.
3e rang du Vieux-Verbal, Saint-Calixte, Lanaudière
Non, ce curieux nom ne fait pas référence à un vieux gâteux qui abuse de la jasette… L’origine du nom n’est pas certaine, mais la Commission croit qu’il fait référence à l’acte de « verbaliser un chemin ». Wim Remysen ajoute d’autres références. « Dans le Glossaire du parler français au Canada de 1930, on apprend que verbaliser un chemin, ou un cours d’eau, signifie “régler comment il sera établi, comment il sera entretenu et par qui seront exécutés ou payés les travaux d’établissement et d’entretien” », explique le linguiste. Par exemple, « l’auteur Pamphile LeMay a écrit dans ses Contes vrais, en 1907 : “Ce fossé n’a jamais été verbalisé” ». L’historien et photographe Pierre Lahoud précise que c’est le « grand voyer », le fonctionnaire responsable des routes au temps de la Nouvelle-France, qui était chargé de « verbaliser ». « À l’époque, chaque censitaire devait entretenir la portion du chemin devant chez lui. »
La Venise des Castors, Lac-Pikauba, Charlevoix
« Je trouve ça tellement beau et poétique ! », s’exclame Pierre Lahoud. Les castors ont inondé ce secteur de la zone d’exploitation contrôlée (zec) des Martres, dans le nord de Charlevoix (à 15 km au nord de Saint-Urbain), en érigeant des barrages et des huttes sur le ruisseau du Gros Bras. « Le Gros Bras ! On ne peut pas dire qu’on n’a pas de poésie dans nos noms de lieux ! », dit Pierre Lahoud. L’arrangement complexe, décrit la Commission, rappelle « les canaux de Venise, en Italie ». « C’est de l’anthropomorphisme à son meilleur, on imagine les castors en gondole », s’esclaffe Pierre Lahoud. « Juste le nom, ça donne envie d’aller voir. » Pour s’y rendre, il suffit de se prendre le sentier du Dôme à partir de la route 381… puis de piquer à travers bois (n’oubliez pas les bottes hautes et le chasse-moustiques).
Rue du Minot-de-Pommes, Petite-Rivière-Saint-François, Charlevoix
Il y a longtemps, dans le hameau de Grande-Pointe, au bord du fleuve et au pied du Massif, des vergers fournissaient une monnaie d’échange – des pommes – qui pouvait être troquée contre une parcelle de terrain, écrit la Commission. Un minot équivalait à 35 livres de pommes. « La mesure était jadis utilisée dans les anciennes provinces françaises et, comme l’unité de superficie “arpent”, elle a été importée au Québec », explique le linguiste Wim Remysen. « On trouve le mot dans d’anciens livres de comptes à l’époque de la Nouvelle-France. Par exemple, Pierre Simon dit Delorme note, en 1687, les prix que valent “cattre minos de blé, plus trois minos et demis de pois et un demi-minos de pois blans”. Le mot est formé de “mine” – une autre unité de mesure – et du suffixe diminutif “-ot”, le minot valant la moitié d’une mine. »
Verrou du Malin, parc national de la Jacques-Cartier, Capitale-Nationale
« Le diable est partout », note Pierre Lahoud. « Le diable, le Malin, ça évoque le mystère. C’est fascinant, et épeurant. » Le Malin se cache aussi dans ce secteur du parc national de la Jacques-Cartier, où on a donné son nom à une rivière, à une gorge, et maintenant à une montagne. Le Verrou du Malin culmine à environ 700 m au point de rencontre entre la vallée de la rivière Jacques-Cartier et la gorge du Malin, à 23 km au nord-ouest du Camp-Mercier et à 23 km au sud-ouest de L’Étape. Pourquoi un « verrou » ? La Commission précise que le « verrou glaciaire est un corps rocheux qui est plus résistant à l’érosion glaciaire que les roches environnantes et qui barre l’écoulement des eaux dans une vallée ».
D’autres noms finalistes
À ces cinq toponymes finalistes s’ajoutent la rue du Train-de-Neige de Sainte-Adèle (qui rappelle le temps où les skieurs montréalais empruntaient le chemin de fer plutôt que l’autoroute des Laurentides pour « monter dans le Nord »), le lac du Raidillon sur la Côte-Nord (où les berges abruptes compliquent l’accès à l’eau), le chemin rocheux Rupicole à Potton (en biologie, l’adjectif rupicole signifie « qui pousse sur les roches » ou « qui vit dans, sur les rochers »), les parcs du Flottage de Rimouski et du Plus-Petit-au-Plus-Grand de Saint-Onésime-d’Ixworth dans le Bas-Saint-Laurent, le boisé de l’Ocarina de Boucherville (du nom d’une sorte de petite flûte) et le sentier d’un Flâneur dans l’Île d’Orléans (baptisé en l’honneur de Félix Leclerc et de son Calepin d’un flâneur, paru en 1961). Le public est invité à faire connaître son « coup de cœur » en votant sur le site de la Commission de toponymie jusqu’au 1er février.