Frappé au visage par un père en colère, un arbitre de hockey mineur réclame une sécurité accrue pour ses pairs. L’épisode de violence s’ajoute à beaucoup d’autres dans nos arénas, au moment où Hockey Québec songe à doter ses officiels de caméras corporelles.

« Depuis le retour de la COVID, je n’aime pas ça dire ça, mais les parents sont comme devenus fous », dit en soupirant Gabriel Grégoire.

Arbitre en chef pour les associations de hockey mineur à Saint-Rémi et à Napierville, sur la Rive-Sud, il chapeaute bénévolement le travail des arbitres, dont certains sont mineurs.

Le 13 janvier dernier, à l’aréna de Saint-Rémi, il ne se trouvait même pas sur la glace, mais à proximité, lorsque le père d’un jeune hockeyeur expulsé du match après une troisième pénalité (comme le prévoient les règlements de Hockey Richelieu) s’est approché de lui pour lui signifier son mécontentement.

La conversation s’est alors envenimée au point que l’arbitre en chef a reçu une claque et un coup de poing au visage, raconte M. Grégoire.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le Centre sportif régional Les jardins du Québec, à Saint-Rémi, sur la Rive-Sud de Montréal, où Gabriel Grégoire a été agressé par un parent mécontent le 13 janvier dernier

La Sûreté du Québec confirme être intervenue ce soir-là, à l’aréna de Saint-Rémi, en réponse à un appel pour une altercation. Un homme de 50 ans a alors été arrêté et devra comparaître pour faire face à des accusations pour voies de fait.

La goutte qui a fait déborder le vase

Gabriel Grégoire affirme que c’est loin d’être le seul incident dont il a été témoin ces dernières années, lui qui observe des actes de violence verbale et physique à l’endroit de ses arbitres presque chaque semaine.

Le lendemain de son agression, une mère de quatre enfants qui jouent tous au hockey a été bannie des arénas gérés par Hockey Richelieu après qu’elle s’est rendue dans la salle qui est réservée aux arbitres pour les enguirlander.

Ajoutez à cela un autre incident lors duquel un autre père mécontent aurait servi une mise en échec à un arbitre mineur qui, craintif, a préféré ne pas porter plainte, et ce fut la goutte qui a fait déborder le vase pour M. Grégoire.

Il dénonce ces gestes « qui n’ont pas leur place dans le hockey mineur ni dans la vie en général ».

« Il y a une escalade de violence et de coachs qui ne savent pas se tenir », confirme-t-il.

Si on n’est pas contents, ça ne nous donne pas le droit d’envoyer paître ou d’être violents, surtout pas dans un endroit où des jeunes vont pour jouer au hockey.

Gabriel Grégoire, arbitre en chef

Déjà, la fédération responsable du hockey mineur au Québec, Hockey Québec, diffuse depuis peu un message de sensibilisation dans les arénas, au début des matchs. Mais cette mesure n’est pas suffisante, estime M. Grégoire.

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L’aréna de Saint-Rémi, où Gabriel Grégoire arbitre des matchs, est doté d’une barrière visant à séparer le public des officiels à leur sortie de la glace. Or, elle reste la plupart du temps ouverte, déplore-t-il.

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Une barrière a été installée pour séparer le public des officiels, à leur sortie de la glace, mais elle est trop souvent laissée ouverte par le gestionnaire de l’aréna, déplore Gabriel Grégoire.

« La barrière a trois pieds de haut. N’importe qui qui est agressif et qui veut passer par-dessus ça, ça va prendre une demi-seconde qu’il va l’avoir passée, la barrière », réplique le directeur général du Centre sportif régional Les jardins du Québec, Styve Anctil. La garder fermée compliquerait considérablement la circulation dans l’aréna, ajoute-t-il.

Selon lui, les efforts doivent être plutôt mis dans l’éducation et la sensibilisation des parents.

Des caméras sur les arbitres ?

Contactée par La Presse, la fédération responsable du hockey mineur au niveau provincial, Hockey Québec, affirme qu’elle n’avait pas été mise au courant de cet incident dont Gabriel Grégoire a été victime.

« Nous déplorons tout acte de violence, qu’il soit verbal ou physique, envers un officiel. Notre fédération s’engage à renforcer une culture de respect envers les officiels », affirme son coordonnateur aux communications, François Lachance.

Ce dernier confirme par ailleurs qu’une « problématique d’agressions verbales ou physiques à l’endroit des officiels » est observée dans les arénas de la province, explique-t-il en ajoutant qu’elle est toutefois « difficile à chiffrer ».

Hockey Québec indique étudier la possibilité de doter ses arbitres de caméras corporelles afin de dissuader les parents et joueurs de s’en prendre à eux, confirme son directeur arbitrage, sécurité des joueurs et réglementation, Stéphane Auger.

« C’est beaucoup d’accompagner nos jeunes arbitres […] qui ont moins d’expérience et peut-être un peu moins de bagage pour composer avec l’adversité et le comportement toxique de certains parents », explique-t-il au sujet de l’initiative en précisant « que quelques parents » peuvent poser problème et non pas « la majorité ».

Il ne s’agit pour le moment que d’un projet pilote visant l’acquisition de « quelques appareils », mais l’organisme vise à le mettre en place d’ici le début de la prochaine saison, précise M. Auger.

« On n’a pas dit que tous les arbitres en auraient dès l’an prochain [parce que] oui, il y a des coûts reliés à ça », nuance celui qui a déjà occupé le poste d’arbitre dans la Ligue nationale de hockey (LNH).

Cette initiative permettrait du même coup à Hockey Québec d’encadrer la formation de ses jeunes arbitres, dont certains ont à peine 14 ans.

Depuis la mi-janvier, les officiels de moins de 18 ans de Hockey Richelieu sont identifiés sur la glace par des brassards jaunes, une mesure visant à sensibiliser les entraîneurs et les parents à faire preuve d’un « comportement adéquat » à leur égard.

Le soccer mineur prend la balle au bond

Hockey Québec ne serait pas la première association sportive envisageant de faire porter des caméras corporelles à ses officiels. Au soccer aussi, les violences physiques et verbales sont devenues monnaie courante sur le terrain. Au point qu’un club de l’Estrie, l’Association de soccer mineur de Windsor, dotera ses arbitres de caméras corporelles dès le mois de mai. Son président, Martin Tremblay, fait le pari que les parents, se sachant filmés, y réfléchiront à deux fois avant de faire un geste agressif à l’égard des arbitres. En Ontario, des officiels de soccer ont également commencé à porter des caméras dans le cadre de projets pilotes.

Léa Carrier, La Presse