Bien malgré lui, le Front commun intersyndical a dévoilé les augmentations de salaire négociées avec Québec pour les 420 000 travailleurs du secteur public qu’il représente, soit 17,4 % sur cinq ans. L’entente n’a pas encore été présentée aux membres, ce qui sera fait au plus tôt la semaine prochaine.

« Sur le plan des salaires, le Front commun a obtenu des augmentations de 17,4 % sur cinq ans, lesquelles s’accompagnent d’une clause de protection du pouvoir d’achat pour chacune des trois dernières années de la convention collective, ainsi que de nombreuses améliorations des conditions de travail », a indiqué le Front commun sur son site web, mercredi.

À ces augmentations de salaire, le regroupement explique que « s’ajoutent des gains importants concernant les assurances collectives et les vacances, en plus d’éléments relatifs aux droits parentaux, à l’attraction et la rétention des ouvriers spécialisés et des psychologues notamment ».

Le regroupement de syndicats s’est vu contraint de diffuser l’information après qu’une page web présentant ces paramètres restés confidentiels jusque-là a refait surface mercredi parce qu’elle avait été enregistrée par le moteur de recherche Google.

« La volonté du Front commun a toujours été de présenter en premier à ses membres le contenu de la proposition d’entente survenue à la table centrale. Toutefois, dans le contexte où l’information circule, nous souhaitons vous présenter les grandes lignes constituant l’hypothèse de règlement », écrit le Front commun.

Vers une entente de principe globale

Le cabinet de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a fait savoir mercredi qu’il n’émettrait pas de commentaire. De son côté, le Front commun a prévu de faire le point au début de la semaine prochaine.

D’ici là, les quatre organisations membres du Front commun (CSN, CSQ, FTQ et APTS) doivent convoquer leurs délégations dans le but de leur présenter le contenu des propositions d’entente intervenues à la table centrale et aux tables sectorielles afin de déterminer si elles constituent une entente de principe globale. Les membres des syndicats seront ensuite appelés à voter sur ces ententes de principe en assemblées générales.

Joint mercredi, l’ex-président de la CSN Jacques Létourneau a estimé que les quelques informations ayant fuité laissent croire qu’il s’agit d’une « bonne entente » pour les syndicats.

« [Le premier ministre François] Legault est passé à la caisse », tranche-t-il en rappelant que le gouvernement avait commencé les négociations en offrant une augmentation de salaire de 12,7 % sur cinq ans. Québec avait ensuite envoyé le signal qu’il était prêt à bonifier cette offre.

« Il fallait régler les problèmes de pénurie et de rétention de la main-d’œuvre […]. Ça prenait une bonne convention. »

Sur le plan de la flexibilité

Qui plus est, la présence d’une « clause de protection du pouvoir d’achat » dans l’entente, comme annoncé par le Front commun, serait une première depuis les années 1970, se réjouit Jacques Létourneau.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Jacques Létourneau, ancien président de la CSN

Ça veut dire que si dans la troisième ou la quatrième année de la convention, on a négocié 2 % d’augmentation et que l’inflation est alors à 3 %, les salaires vont s’ajuster.

Jacques Létourneau, ancien président de la CSN

« Reste à voir ce qui a été négocié au niveau de la flexibilité », conclut l’ex-syndicaliste en rappelant que les ententes sectorielles, celles portant sur les conditions de travail propres à chaque corps de métier, n’ont toujours pas fait l’objet de fuite.

Sur cinq ans, le Front commun réclamait au début des négociations une clause d’indexation de 18,1 % pour couvrir la hausse du coût de la vie et des augmentations de salaire de 7 % au titre d’« enrichissement ». Il avait ensuite remis en question la hausse de 7 %.

Avant Noël, le regroupement se disait toujours prêt à signer des conventions collectives de cinq ans, mais ne chiffrait plus ses demandes sur cette période.

Le Front commun répétait également que « pour conclure une entente à la table centrale, il devra[it] y avoir des avancées » au sujet des assurances et des ouvriers spécialisés, « de même qu’en ce qui concerne les conditions de travail aux différentes tables sectorielles ».

La FAE à l’étape des votes, la FIQ négocie

Mercredi, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui représente 66 500 enseignants, a indiqué que ses neuf syndicats affiliés étaient en train d’organiser les assemblées générales où l’entente négociée avec Québec serait présentée à ses membres. Ne faisant pas partie du Front commun intersyndical, la FAE a annoncé le 28 décembre dernier en être venue à une entente de principe, ce qui a mis fin à ses moyens de pression, y compris la grève entreprise par ses membres à la fin de novembre.

De son côté, la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) poursuit ses négociations avec le gouvernement. Le syndicat, qui représente quelque 80 000 membres, dont la majorité des infirmières du Québec, a fait savoir récemment qu’il ne commenterait plus publiquement l’état des négociations, et ce, à la demande du conciliateur dont il a réclamé l’aide le 19 décembre dernier pour dénouer l’impasse.