Pour Sandra*, 15 ans, l’espoir a un nom : Achille. Celui d’un cheval, devenu son meilleur ami, qui lui a enfin permis de se sentir normale. Après 11 ans dans les services de la DPJ, après les coups et les insultes dans sa famille, les crises suicidaires et d’automutilation, le vent a tourné. Parcours d’une adolescente tenace.

« Des fois, ça peut paraître fou, mais ça peut sauver des vies », affirme Sandra, rencontrée dans un foyer de groupe montréalais de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), un soir de novembre.

« Ça », c’est le coup de pouce qu’elle a reçu de la Fondation des jeunes de la DPJ dans la dernière année, grâce auquel elle a bénéficié de séances de zoothérapie. C’est là, dans un centre équestre en périphérie de Montréal, que les choses ont changé pour Sandra.

Son histoire avec la DPJ débute à ses 4 ans, quand une intervenante vient la voir dans son école primaire. « J’étais contente, se souvient-elle, parce qu’à cet âge-là, je ne savais pas qu’on pouvait avoir de l’aide. »

Dans sa famille, la violence est omniprésente.

Mon père me frappait, m’insultait, il me punissait, mais des grosses punitions. J’étais privée de bouffe, je devais passer toute la soirée dans ma chambre.

Sandra

Suivent des années où elle passe de chez sa mère à chez son père, vivant avec la culpabilité, l’agitation et des discours incohérents entre ses deux parents.

À 9 ans, Sandra craque : elle veut mourir. Elle est hospitalisée deux mois dans un établissement psychiatrique de la métropole. Elle réalise que l’éloignement de sa famille lui fait du bien. À 13 ans, elle entame les démarches pour intégrer un foyer de groupe de la DPJ.

Le même endroit où nous la rencontrons, deux ans plus tard. Dans un état bien différent de celui dans lequel elle se trouvait quand elle y est entrée.

Arrivée tumultueuse

Quelque chose craque chez Sandra quand elle arrive dans le foyer de groupe. Elle a des crises, des tics, arrache un tiroir de la cuisine, s’automutile. « Je me suis lâchée », estime-t-elle avec le recul. « Toute la frustration, la haine et l’injustice que j’avais vécues depuis mes 4 ans, ils se sont tout pris dans la gueule. »

Elle n’est pas une personne violente, tient à préciser Sandra. Du moins, pas envers les autres.

Je m’en suis vraiment prise aux objets et à moi. J’étais impulsive, parce que j’avais grandi dans un univers impulsif.

Sandra

Rien ne va. Ni à l’école, ni dans la relation avec les autres jeunes du foyer, ni avec ses parents. Mais dans les discussions de Sandra avec son éducatrice de suivi, un sujet revient : les chevaux.

Ils sont partout. Elle les dessine (avec talent), elle en parle, elle en rêve depuis toujours. « Quand je suis née, j’ai dit cheval. J’en suis sûre ! », lance l’adolescente à la blague.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Sandra, 15 ans, adore les chevaux. Et elle les dessine avec talent.

Les séances de zoothérapie sont trop chères pour ses parents, ou pour les services qu’elle est en droit de recevoir de la DPJ. C’est à ce moment que la Fondation des jeunes de la DPJ entre en jeu.

Des milliers de jeunes soutenus

Chaque année, cette fondation soutient des milliers de jeunes au Québec en offrant des services complémentaires à ceux donnés par l’État, explique Marie-Hélène Vendette, directrice principale au développement philanthropique et aux communications.

L’aide peut servir à soutenir certains talents, avec des cours ou des activités sportives, par exemple. Ou encore à payer des thérapies ou à accompagner les jeunes dans la transition vers la vie adulte (jusqu’à 25 ans), notamment.

Ce sont des jeunes qui ont de multiples traumatismes. Donc il faut vraiment des recettes très personnalisées pour chacun.

Marie-Hélène Vendette, directrice principale au développement philanthropique et aux communications de la Fondation des jeunes de la DPJ

Dans le cas de Sandra, la Fondation a accepté de lui payer non pas une, mais deux sessions de zoothérapie, pour une valeur totale de 2000 $. « C’est la meilleure chose qui puisse m’être arrivée », résume Sandra.

Dans le cadre de la campagne annuelle de financement de la Fondation, l’adolescente a voulu raconter son histoire – un gros défi pour elle. Pour redonner un peu de ce qu’elle a reçu.

Achille

À partir du moment où la zoothérapie débute, tous les mercredis avant l’école, Sandra commence sa journée avec Achille. Un cheval « beau, grand… et idiot », décrit-elle en riant.

« Achille a été mon ami, mon vrai ami, insiste Sandra. Un animal avec qui je me suis sentie bien. C’était une sensation que je n’avais pas eue depuis longtemps. »

En sa compagnie, elle se sent « normale », ajoute l’adolescente. Sans compter la joie de sortir de Montréal, de se retrouver dans la nature avec « les fermes, les vaches, les champs, les tracteurs », énumère-t-elle.

Au courant de sa deuxième session de zoothérapie, le printemps dernier, la transformation de l’adolescente commence à transparaître. Et à porter ses fruits.

Sandra a écrit une lettre aux autres jeunes du foyer de groupe pour dire qu’elle s’engageait à devenir plus agréable. Elle respecte son engagement, au point de devenir un modèle pour les autres. Elle commence à mettre ses limites avec son père. À s’exprimer. Les tics disparaissent. L’automutilation aussi.

Cet enchaînement de petits succès la rendent « fière ». « J’ai repris espoir que ça pouvait aller mieux, soutient Sandra. Et, à ce moment-là, mon objectif, ç’a été de rentrer chez moi. »

Sandra a travaillé fort pour retourner vivre avec sa mère.

Elle a quitté le foyer de groupe cet automne, laissant derrière elle quelques plantes vertes, une murale, et plusieurs peintures de chevaux.

* Prénom fictif

Consultez la campagne de financement de la Fondation des jeunes de la DPJ