De nombreux professeurs de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) dépourvus ont pu profiter de la générosité du public pour recevoir nourriture et chèques-cadeaux d’épicerie samedi à la suite de collectes de dons organisées par leurs collègues à l’échelle de la province. Un baume pour beaucoup qui, après deux semaines de grève sans salaire, tirent le diable par la queue.

Après avoir arrêté de cotiser à ses REER, annulé son assurance invalidité et même son abonnement Netflix, la suppléante Meriem Benhadry avait peu d’options restantes pour nourrir ses trois enfants.

« Sincèrement, on commence à trouver que ça fait longtemps. Ça ruine les réserves financières et j’ai des cours aussi », a témoigné celle qui complète un certificat en accompagnement à l’enseignement primaire, devant la maison des jeunes d’Anjou, samedi.

À cet endroit, comme à nombre d’autres points de chute un peu partout dans la province, des bénévoles et enseignants membres de la FAE distribuaient denrées alimentaires, vêtements et produits d’hygiène reçus dans la matinée de nombreux donateurs.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

« Des cartes-cadeaux d’épicerie, c’est de ça qu’on disait qu’on avait besoin. On a eu des dons de vêtements, et même si certains vêtements et certains jeux sont partis, les gens, c’est vraiment de la nourriture qu’ils venaient chercher », témoigne la responsable du point de collecte et enseignante du 2cycle à l’école primaire Des Roseraies Élisabeth Bourassa.

À travers le Québec

En tout, une centaine de personnes sont venues s’y approvisionner entre midi et 14 h, indique-t-elle. « Même qu’il y a une vingtaine de profs qu’on a dû retourner parce qu’il n’y avait plus rien. Ça a roulé, il y a des besoins », ajoute-t-elle avant d’interrompre sa phrase pour accueillir une nouvelle personne venue faire un don.

L’initiative, par l’entremise d’un groupe sur Facebook, Entraide pour les profs en grève, a permis d’organiser, en quelques jours à peine, une dizaine de points de collecte à travers la province, à Montréal, Québec, Gatineau, Blainville et Granby, entre autres.

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Distribution de dons et de denrées par et pour les professeurs en grève de la FAE à Laval

À Laval, dans un stationnement du boulevard de la Concorde Est, un groupe de bénévoles avait dressé des tables toujours garnies de nombreux vêtements en début d’après-midi. Dix-sept caisses de fruits et légumes y avaient été livrés le matin, des enseignants de l’École hôtelière et d’administration de Laval avaient cuisiné de la soupe pour l’occasion.

« C’est ça qui est beau à voir, c’est que la société est prête à nous soutenir dans un moment où c’est difficile, financièrement et moralement », se réjouit la bénévole et enseignante à l’école primaire de Val-des-Ruisseaux Claudine Lefebvre.

« Pour plusieurs, tu vois que c’est difficile »

Mais vers 13 h 30, toute la nourriture et tous les chèques-cadeaux d’épicerie récupérés en matinée avaient déjà été donnés, un indice que beaucoup d’enseignants trouvent les temps durs.

Pour nombre d’entre eux, venir ainsi chercher de ces dons, « ç’a été émotif », confirme Claudine Lefebvre. « Les besoins sont là », remarque-t-elle en ajoutant avoir compté au moins une centaine de professeurs venus se prévaloir de cette générosité.

Pour plusieurs personnes, tu vois que c’est difficile. On est des gens qui donnent tellement de nous-mêmes que c’est difficile pour plusieurs de demander en retour.

Stéphanie Larocque, enseignante à l’école primaire Le Tandem, à Laval, elle aussi venue prêter main-forte pour la distribution

« C’est la première fois qu’on fait ça [venir chercher des dons], mais on commence à être un peu serrés », a témoigné une enseignante au primaire, mère de famille monoparentale, venue récupérer quelques biens et qui préférait rester anonyme. « Même avec le salaire qu’on fait, qui n’est pas horrible, ce n’est pas facile. L’épicerie coûte de plus en plus cher. »

À Laval, on s’attend à poursuivre la collecte et les dons la fin de semaine prochaine, si la grève devait durer jusque-là. Au CSS de la Pointe-de-l’Île, l’enseignante Élisabeth Bourassa insiste pour que des réseaux se mettent en place dans chaque école pour s’assurer que personne ne manque de quoi que ce soit.

Les 66 500 professeurs de la FAE sont en grève générale illimitée depuis le 23 novembre dernier, et ce, sans fonds de grève. Ces enseignants travaillent dans les classes de Montréal, de Laval, de Québec, de l’Outaouais, de la Montérégie, des Laurentides et de l’Estrie. Ils représentent environ 40 % des professeurs au Québec.