La tranche d’âge des Québécois de 0 à 49 ans a connu plus de décès que prévu depuis le début de l’année, démontrent les dernières données publiées par l’Institut de la statistique. Si des pistes d’explication sont avancées pour expliquer cet écart – comme l’impact de la crise des opioïdes –, il est encore trop tôt pour statuer sur les causes exactes.

Décès en hausse

La surmortalité s’accélère chez les Québécois de moins de 50 ans cet automne. C’est ce qu’ont révélé les toutes dernières données publiées jeudi par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Depuis le début de l’année, l’ISQ prévoyait enregistrer 1991 décès en date de la mi-septembre chez les 0 à 49 ans. À cette date, les décès étaient plutôt au nombre de 2450, un écart de 23 % par rapport aux prévisions des démographes. La surmortalité (ou « excès de mortalité ») est définie par l’Institut national de santé publique du Québec comme « le nombre de décès de toutes causes qui excède le nombre attendu “en temps normal” ».

Grandes fluctuations

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Frédéric Fleury-Payeur, démographe de l’Institut de la statistique du Québec

Le petit nombre de décès dans ce groupe d’âge dans une province de près de 9 millions d’habitants fait en sorte que chaque variation aura des impacts très visibles dans les données exprimées en pourcentage, explique Frédéric Fleury-Payeur, démographe à l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). « Si on s’attend à voir environ 60 décès et qu’il y en a finalement 80, ça donne 33 % de plus, ce qui peut avoir l’air plus frappant que ça l’est en réalité, car les fluctuations sont normales. » Cela dit, au cours des 18 derniers mois, la mortalité réelle a pratiquement toujours dépassé la mortalité anticipée pour les 0 à 49 ans. « Alors oui, on peut se dire qu’il y a des phénomènes derrière les chiffres. »

Crise des opioïdes ?

Parmi les pistes d’explication, M. Fleury-Payeur mentionne la crise des opioïdes, qui fait les manchettes depuis plusieurs mois. « On sait que le Québec est beaucoup moins affecté par cette crise que les autres provinces, par exemple la Colombie-Britannique. Mais on sait qu’il y a quand même une hausse ici depuis quelques années. Cela touche en majorité les jeunes adultes, donc il se peut que cela se reflète dans les données que nous recueillons. » Dans le reste du Canada, la crise des opioïdes a des impacts autrement importants : ces dernières années, le taux de mortalité chez les personnes âgées de 25 ans à 40 ans y a doublé. « Est-ce cela aussi qui forme une partie de la réponse au Québec ? Est-ce qu’il y a aussi eu plus de décès dans les collisions routières ? Il va falloir attendre les données annuelles qui nous sont fournies par les coroners, les enquêtes sur les décès suspects et les morts violentes. C’est à ce moment-là qu’on pourra statuer, parce qu’actuellement, il n’y a que des hypothèses. »

Aussi chez les 50 ans et plus

La grande majorité des décès enregistrés au Québec sont chez les 50 ans et plus. Là aussi, un phénomène de surmortalité est observé, selon les calculs de l’ISQ. Depuis le début de l’année, les décès rapportés sont supérieurs de 3 % à ce que les experts avaient envisagé. « En fait, au début de 2023, les données observées étaient inférieures aux prévisions, et depuis le début d’août, elles sont supérieures de 7 ou 8 %, dit Frédéric Fleury-Payeur. Bien qu’il soit trop tôt à l’heure actuelle pour tirer des conclusions, le démographe émet l’hypothèse que les virus respiratoires ont commencé à circuler plus tôt cette année. « On l’a vécu à l’automne 2022, où il y avait une surmortalité constante qui était due à la COVID-19 et aux autres virus respiratoires. Est-ce que c’est ça qu’on voit à l’heure actuelle ? Il est trop tôt pour le dire, mais ça fait partie des pistes à explorer. »