(Montréal) Une nouvelle étude à grande échelle montre la dangerosité associée à l’augmentation du poids des véhicules sur les routes. Elle conclut par exemple que lorsqu’un piéton est heurté par une camionnette, la victime a 200 % plus de risque de subir des blessures mortelles que si elle avait été frappée par une voiture.

Lors d’une collision entre deux véhicules dont l’un pèse au moins le double de l’autre, « les occupants du véhicule léger courent trois fois plus de risques de subir des lésions graves que lorsque les deux véhicules ont une masse similaire ».

Pour un piéton ou un cycliste frappé par une camionnette plutôt que par un petit véhicule, le risque de blessures graves augmente de 90 % et le risque de blessures mortelles de près de 200 %.

Pour arriver à ces conclusions, l’institut Vias, un centre de recherche basé à Bruxelles, a analysé tous les accidents survenus entre 2017 et 2021 en Belgique, soit les données concernant 300 000 usagers de la route.

« Malheureusement, on aurait probablement les mêmes résultats si l’étude avait été menée au Québec », a indiqué Martin Lavallière, chercheur au département des sciences de la santé de l’Université du Québec à Chicoutimi et membre du Réseau de recherche en sécurité routière du Québec.

Il a souligné que les gros véhicules, de plus en plus présents sur les routes, ont également besoin de plus de temps pour ralentir ou freiner, au détriment des autres usagers de la route.

« On a des masses qui augmentent, on a des vitesses qui augmentent, si tout augmente dans l’équation, alors l’énergie qui est transférée sur l’individu qui réceptionne cette collision, elle ne fait qu’augmenter encore plus. »

Des capots plus hauts : moins de visibilité

Le risque de blessures mortelles chez les piétons et cyclistes est également plus important à mesure que la hauteur de capot du véhicule qui les heurte augmente, selon l’étude.

« Un piéton ou un cycliste heurté par une voiture dont le capot est situé à 90 cm de hauteur court un risque de blessures mortelles 30 % plus élevé » que s’il est frappé par un véhicule dont le capot est 10 cm plus bas.

« C’est important des résultats comme ceux-là, parce que c’est avec des résultats comme ceux-là qu’on va être en mesure de changer les cultures qui sont sous-jacentes à l’achat de véhicules comme ceux-là », a indiqué Martin Lavallière.

Les camions représentent 71 % des ventes

Mais cette culture, ou cet engouement pour les camions, pourrait être difficile à changer si on se fie aux récentes statistiques sur les ventes de véhicules.

Les ventes de « camions », qui comprennent les fourgonnettes, les véhicules utilitaires sport (VUS) et les camionnettes, ont augmenté de 253 % entre 1990 et 2021 au Québec et elles représentent 71 % des ventes dans la province en 2021, selon l’État de l’énergie au Québec.

Le Ford F-150, qui pèse plus de 2000 kilogrammes, se maintient depuis quelques années en tête du palmarès des véhicules les plus vendus, toutes catégories confondues.

PHOTO DAVID ZALUBOWSKI, ASSOCIATED PRESS

Le Ford F-150, qui pèse plus de 2000 kilogrammes, se maintient depuis quelques années en tête du palmarès des véhicules les plus vendus, toutes catégories confondues.

« Je ne peux pas expliquer parfaitement la raison pour laquelle les gens achètent des VUS et de gros véhicules, mais les gens achètent un sentiment de sécurité, d’espace et de confort », a souligné Martin Lavallière.

Une sécurité inversement proportionnelle à la taille

Mais la sécurité des occupants de gros véhicules se fait aux dépens des occupants des véhicules de plus petites tailles.

Par exemple, l’étude belge conclut que lors d’une collision entre un véhicule de 1600 kg, comme un Toyota RAV4 à essence, et une voiture plus légère de 1300 kg, comme une Toyota Corolla, le risque de blessures mortelles diminue de 50 % pour les occupants de la voiture la plus lourde, mais augmente d’environ 80 % pour les occupants de la voiture plus légère.

« En voyant cette étude, des gens vont dire “je vais augmenter la grosseur de mon véhicule et ainsi augmenter ma sécurité”, mais si tout le monde augmente la masse de son véhicule, la masse de tous les véhicules va augmenter et on va se retrouver avec les mêmes problématiques et finalement, c’est toujours le véhicule de plus petite masse qui aura le plus grand taux de blessures. »

La semaine dernière, la ministre des Transports du Québec, Geneviève Guilbault, a présenté un plan d’action comprenant 27 mesures pour diminuer les accidents de la route. Le plan ne contient pas de mesure pour freiner l’augmentation du parc automobile ni pour diminuer la grosseur des véhicules.

Le chercheur Martin Lavallière souhaite que dans « les prochains mois, la Société d’assurance automobile et les chercheurs » utilisent « les données actuellement disponibles au Québec » pour mesurer et quantifier l’impact de l’augmentation du poids du parc de véhicules.

« Parce qu’il y a des impacts sur la gravité des blessures lors d’accidents et sur le nombre de décès », alors « c’est tout à fait raisonnable de se questionner ».

Bien que le nombre de personnes accidentées ait diminué de 10,4 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années au Québec, on déplore 392 décès sur les routes en 2022.

Il s’agit d’une hausse de 13,2 % par rapport à la moyenne de 2017 à 2021, selon la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).