Route 117 Un accident ravive l’idée d’une voie de contournement

Des citoyens et des élus locaux des Laurentides s’inquiètent des conséquences d’un potentiel déversement de matière dangereuse dans la rivière Rouge si le projet d’élargissement de la route 117 prévu dans la région va de l’avant comme prévu. Celui de diesel, survenu la semaine dernière à La Conception, prendra plusieurs semaines à être nettoyé, forçant une circulation en alternance dans un secteur très achalandé.

« On n’est pas à l’abri d’un accident comme ça », dit en soupirant Annick Laviolette, conseillère municipale de la ville de Labelle, dans les Laurentides.

L’accident en question, survenu lundi dernier, a coûté la vie à un automobiliste dont le véhicule est entré en collision avec un camion-citerne transportant du diesel.

Pas moins de 9000 litres de diesel se sont alors répandus à environ 150 mètres de la rivière Rouge, qui serpente le long de la route 117 jusqu’à la municipalité du même nom, environ 40 km au nord. Aucun dégât n’a été constaté dans le cours d’eau, mais nettoyer le tout devrait prendre « plusieurs semaines », selon ce qu’a indiqué une porte-parole du ministère de l’Environnement, Sophie Gauthier.

Arrivés sur place, les inspecteurs d’Urgence-Environnement ont eu tôt fait de circonscrire ce déversement. Mais ses impacts risquent de se faire ressentir encore longtemps alors que la circulation devra se faire en alternance dans ce secteur où environ 10 900 véhicules transitent chaque jour, selon les chiffres du ministère des Transports (MTQ).

Pour encore « plusieurs semaines »

Rapidement, l’accident a ravivé les craintes qu’un évènement du genre se produise un peu plus au nord, où la proximité de la route 117 et de la rivière Rouge pourrait se traduire par un déversement dans le cours d’eau.

Engagé depuis des années dans le dossier de l’élargissement de la route 117 à cet endroit, où une de ses proches a perdu la vie lors d’un tragique accident survenu en 2018, le citoyen Marc Coiteux juge que le débat sur le besoin d’élargir ce segment est clos.

Non, ce débat est maintenant à savoir s’il faut élargir la route actuelle, en bordure de la rivière Rouge, ou en bâtir une autre plus à l’ouest, dans les terres, comme de nombreux citoyens le réclament, estime Marc Coiteux.

Qui plus est, comme l’élargissement prévu dans l’axe actuel n’ajouterait pas de tracé alternatif, un accident comme celui survenu à La Conception « rendrait inaccessible la seule route qui relie l’Abitibi au sud de la province », comme l’a décrit une résidante de Labelle, Anne-Marie Cousineau, dans une lettre publiée dans La Presse la semaine dernière.

Lisez le texte « Route 117 : tirer une leçon d’un triste accident »

« C’est une catastrophe, ce qui vient de se passer [à La Conception], mais ce serait une catastrophe irréparable si elle arrivait sur le bord de la rivière », estime pour sa part la conseillère municipale Annick Laviolette, qui dit avoir parlé à des experts dubitatifs devant le projet d’élargissement sur la table.

« On nous dit que c’est moins coûteux, mais le tracé [de l’élargissement] est moins long », ajoute-t-elle. Quant aux prix des deux projets, « on ne les voit pas », dit-elle. « Il n’y a aucune transparence de leur côté », déplore-t-elle.

Or, des travaux ont déjà été entrepris par le ministère des Transports dans le cadre de ce projet qui a fait l’objet d’un processus d’autorisation accéléré en vertu de la Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure (LCACPI) adoptée par le gouvernement Legault.

Le MTQ a ainsi été exempté de fournir une étude d’impact dans le cadre de sa réalisation, mais a tout de même dû obtenir des autorisations environnementales et produire des relevés de terrain, des analyses et des études pour décrire les impacts sur l’environnement, entre autres.

Des impacts plus importants

S’il se dit conscient « des conséquences environnementales graves des déversements de contaminants sur les milieux touchés », le MTQ affirme qu’une voie alternative dans les montagnes aurait engendré des impacts encore plus importants sur les milieux hydriques et humides de la région.

L’idée a tout de même été étudiée. Conclusion : la construction d’un « nouvel axe » empiéterait sur plus de 30 milieux humides pour une perte de surface dans ceux-ci de 190 000 m^⁠2, contre 13 milieux humides et une perte de 38 783 m^⁠2 pour le projet d’élargissement.

« La construction de la route dans un nouvel axe ne permettrait pas de sécuriser l’axe existant. De plus, l’élargissement permet de dévier la circulation en contresens sur les voies ouvertes lors d’entraves », ajoute le porte-parole du MTQ, Louis-André Bertrand.

Quant à la possibilité d’un déversement dans la rivière Rouge, le MTQ rappelle que le tracé actuel suit déjà le cours d’eau. Le plan d’action du Ministère pour prévenir un tel désastre sera donc le même une fois l’élargissement terminé.