Cet été, La Presse vous fait découvrir sept rues piétonnes de Montréal.

À l’image du quartier où elle est située, la rue Wellington s’est grandement transformée ces dernières années. Une métamorphose particulièrement apparente lorsqu’elle est fermée à la circulation routière. Victime de son succès, la « rue la plus cool au monde » veut tout de même équilibrer son offre pour continuer à desservir les locaux.

La rue Wellington

L’avenue commerçante de l’arrondissement de Verdun est piétonne jusqu’au 8 septembre entre la 6e Avenue et la rue Régina.

Contrairement à certaines consœurs piétonnes, la rue Wellington n’est pas seulement constituée de bars et de restaurants prisés des visiteurs. « On essaie de garder un équilibre, parce qu’on ne veut pas devenir une rue de destination ou d’ambiance », affirme Patrick Mainville, directeur de la Société de développement commercial (SDC) Wellington.

Cela ne veut pas dire que la rue ne comporte pas son lot de restaurants huppés et de cafés branchés. Ceux-ci lui ont d’ailleurs permis d’être classée la « rue la plus cool au monde », d’après un palmarès du magazine britannique Time Out, paru en août 2022.

Pour justifier son choix, son éditrice Laura Osborne précise, en entrevue téléphonique, que l’artère comprend « l’un des meilleurs restaurants de la ville à une extrémité [Restaurant Beba, 3900, rue Éthel] et l’un des meilleurs nouveaux restaurants à l’autre [Verdun Beach, 4816, rue Wellington], ainsi qu’un défilé animé de bars, de cafés cultes ».

Laura Osborne cite également, comme facteurs déterminants, la « richesse sur le plan culturel, l’ambiance de communauté et des endroits pour les familles », ce qui rejoint l’objectif de Patrick Mainville.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

Vue aérienne de la rue Wellington

Le contraste entre les commerces peut toutefois être frappant lorsqu’on voit une personne se commander un cappuccino à 7 $ à deux pas de l’Armée du Salut.

Le directeur de la SDC Wellington, Verdunois de troisième génération, avoue se poser des questions sur l’embourgeoisement. « Ça m’inquiète, parce que ça change l’ADN de la ville. Pas juste du côté du logement, mais quant au prix des loyers pour les commerces. On va donc se retrouver avec moins de mom and pop shops [boutiques familiales]. »

Du même souffle, Patrick Mainville se réjouit que Verdun ne soit plus perçu comme « miteux » et « défavorisé » et qu’il ne soit plus dangereux de s’y promener. « Le but était de rendre ça sécuritaire, propre et agréable, mais ça vient avec un prix », convient-il.

Des passants enthousiastes

La Presse a récemment profité d’un début de soirée ensoleillé pour aller se promener sur l’artère. Sans surprise, toutes les personnes rencontrées accueillaient sa piétonnisation avec enthousiasme. Et l’objectif d’attirer des citoyens de Verdun semble atteint, puisque tous les piétons interrogés étaient des résidants du coin.

Je n’appelle pas ça “fermer la rue”, pour moi, c’est “ouvrir la rue”. C’est merveilleux. Il y a plein de gens qui se promènent, on rencontre nos voisins. Ça crée une vie de quartier.

Lydie Servanin, piétonne

Même Jean Wilmarc Sagesse, chauffeur de taxi, était très favorable à l’interdiction de circuler en voiture, car elle lui « amène plus de voyages » aux abords de Wellington. « Les rues parallèles sont ouvertes à la circulation, donc ça ne change rien pour moi. »

« Les citoyens aiment ça à 90 %, surtout les citoyens locaux », intime Patrick Mainville.

Les portraits de Wellington
  • « Je n’appelle pas ça “fermer la rue”, pour moi, c’est “ouvrir la rue” ! » – Lydie Servanin

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

    « Je n’appelle pas ça “fermer la rue”, pour moi, c’est “ouvrir la rue” ! » – Lydie Servanin

  • « Les rues parallèles sont ouvertes à la circulation, donc ça ne change rien pour moi. » – Jean Wilmarc Sagesse, chauffeur de taxi

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

    « Les rues parallèles sont ouvertes à la circulation, donc ça ne change rien pour moi. » – Jean Wilmarc Sagesse, chauffeur de taxi

  • « C’est bien d’avoir une rue où on peut se promener à vélo sans avoir peur de se faire heurter par une voiture. Aussi, tous les gens sont dehors et agissent comme une communauté, au lieu d’être chacun de leur côté. » – Camille Boyes et Tim Coker

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

    « C’est bien d’avoir une rue où on peut se promener à vélo sans avoir peur de se faire heurter par une voiture. Aussi, tous les gens sont dehors et agissent comme une communauté, au lieu d’être chacun de leur côté. » – Camille Boyes et Tim Coker

  • « J’aime le vibe. Je me sens comme si j’étais à la plage. » – Olivier Ruel, employé chez Pattes et Griffes

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    « J’aime le vibe. Je me sens comme si j’étais à la plage. » – Olivier Ruel, employé chez Pattes et Griffes

  • Aymerick Desbiens offre un service de transport en tuk-tuk pour les personnes qui fréquentent la rue, particulièrement celles à mobilité réduite.

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    Aymerick Desbiens offre un service de transport en tuk-tuk pour les personnes qui fréquentent la rue, particulièrement celles à mobilité réduite.

  • « C’est plus le fun que d’avoir des chars ! Ça crée de l’interaction et ça apporte du monde. » – Maxim Auger, barbier chez Dillinger’s

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    « C’est plus le fun que d’avoir des chars ! Ça crée de l’interaction et ça apporte du monde. » – Maxim Auger, barbier chez Dillinger’s

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Doublement intéressée par la prospérité de l’artère, étant donné son emploi chez PME-Montréal et son siège au conseil d’administration de la SDC Wellington, Josée-Anne Derome croit que la piétonnisation amène un sentiment d’appartenance à la rue, autant pour les citoyens que pour les commerçants. « Une identité et une fierté sont créées. La créativité et l’esprit de village distinguent Wellington des rues avoisinantes et les gens de Verdun sont très fiers de leur rue Wellington », déclare-t-elle.

En plus des commerces qui garnissent la rue, de nombreuses décorations, des marquages au sol et des balançoires, plusieurs autres éléments participent à l’atmosphère conviviale qui règne rue Wellington. Nous avons même été témoins d’un concert ambulant du Sumak Grass Band lors de notre passage.

« Parfois, quand on est piéton, on voit l’artère différemment. On voit des vitrines qu’on n’aurait pas nécessairement vues en automobile », affirme Josée-Anne Derome.

Encore une certaine réticence

Si l’écrasante majorité accueille la piétonnisation avec enthousiasme, il reste que certaines personnes s’y opposent.

D’une année à l’autre, le citoyen devient plus favorable au projet. Chaque année, on sonde les commerçants pour voir ce qu’ils pensent de la piétonnisation. On a toujours un noyau de réticents, mais ils sont aussi en majorité en faveur.

Josée-Anne Derome, qui siège au conseil d’administration de la SDC Wellington

« Ça a un petit effet pervers, une rue piétonne, ajoute Patrick Mainville. Ça va vraiment favoriser un type de commerce. Des restaurants, des bars, des commerces de détail d’achat compulsif. Tu as vécu un bon moment, tu vas acheter un t-shirt. »

Des commerçants réticents lui ont d’ailleurs avoué avoir peur de faire valoir leur point de vue en assemblée, parce qu’ils se font traiter de « chialeux » par leurs vis-à-vis.

On peut effectivement présumer que faire son épicerie ou ramasser des 2x4 sans voiture n’est pas très pratique.

La semaine prochaine : la rue De Castelneau