Montréal met sur pause pour au moins deux semaines son projet d’élargissement des périodes tarifées par des parcomètres au centre-ville, qui avait été entamé dans les derniers jours par l’Agence de la mobilité durable (AMD). L’administration Plante déplore notamment de ne pas avoir eu le temps d’échanger avec le milieu commercial.

« C’est un cafouillage administratif. Ce qui est arrivé, c’est très regrettable, mais c’est un enjeu de séquençage. L’Agence est partie bien vite, un peu seule de son bord, sur l’opération des autocollants. Dès qu’on a eu l’information, on a mis sur pause l’opération, le temps de faire les choses dans le bon ordre », explique à La Presse la responsable du transport au comité exécutif, Sophie Mauzerolle.

D’abord aperçus le week-end dernier au centre-ville, ces nouveaux autocollants indiquaient en effet que les parcomètres seraient dorénavant en vigueur la semaine de 8 h à 23 h, alors que l’horaire actuel est plutôt de 9 h à 21 h. Le samedi, la période tarifée serait maintenant de 9 h à 23 h, contre 9 h à 18 h jusqu’ici, et le dimanche, de 9 h à 18 h, tandis que l’horaire tarifé est actuellement de 13 h à 18 h.

Déplorant la « confusion », Mme Mauzerolle reconnaît tout de même qu’il y a bel et bien une « intention » de la Ville derrière ce projet.

Notre objectif, au final, c’est de permettre un roulement plus important sur les artères commerciales. On constate en ce moment qu’il y a beaucoup de gens qui paient la dernière heure du parcomètre et qui restent là toute la nuit. Ce n’est pas ce qu’on veut.

Sophie Mauzerolle, responsable du transport au comité exécutif de la Ville de Montréal

Au conseil municipal, lundi, la mairesse Valérie Plante a parlé d’un « problème de communication », en confirmant qu’un moratoire sera mis en place pour au moins deux semaines. « Je le rappelle : cette mesure-là, ce n’est pas à propos de l’argent, c’est à propos de changer les comportements, de soutenir des petits commerçants qui ont besoin d’avoir des clients », a-t-elle évoqué.

Prévu et annoncé

Dès février, une note interne obtenue par La Presse et transmise par la directrice du Service de l’urbanisme et de la mobilité, Lucie Careau, faisait clairement état de ces changements à venir. On y soutient notamment que la prolongation des plages horaires du centre-ville est prévue « à partir du 1er avril 2023, là où la demande demeure forte en dehors des périodes tarifées ».

« En étant davantage en cohérence avec les horaires d’ouverture des bars, restaurants et autres attraits, ces nouvelles plages horaires permettront d’accroître la disponibilité des espaces de stationnement sur rue et d’améliorer la mobilité au centre-ville », écrit Mme Careau dans sa missive.

Les nouvelles plages horaires, tranche Mme Careau dans sa note, seront du lundi au vendredi entre 8 h et 23 h, samedi entre 9 h et 23 h et dimanche entre 9 h et 18 h. Il s’agit des mêmes heures qui ont été aperçues sur les nouveaux autocollants.

« Maintenant, notre intention, c’est de faire le tour de roue habituel. Dans les prochains jours et les prochaines semaines, on va faire les étapes qui ont malheureusement été escamotées. On va aller parler aux SDC, aux commerçants, leur expliquer le but de la politique, entendre leurs préoccupations. Et s’il y a des ajustements à faire, on va les faire », a encore assuré Sophie Mauzerolle.

« Jamais consultés »

À la Société de développement commercial (SDC) Montréal centre-ville, le directeur général Glenn Castanheira déplore un processus « flou ». « Ça a vraiment l’air d’être passé entre deux chaises. Eux-mêmes, à la Ville, ne semblaient pas trop au courant de ça. Et nous, on n’a jamais été consultés », regrette-t-il.

Son groupe demande de son côté un « moratoire de minimum un an avant de changer les horaires, pour qu’on puisse avoir une discussion en bonne et due forme ».

« On ne veut pas avoir une discussion alors que la décision est déjà prise », poursuit M. Castanheira, qui privilégie la tarification modulaire du stationnement. « C’est une meilleure pratique, ça permet d’avoir des stationnements plus abordables là où c’est moins achalandé, et de rediriger les gens. Cela dit, prolonger jusqu’à 9 h le dimanche et 23 h la semaine, on ne la comprend pas du tout », insiste-t-il.

Dans les bancs de l’opposition, le chef Aref Salem n’a pas manqué de condamner la situation. « Avec Projet Montréal, c’est chaque fois la même chose : on met en place, on renseigne et on consulte à la fin. Tout est orchestré finement pour faire avaler en douce une nouvelle taxe déguisée aux citoyens », martèle-t-il.

« L’administration a beau dire qu’elle consultera les partenaires et qu’il s’agit d’un simple cafouillage, sa décision est déjà prise, comme en témoignent le budget et une directive envoyée aux arrondissements en février dernier », a insisté M. Salem, déplorant que « ces nouvelles plages horaires sont déplorables et nuisibles » et que « l’administration doit s’engager à abolir cette décision ».