Tant que le gouvernement Legault refusera de reconnaître le caractère systémique du racisme et de la discrimination à l’égard des Autochtones, les mesures qu’il mettra en œuvre pour soutenir les communautés ne représenteront qu’un pansement sur des problèmes plus profonds, selon un leader atikamekw.

Sipi Flamand, chef du Conseil des Atikamekw de Manawan dans Lanaudière, a fait ces commentaires jeudi en compagnie d’autres leaders autochtones à l’Assemblée nationale. Ils étaient présents pour le dépôt d’une pétition initiée par Femmes autochtones du Québec (FAQ), qui exige la reconnaissance du racisme et de la discrimination systémique envers les Autochtones, en particulier les femmes et les filles.

Plus tôt, le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, disait comprendre la notion du racisme systémique, mais être en désaccord avec celle-ci. Ce qui n’empêche pas son gouvernement de poser des gestes concrets, selon lui.

« Le racisme systémique, pour nous, ce n’est pas le bon débat. Le débat, c’est de vaincre le racisme et c’est ce qu’on fait, on y lutte », a-t-il indiqué aux journalistes.

Toutefois, aux yeux de M. Flamand, les efforts de Québec s’avèrent en quelque sorte pour le moment un coup d’épée dans l’eau.

« Si le gouvernement ne reconnaît pas le racisme systémique et qu’il veut faire un projet de loi sur la sécurisation culturelle, c’est comme mettre du bandage sur une problématique. Il ne répond pas aux grands enjeux et aux relations avec les communautés autochtones », a-t-il affirmé en conférence de presse.

À ses côtés, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, croit que le gouvernement caquiste choisit de s’isoler.

« La position du gouvernement est exactement le reflet d’une relation qui va dans un sens uniquement. Un gouvernement qui impose ses conditions. Il y a deux semaines à peine, un magistrat au Québec dans un cas de la protection de la jeunesse a réitéré le fait que le système est raciste. Quelle sorte de preuve de plus on a besoin ? », a-t-il déclaré.

Marjolaine Étienne, présidente de FAQ, estime que la reconnaissance du racisme et de la discrimination systémique permettra de travailler sur « les sources véritables du problème ».

« De cette façon, on évitera bien des drames », a-t-elle fait valoir en citant au passage le cas de Joyce Echaquan, cette mère attikamek de sept enfants, morte en 2020, à l’hôpital de Joliette, après avoir subi les insultes racistes du personnel soignant.

Appliquer le « principe de Joyce »

La pétition marrainée par la co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Manon Massé, a recueilli plus de 3800 signatures. Elle demande de mettre en œuvre des actions concrètes pour éradiquer le racisme et la discrimination systémiques « ancrés dans nos institutions depuis la colonisation ».

La pétition exige aussi d’adopter « immédiatement et sans réserve » le « principe de Joyce ». Ce dernier a comme objectif de garantir un accès équitable et sans discrimination aux services sociaux et de santé.

Un peu plus tôt, jeudi matin, Mme Massé a déposé au Salon bleu une motion appelant notamment à poursuivre l’application du « principe de Joyce ». Le gouvernement a refusé le dépôt de la motion.

Celle qui est la porte-parole de QS en matière de relations avec les Premières Nations et les Inuit s’est dite « profondément triste » par le refus de la Coalition avenir Québec, qui « bloque chaque fois qu’on parle de racisme systémique ».

« Là, c’est rendu une histoire d’idéologie. Par contre, ce qu’on sait sur le terrain, c’est qu’il y a des femmes et des hommes qui ne reçoivent pas les soins dont elles et ils ont droit », a dit la députée solidaire en conférence de presse.

M. Lafrenière a indiqué que le gouvernement n’avait jamais refusé le « principe de Joyce » et qu’au contraire, il s’en inspire pour ses projets de loi.