Montréal pourrait bientôt interdire l’installation de nouvelles cuisinières et de foyers au gaz naturel dans les résidences et les commerces de la métropole.

C’est du moins ce qu’a recommandé jeudi une commission d’élus municipaux dominée par les troupes de la mairesse Valérie Plante, qui a d’ailleurs accueilli l’idée favorablement. En réaction, les écologistes jubilent alors que d’autres s’inquiètent.

La Commission sur l’eau, l’environnement, le développement durable et les grands parcs du conseil municipal estime que l’urgence climatique nécessite des gestes forts de la part de la Ville de Montréal.

Il faut « proscrire dans les plus brefs délais l’installation de nouveaux appareils fixes intérieurs, incluant les cuisinières à gaz, utilisant des combustibles fossiles », indiquent leurs recommandations, « et promouvoir le remplacement de ceux existants par des appareils zéro émission à haute performance énergétique conformément aux plus hauts standards de l’heure ».

La Commission veut aussi « interdire, dans les plus brefs délais, que tout nouveau bâtiment sur le territoire de la Ville soit raccordé à un réseau de distribution de gaz naturel ».

Une telle interdiction existe depuis plus d’un an à New York, où elle a suscité une controverse qui a rapidement pris une ampleur nationale. De nombreux élus républicains se sont posés en défenseur des gazinières, plaidant pour la liberté de chacun de décider de son mode de cuisson préféré.

En plus des impacts de l’exploitation gazière sur l’environnement, le gaz naturel est durement critiqué ces jours-ci pour son effet sur la santé des personnes. Des études scientifiques ont ainsi établi des liens entre la présence d’une cuisinière à gaz dans une maison et les problèmes d’asthme chez les enfants.

« Plus l’heure des demi-mesures », dit l’administration

Les élus montréalais à la source des recommandations dévoilées jeudi ont entendu de nombreux experts et groupes environnementaux dans les dernières semaines concernant la « feuille de route vers des bâtiments montréalais zéro émission dès 2040 » proposée par l’administration.

En plus de l’interdiction de l’installation de nouveaux appareils et l’interdiction de connecter les immeubles neufs au réseau de distribution de gaz, la Commission aimerait aussi que la Ville travaille activement à faire remplacer les systèmes de chauffage au gaz et au mazout vers des systèmes à l’électricité.

L’administration Plante a exprimé beaucoup d’ouverture à ces demandes pressantes. Avant même que les recommandations soient officiellement adoptées, la responsable du dossier réagissait favorablement.

« Avec l’ampleur de la crise climatique, ce n’est plus l’heure des demi-mesures », a réagi Marie-Andrée Mauger, l’élue chargée de l’environnement au comité exécutif de Valérie Plante. Elle s’exprimait dans une déclaration écrite transmise par le cabinet de la mairesse.

Nous devons tous ensemble comprendre comment nous allons orchestrer la sortie des énergies fossiles dans chaque secteur, et quel est le rôle de chacun pour que ça devienne un projet collectif inspirant.

Marie-Andrée Mauger, chargée de l’environnement au comité exécutif de la Ville de Montréal

« Nous allons prendre le temps d’analyser l’ensemble des recommandations et nous y donnerons suite dans les prochains mois », a-t-elle ajouté.

Réactions contrastées

À l’extérieur des murs de l’hôtel de ville, les réactions aux recommandations des élus n’ont pas tardé.

Un ensemble de groupes écologistes qui ont présenté une vision commune à la Commission s’est réjoui du résultat des consultations.

« Montréal doit aller de l’avant sans tarder et interdire le gaz dans les nouveaux bâtiments en plus d’interdire le remplacement d’appareils existants au plus tard en 2025 tel que recommandé par l’Agence internationale de l’énergie », a par exemple fait valoir Patrick Bonin, de Greenpeace Canada. De plus, les villes et le gouvernement du Québec doivent immédiatement mener une grande campagne de sensibilisation sur les risques à la santé que posent les cuisinières au gaz.

Au contraire, les inquiétudes sont vives à l’Association Restauration Québec (ARQ), qui représente des milliers d’établissements qui cuisinent au gaz.

« Dans le secteur commercial, il existe très peu d’[options] électriques pour la cuisson des aliments », a indiqué Martin Vézina, porte-parole du groupe. « Ça va être très difficile d’ouvrir de nouveaux établissements de restauration dans de nouvelles bâtisses. »

Directement visée par les mesures, Énergir a appelé la Ville de Montréal à plus de souplesse.

En interdisant l’installation de certains appareils au gaz, « Montréal se priverait de solutions zéro émission déjà accessibles, à bon prix et qui permettent de gérer efficacement la pointe énergétique », a fait valoir la porte-parole Elaine Arsenault par courriel. « Énergir croit nécessaire de mettre en place des solutions pragmatiques qui auront le maximum d’impact sur les réductions des émissions de GES et sur les périodes de pointe énergétique. »