Le nombre de déclarations faites à la police par des femmes victimes de violence conjugale a connu une hausse pour la septième fois en sept ans, l’an dernier. C’est ce qu’a rapporté mercredi Statistique Canada, qui signale que le portrait réel est assurément pire que ne le suggèrent les données.

En 2021, 537 femmes par tranche de 100 000 personnes ont déclaré avoir été victimes de violence conjugale au pays. Un taux qui augmente depuis 2014, année où ce taux était de 452 sur 100 000 personnes.

« Pendant la pandémie, c’était encore pire parce que les femmes étaient enfermées avec leur agresseur, souligne Christine Giroux, militante et victime de violence conjugale. Elles n’avaient pas l’occasion de sortir, de parler, de s’exprimer. Ça a été le pire moment. »

Statistique Canada signale que le taux qu’elle calcule est probablement en deçà de la réalité. « Selon les résultats de l’Enquête sociale générale de 2019, une victime de violence conjugale autodéclarée sur cinq (19 %) a indiqué que la violence qu’elle a subie a été signalée à la police », écrit Statistique Canada.

Claudine Thibaudeau, porte-parole de l’organisme SOS violence conjugale, dit que le nombre d’appels téléphoniques que reçoit son organisme est passé de 41 000 par année en 2020-2021 à 58 000 pour l’année qui s’est terminée en mars 2022.

« C’est une hausse importante », dit-elle.

Elle signale qu’une augmentation du nombre d’appels ne veut pas nécessairement dire qu’il y a plus de violence dans la société, mais bien qu’une plus grande dénonciation se produit. « Avant, ça passait peut-être plus sous le radar. On en voit plus parce que les portes sont plus grandes ouvertes », dit-elle.

Cela dit, les derniers chiffres émanant de l’actualité au Québec ne sont pas rassurants. Mme Thibaudeau signale que la province vient de vivre 12 homicides liés à la violence conjugale en 12 semaines. « C’est énorme », souligne-t-elle.

Elle indique que la violence peut prendre plusieurs formes dans un couple, notamment la manipulation et le désir d’avoir le contrôle sur les sorties et les allées et venues de l’autre. « Ça se produit beaucoup, notamment chez les jeunes », dit-elle. Sur son site, SOS violence conjugale propose d’ailleurs un questionnaire interactif pour repérer les signes de violence conjugale au quotidien.

Selon Myriam Dubé, professeure à l’École de travail social de l’UQAM, il faut travailler tant sur le plan micro que sur le plan macro pour espérer réduire la violence conjugale.

« Je crois qu’avec la montée progressive de l’égalité des sexes dans notre société, on a un peu négligé la question de la violence conjugale. La violence, ce sont des gens qui se sentent menacés au fin fond d’eux. Qu’est-ce qui les menace ? La société dit qu’un homme, ça doit être fort, ça doit être dominant, alors qu’à l’intérieur, l’individu ne se sent peut-être pas très dominant ou très fort. »

Terrorisée depuis 23 ans

Certains cas de violence conjugale peuvent s’étirer sur des années, même lorsque le couple a rompu depuis longtemps.

C’est ce que vit depuis 23 ans Christine Giroux. La mère de famille de Montréal est terrorisée par son ex-conjoint, qui a fait 17 séjours en prison. « J’ai été poignardée, violée, séquestrée. J’ai porté des accusations 17 fois, et il a été reconnu coupable 17 fois. Chaque fois qu’il sort de prison, il me retrouve. »

Son ex-conjoint est sorti de prison il y a trois semaines, déclare-t-elle.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Christine Giroux

Un ordre de la cour lui interdit de m’approcher, mais ce n’est pas un petit bout de papier qui va l’en empêcher… J’ai développé des phobies à cause de ça. J’ai pris des cours d’autodéfense, je ne m’assois pas dos à la porte, j’ai un chien d’assistance…

Christine Giroux, victime de violence conjugale

Mme Giroux demeure en contact avec les services policiers et organise ce samedi la marche « Ça suffit ! », qui vise à dénoncer la violence conjugale et les féminicides et à manifester sa solidarité avec les victimes. Soutenue par plusieurs organisations de lutte contre la violence faite aux femmes, la marche doit débuter à 13 h à la place du Canada, au centre-ville de Montréal.

Mme Giroux demande au gouvernement provincial d’élargir le programme de bracelets électroniques antirapprochement, limité à 1000 bracelets. « On s’entend que dans une province de 8 millions de personnes, 1000 bracelets, c’est beaucoup trop peu », dit-elle.

Elle demande aussi que les peines en détention provisoire des récidivistes cessent de compter en double dans le calcul des peines. « Pourquoi un homme récidiviste qui s’introduit par infraction cinq fois pour battre son ex-conjointe aurait-il ce privilège ? », demande-t-elle.

Les personnes victimes de violence conjugale peuvent contacter SOS violence conjugale au 1 800 363-9010 sans frais, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.