Mamadou Konaté, ce demandeur d’asile qui était menacé d’expulsion dans les prochains jours, pourra demeurer au Canada. Il le pourra du moins « jusqu’à ce qu’une décision soit rendue » sur le bienfondé de la décision de l’Agence des services frontaliers (ASFC), ce qui pourrait prendre entre 8 et 12 mois selon son avocat.

C’est ce qu’a tranché vendredi le juge de la Cour fédérale, Patrick Gleeson, qui avait entendu les plaidoiries des parties la veille, dans une audience tenue en urgence, alors que la date de l’expulsion de M. Konaté approchait à grands pas.

« Dans les circonstances, la balance des inconvénients est en faveur du demandeur », a statué M. Gleeson, jugeant que M. Konaté « a démontré́ qu’il subirait un préjudice irréparable s’il devait être renvoyé́ du Canada » dans l’immédiat.

En entrevue avec La Presse, mi-septembre, le principal intéressé avait dit craindre pour sa vie, s’il devait être renvoyé du Canada. À ce moment, il devait être renvoyé le 30 septembre. La date a ensuite été déplacée au 5 octobre pour des raisons de logistique. Il ne restait donc que cinq jours avant son renvoi. « Tout pourrait m’arriver. Je ne sais pas ce qui m’attend là-bas, mais je sais que ce ne sera pas bon pour moi. Ça ne sent pas bon. Je crains assurément pour ma vie », avait dit M. Konaté au bout du fil, non sans émotion.

Originaire de la Côte d’Ivoire, M. Konaté s’est établi au Québec en 2016 pour fuir la guerre civile. Durant la pandémie, il a travaillé comme préposé à l’entretien ménager en zone rouge dans trois CHSLD, dont l’un où il a contracté la COVID-19.

En septembre 2020, l’homme de 41 ans s’est rendu de manière volontaire à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASPC), afin de régulariser son statut. Sa demande d’asile a alors été rejetée et il a été arrêté sur place. La raison était qu’au début des années 2000, alors que la Côte d’Ivoire était au bord d’une guerre civile, M. Konaté s’était impliqué dans un groupe rebelle qui cherchait à renverser le gouvernement. Depuis, plusieurs élans de mobilisation ont eu lieu pour empêcher son renvoi. Une vigile a d’ailleurs été organisée à Montréal, tout récemment, par Amnistie internationale.

« Soulagement partiel »

Joint par La Presse, l’avocat de Mamadou Konaté, MGuillaume Cliche-Rivard, a parlé d’un « soulagement partiel » pour son client. « Il était vraiment content, c’est certain, mais en même temps, ce n’est pas permanent. Il est toujours pris avec cette idée que ça va peut-être recommencer dans quelques mois, qu’il n’est pas sorti du bois », a-t-il dit.

« Mamadou était encore au boulot même à quelques jours de son départ. Il est pleinement intégré à la société », a aussi réitéré M. Cliche-Rivard, qui se présente par ailleurs comme candidat avec Québec solidaire dans Saint-Henri–Sainte-Anne dans le cadre de la présente campagne électorale provinciale.

Il faut rappeler que c’est la troisième fois que la Cour fédérale ordonne un sursis au renvoi au bénéfice de Mamadou Konaté. Nous estimons qu’il est alors plus que temps que [les autorités fédérales] saisissent l’occasion pour enfin régulariser son statut au Canada.

MGuillaume Cliche-Rivard, avocat de Mamadou Konaté

MCliche-Rivard rappelle avoir déposé trois nouvelles demandes aux autorités fédérales : une d’examen des risques à son renvoi — la dernière avait été faite en 2018 —, une de permis de séjour temporaire (PST) qui régulariserait son statut, et une demande de dispense ministérielle. « Il y a une multitude de possibilités pour que les autorités canadiennes régularisent enfin son statut », a-t-il conclu.