En plein branle-bas pour faire face à l’ouragan Fiona qui fonce sur l’archipel, les Îles-de-la-Madeleine se trouvent dans une situation politique inusitée. Alors que le député péquiste Joël Arseneau est sans mandat depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, le maire de la municipalité, Jonathan Lapierre, devenu candidat de la CAQ, a délégué ses pouvoirs à un maire intérimaire… qui est actuellement à l’extérieur du pays.

C’est donc le maire suppléant, Richard Leblanc, un conseiller municipal de longue date, qui deviendra l’homme de la situation en cas de crise.

Le Centre canadien de prévision des ouragans (CCPO) prévoyait, jeudi après-midi, que des vents de plus de 130 km/h pourraient frapper les Îles-de-la-Madeleine dans la nuit de samedi à dimanche. L’intensité de Fiona pourrait même être « un peu plus forte que ce qu’on a vu avec [l’ouragan] Dorian », qui a provoqué d’importants dégâts dans l’est du Canada en 2019, a prévenu le météorologue Bob Robichaud.

À 36 heures de l’arrivée de Fiona, le « cône d’incertitude » de la trajectoire couvrait un gigantesque territoire allant de l’est du Nouveau-Brunswick à l’ouest de Terre-Neuve, en passant par le centre de la Nouvelle-Écosse et le Cap-Breton.

Sur l’archipel du golfe Saint-Laurent, des terrains de camping, encore passablement fréquentés par les touristes, ont annoncé leur fermeture à partir de vendredi pour des raisons de sécurité. « Une cinquantaine de motorisés ont dû partir depuis que nous en avons fait l’annonce mardi, explique Alexis Lemieux, directeur général de la Corporation du Parc de Gros-Cap. La plupart ont réussi à trouver une place sur le traversier et ont quitté les Îles, mais il en reste deux ou trois qui vont devoir aller se mettre à l’abri dans un secteur boisé. »

Hydro-Québec a dépêché sur place une vingtaine d’employés supplémentaires, dont une douzaine de monteurs de lignes, cinq camions à nacelle et de l’équipement pour réparer les dégâts que risque de provoquer la tempête.

Un vide politique… et des tensions

L’arrivée de la tempête et l’espèce de vide politique provoqué par le déclenchement des élections ont donné lieu, jeudi, à une certaine tension entre le maire Jonathan Lapierre, aussi candidat de la CAQ, et le député péquiste sortant Joël Arseneau.

Jonathan Lapierre a affirmé sur Facebook mercredi soir avoir « pris une pause de la campagne électorale afin de faire le point sur l’ouragan Fiona », en accompagnant sa publication d’un cliché d’une rencontre virtuelle avec la ministre sortante de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, et le ministre sortant des Transports, François Bonnardel.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE JONATHAN LAPIERRE

Jonathan Lapierre, maire des Îles-de-la-Madeleine, lors d’une rencontre virtuelle avec le ministre sortant des Transports, François Bonnardel (à gauche), et la ministre sortante de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault (à droite)

« Ensemble, nous avions géré les suites de Dorian, qui avait frappé les Îles il y a trois ans déjà, et notre gouvernement suit actuellement la situation d’heure en heure », a indiqué M. Lapierre, disant avoir « pleinement confiance aux équipes municipales en place et à leur grande compétence ».

M. Lapierre a du même coup invité les Madelinots « à être prêt[s] à répondre à [leurs] besoins et ceux de [leur] famille pour une période de 72 heures et à demeurer prudents ».

Peu après, le député sortant Joël Arseneau s’est ouvertement demandé s’il s’agissait « d’une discussion partisane entre candidats de la CAQ », ou plutôt « d’une intervention ministérielle ». « Si en votre qualité de ministres vous rencontrez les candidats, je suis disponible », a-t-il fait valoir sur Twitter.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Joël Arseneau, député péquiste des Îles-de-la-Madeleine

Je vous rappelle […] que le maire intérimaire des Îles-de-la-Madeleine est Gaétan Richard et le maire suppléant, Richard Leblanc. Ce sont les seuls élus locaux à contacter en prévision d’un état d’urgence.

Joël Arseneau, député péquiste des Îles-de-la-Madeleine

Par écrit, l’attaché de presse de la ministre Geneviève Guilbault, Louis-Julien Dufresne, a expliqué jeudi à La Presse qu’il s’agissait d’« une rencontre préliminaire à la demande du candidat des Îles-de-la-Madeleine ».

« D’autres rencontres plus formelles auront lieu prochainement entre tous les intervenants et le député sortant et le maire suppléant seront invités », a-t-il assuré.

Mais pour Joël Arseneau, le problème demeure. « Plutôt que de faire une rencontre partisane avec le candidat des Îles, j’invite la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, à épauler le maire suppléant actuel, et à lui offrir l’aide et le soutien du gouvernement », a-t-il insisté.

Aux dernières nouvelles, MM. Lapierre et Arseneau étaient au coude-à-coude dans les sondages. Jeudi, l’agrégateur de sondages Qc125 plaçait le Parti québécois à 34 % des intentions de vote et la Coalition avenir Québec à 32 %, suivis de Québec solidaire et du Parti libéral, avec 14 %, et du Parti conservateur, à 5 %.