La guerre en Ukraine a des impacts négatifs sur les agriculteurs du Québec et l’aide fédérale proposée à ce jour, à savoir une bonification du Programme des paiements anticipés, est insuffisante, estime l’Union des producteurs agricoles (UPA).

« Ce qu’on propose est bien, mais nettement insuffisant, estime Charles-Félix Ross, directeur général de l’UPA. On parle de 61 millions sur deux ans. Or, selon nos estimations, les dépenses d’exploitation des producteurs vont augmenter de 1,5 milliard sur un chiffre d’affaires d’environ 11 milliards, en 2022. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Charles-Félix Ross, directeur général de l’UPA

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a un double effet sur le monde agricole, au Québec et ailleurs dans le monde. D’abord, les récoltes des agriculteurs ukrainiens qui poursuivent leur travail sont à la baisse. Et les stocks restent coincés dans les ports ou sont pillés par les Russes. Le prix des céréales s’en ressent à la hausse. Quant aux produits russes, dont les engrais, ils sont interdits d’achat ou fortement taxés, notamment au Canada (35 %). Or, ce sont les acheteurs — les agriculteurs – qui paient ce surplus.

À Ottawa, le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a annoncé une augmentation de 100 000 $ à 250 000 $ de la limite des avances sans intérêts faites aux agriculteurs en début de saison pour l’achat des intrants (carburant, engrais, semences), pour 2022-2023. Cette bonification du Programme de paiements anticipés (PPA) permet aux agriculteurs d’avoir plus de liquidités.

Au bureau de la ministre Marie-Claude Bibeau, on estime que 11 000 agriculteurs vont en bénéficier. Or, réplique Charles-Félix Ross, il y a 190 000 fermes au Canada, selon le plus récent recensement. Toutes ne sont pas touchées de la même manière, selon le type de production, mais l’ensemble de l’industrie est fragilisé, poursuit-il.

Nous avions demandé cette bonification du PPA. De plus, c’est sûr que les producteurs pourront aussi se rattraper du fait que le prix des céréales et du lait a augmenté. Mais on fait quand même face à une hausse majeure des dépenses.

Charles-Félix Ross, directeur général de l’UPA

Une possible nouvelle hausse des taux d’intérêt inquiète aussi le dirigeant de l’UPA. « La dette à court et moyen termes des agriculteurs québécois est de 25 milliards, indique-t-il. Une augmentation de 1 point de pourcentage des taux d’intérêt signifie donc des coûts supplémentaires de 250 millions, même si certains, s’ils ont un prêt sur cinq ans, seront moins affectés. »

À Québec, il n’y a pas eu de telles annonces, mais la situation est suivie au quotidien. « Le message lancé à La Financière agricole est d’aller au maximum des programmes existants et d’avoir le plus de souplesse possible pour aider les producteurs », indique Simon Bachand, directeur des communications au cabinet du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne.

100 millions pour la potasse

Par ailleurs, le ministère de l’Innovation du Canada, via son Fonds stratégique pour l’innovation (FSI), a récemment investi 100 millions dans l’usine de potasse du géant australien BHP à Jansen, en Saskatchewan, pour la rendre « la plus propre au monde » en émissions de CO2.

La demande de financement pour ce projet a été faite avant le début de la guerre, souligne le ministère de l’Innovation, tout en ajoutant que « l’importance de la potasse en tant que minéral critique a été davantage mise en évidence par l’invasion injustifiable de l’Ukraine par la Russie ».

Dans un reportage de Radio-Canada, le président de BHP, Mike Henry, a reconnu que le conflit avait un impact négatif sur les approvisionnements en potasse, un des trois engrais utilisés par les agriculteurs, avec l’azote et le phosphore.

Ce qu’indique aussi Maurice Doyon, professeur titulaire à la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval. « Les Russes et les Ukrainiens sont de grands producteurs d’engrais, dit-il. Mais on n’achète plus de produits russes. »

Le Canada aide aussi directement les agriculteurs ukrainiens dans leur travail pour continuer à produire des céréales.

Ottawa a ainsi accordé 50 millions pour l’achat de silos mobiles destinés à stocker le grain en attendant que le conflit se règle ou que l’Ukraine ait accès au marché.

« Les céréales correctement séchées peuvent être stockées jusqu’à quatre ans, mais les conditions climatiques peuvent avoir un effet sur les durées requises, indique par courriel Agriculture et Agroalimentaire Canada. Les hivers froids et secs, comme ceux du Canada et de l’Ukraine, aident à stocker les céréales pendant de plus longues périodes, car ils réduisent non seulement les niveaux d’humidité, mais éliminent aussi la plupart des problèmes liés aux insectes. »

En savoir plus
  • 13,6 millions
    En 2021, la valeur des exportations de produits bioalimentaires québécois vers l’Ukraine a atteint 13,6 millions, soit 0,1 % des exportations bioalimentaires internationales de la province. Les principaux produits sont des aliments pour animaux, de la viande porcine et des préparations de fruits.
    SOURCE : BIOCLIPS, MAPAQ (volume 30, numéro 16)