(Ottawa) Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) demande au Canada de ne pas mêler des promesses d’aide humanitaire à l’Ukraine à des annonces d’appuis militaires ou de sanctions contre la Russie.

Le faire compromet la neutralité des groupes humanitaires sur le terrain et nuit à leur sécurité, souligne le directeur des opérations du CICR, Dominik Stillhart.

« Ne liez pas votre action humanitaire aux autres mesures d’appui à l’Ukraine que vous prenez pour des motifs politiques si vous les annoncez publiquement, demande M. Stillhart. Le danger est que l’on perçoive cette aide humanitaire comme un outil ou une arme pour appuyer l’une ou l’autre des parties. »

Il n’a pas donné un exemple précis, mais le premier ministre fédéral Justin Trudeau a annoncé jeudi une aide humanitaire supplémentaire de 50 millions à l’Ukraine et des nouvelles sanctions contre 160 autres responsables russes.

M. Trudeau devait rencontrer dimanche des membres de la communauté ukrainienne à Montréal.

Le Canada a jusqu’à présent promis environ 180 millions en aide à l’Ukraine depuis le début de l’invasion. Environ 30 millions seront remis à la Croix-Rouge. M. Stillhart prédit que ce montant gonflera dans un avenir rapproché.

Il affirme que la Croix-Rouge est reconnaissante de la contribution canadienne. Le directeur des opérations du CICR dit aussi comprendre la volonté du gouvernement fédéral de démontrer son appui aux Ukrainiens en ces temps de détresse. Ces propos ne visent pas à critiquer le Canada pour avoir choisi d’appuyer l’Ukraine dans ce conflit, assure M. Stillhart.

Il est important que l’action humanitaire ne fasse pas partie de l’effort de guerre. On a trop tendance de dire que son pays aide militairement l’Ukraine en lui envoyant des armes et de l’aide humanitaire.

Le directeur des opérations du CICR, Dominik Stillhart

Le cabinet du ministre du Développement international, Harjit Sajjan n’a pas voulu commenter la sortie de M. Stillhart.

Le président du CICR, Peter Maurer, s’est rendu la semaine dernière à Moscou pour y rencontrer le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Tous deux ont discuté des façons de protéger les civils en Ukraine. Il avait auparavant effectué une visite similaire à Kyiv pour rencontrer des responsables ukrainiens.

De nombreux membres de la diaspora ukrainienne au Canada ont critiqué le voyage de M. Maurer à Moscou. M. Stillhart l’a défendu en déclarant que la capacité de parler aux deux parties était cruciale pour protéger des vies.

PHOTO KIRILL KUDRYAVTSEV, ASSOCIATED PRESS

Le président du CICR, Peter Maurer, s’est rendu la semaine dernière à Moscou pour y rencontrer le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

« Il est difficile pour eux de comprendre cela, car ils sont les victimes de l’agression. La neutralité est un concept difficile à comprendre quand on est agressé. Mais il est important pour la diaspora ukrainienne d’ici de comprendre qu’en demeurant neutres, nous pouvons agir dans les endroits les plus difficilement accessibles. »

M. Stillhart reconnaît que la Russie a refusé de coopérer lorsque venait le temps d’approvisionner et d’évacuer la population civile des villes assiégées par les envahisseurs, comme Marioupol.

« J’aimerais constater une plus grande coopération des deux partis. La confiance est totalement absente, mais il faut une plus grande coopération des deux parties, mais plus particulièrement des Russes. »

La Croix-Rouge a dû retirer du personnel de Marioupol où environ 100 000 personnes sont prises au piège par le siège russe. L’artillerie et les roquettes russes continuent de frapper les décombres.

« Notre équipe là-bas manquait de nourriture, d’eau. Elle est demeurée quelque temps dans les abris avec les familles, raconte M. Stillhart. Elle ne pouvait plus le supporter et a trouvé un moyen de s’en échapper. Les témoignages sont vraiment terrifiants. »