Avant même l’arrivée d’Ukrainiens au pays, les organismes d’aide aux réfugiés peinent à répondre à la demande. Dans les derniers mois, des milliers de demandeurs d’asile ont mis les pieds au Québec par le chemin Roxham, et le rythme ne semble pas ralentir.

« Avant l’ouverture de la frontière, on était capable de répondre à presque toute la demande. Depuis son ouverture, on ne sert que les demandeurs d’asile les plus vulnérables, soient les femmes enceintes et les familles nombreuses », affirme d’emblée Maryse Poisson, directrice des initiatives sociales au Collectif Bienvenue.

Le 21 novembre, après plus de 20 mois de fermeture liée à la pandémie, le chemin Roxham a finalement rouvert ses portes. Des milliers de réfugiés, qui attendaient impatiemment de venir au Canada, ont foulé le sol du pays en quelques mois à peine.

« Depuis l’ouverture du chemin Roxham, il y a définitivement une grande arrivée de demandeurs d’asile de différents pays », soutient Mme Poisson. Entre le 21 novembre et le 13 janvier, 4391 personnes ont demandé l’asile au Canada, dont 1218 enfants, a rapporté l’Agence des services frontaliers, selon des chiffres obtenus en réponse à une demande d’accès à l’information. La majorité des réfugiés provenaient d’Haïti, du Mexique, du Nigeria, du Congo, de la Colombie et de la Turquie, indique Mme Poisson.

Plus précisément, le tiers d’entre eux provenaient d’Haïti. « C’est énormément de gens qui ont des besoins et qui nécessitent des services. On reçoit entre 30 et 40 personnes chaque jour », dit Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti.

Manque d’intervenants

À leur arrivée au Québec, des centaines de réfugiés sont pris en charge par le Programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile (PRAIDA), qui leur offre hébergement et soutien. C’est le cas d’un peu plus de 850 personnes à l’heure actuelle, a indiqué mercredi le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal.

Les autres arrivants sont plutôt logés dans des hôtels de la grande région de Montréal financés par le gouvernement fédéral. « Ces demandeurs d’asile dans les hôtels n’ont pas nécessairement accès aux mêmes services, comme des travailleurs sociaux sur place », soutient Mme Poisson.

Il y a beaucoup de familles demandeuses d’asile dans ces hôtels qui sont laissées à elles-mêmes pour trouver de la bonne information, notamment sur l’accès aux services, l’aide sociale, les soins de santé. C’est un gros problème.

Maryse Poisson, directrice des initiatives sociales au Collectif Bienvenue

Les intervenants spécialisés sont essentiels lors de l’arrivée des réfugiés, soutient-elle. « Ça vaut de l’or, parce que ce sont des familles avec énormément de questions et de stress en arrivant. »

Le manque de services dans les hôtels fédéraux se fait ressentir, soutient-elle. « Ce qu’on voit avec les familles qui ont été hébergées dans les hôtels fédéraux, c’est qu’elles n’ont pas eu accès à toute cette information et donc elles vont intégrer leur appartement en étant plus ou moins au courant des services auxquels elles ont accès », dit-elle.

Par ailleurs, Immigration Canada a de la difficulté à répondre à la demande actuellement, observe-t-elle. « Il y a des familles qui auraient le potentiel de travailler et de contribuer à la société, mais les délais sont tellement longs qu’elles sont maintenues dans la précarité de l’aide sociale. C’est un grand enjeu présentement », dit-elle.

Agir rapidement

Lorsque les demandeurs d’asile ont quitté leur lieu d’hébergement temporaire, les organismes doivent mettre les bouchées doubles.

Il faut rapidement trouver un logement [aux demandeurs d’asile], et ce n’est pas évident à Montréal. Ensuite, il faut trouver des meubles, parce qu’ils arrivent avec seulement une valise. Il faut aussi inscrire les enfants à l’école et remplir les papiers avec les parents.

Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti

De son côté, le Collectif Bienvenue distribue gratuitement des meubles et des articles essentiels aux arrivants dans le besoin. « Les familles quittent les sites d’hébergement souvent pour dormir sur le plancher. Il y a tellement de demandeurs d’asile qui voudraient des meubles. On fait de notre mieux pour en livrer au maximum de famille », renchérit Mme Poisson.

Leur organisme repose sur les dons du public. « Notre camion est sur la route toute la semaine pour aller chercher des dons de meubles chez les particuliers ou chez les entreprises, comme des restaurants », explique Mme Poisson.

Le collectif a la capacité de servir une douzaine de familles par semaine. Avec la demande grandissante, l’organisme doit se limiter aux familles les plus vulnérables, comme les femmes enceintes, qui représentent une grande proportion des réfugiés. « Pour les femmes enceintes, il nous faut des bassinettes, des poussettes et des ensembles pour bébé. C’est tout un défi également de leur trouver un accès à un suivi obstétrique », dit-elle.

L’arrivée de réfugiés ukrainiens pourrait augmenter cette demande. « Comme tous les organismes qui travaillent auprès des réfugiés, on attend de voir si et quand des demandeurs d’asile ukrainiens vont arriver, et on réfléchit à comment contribuer à l’effort […] ou d’articles essentiels en priorisant les plus vulnérables peut importe le pays d’origine », conclut Mme Poisson, en rappelant que l’organisation est toujours à la recherche de dons de meubles ou d’articles essentiels.

Consultez le site du Collectif Bienvenue