(Québec) Contrairement à Ottawa, c’était le calme plat sur la colline Parlementaire à Québec vendredi soir. Le coup d’envoi de la manifestation contre les mesures sanitaires prévu en soirée a été annulé, a confirmé l’un des représentants du « convoi de la liberté » présent sur place. Les manifestants se donnent rendez-vous ce samedi à 11 h.

L’intervention policière dans le centre-ville de la capitale fédérale, assiégé depuis 22 jours, ne modifie pas les plans, a tenu à préciser l’organisateur le plus connu du convoi, Bernard Gauthier, dans une vidéo diffusée sur Facebook vendredi soir.

« On fait un petit live, je dirais, quasiment d’urgence. C’est nécessaire, la panique est pognée ! », a-t-il lancé. « On voit ce qui se passe à Ottawa. C’est très désolant, ce qui se passe à Ottawa, mais ce qui va se passer à Québec, ça va se passer. Il n’y a rien qui change pour nous autres. »

À son côté, Kevin Grenier a tenté de rassurer ses supporters. « Arrêtez de niaiser, arrêtez de stresser », a-t-il insisté, plaidant qu’il avait toutes les autorisations nécessaires pour tenir la manifestation, un « évènement familial », et qu’il discutait avec le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) et la Sûreté du Québec.

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La présence d’une petite scène pour prononcer des discours a été tolérée par les autorités de Québec.

Selon leur programme, les organisateurs ont prévu une série de spectacles jusqu’à dimanche 17 h, mais ils n’ont pas fait de demande officielle pour la tenue d’un « évènement festif » de ce genre, a indiqué la Ville de Québec. L’évènement est donc toujours considéré comme une manifestation, lors de laquelle on tolère une scène uniquement pour prononcer des discours et diffuser un peu de musique.

Le SPVQ a des échanges avec les organisateurs sur la teneur du programme de la fin de semaine qui, par exemple, prévoyait la prestation d’un DJ à compter de 19 h vendredi.

On est en constante communication avec les organisateurs, comme nous l’avons été lors de la dernière manifestation. Ce sujet a été abordé avec eux, et on est en train de trouver une voie de passage.

David Pelletier, porte-parole du SPVQ

La manifestation devait débuter à 17 h, mais à peine une dizaine de personnes étaient sur place à l’heure convenue. L’un des représentants du convoi leur a dit un peu plus tard que l’évènement de vendredi soir était annulé en raison d’un différend avec les autorités.

Le rendez-vous a finalement été fixé à 11 h samedi. Des convois de camions – en provenance de la Côte-Nord, du Saguenay et de la Beauce notamment – sont attendus. Keven Bilodeau, leader du « convoi de la Beauce », a lancé une campagne de financement et a promis 250 $ en bons d’essence aux camionneurs qui se rendent à Québec en fin de semaine.

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Quelques manifestants étaient présents vendredi soir sur la colline Parlementaire, à Québec.

En plus de prestations musicales, des discours sont au programme samedi – dont celui d’Amélie Paul, figure connue de la mouvance complotiste. Les organisateurs ont monté devant le parlement une scène faite à partir d’une remorque.

Seul un tronçon de l’avenue Honoré-Mercier, dans le secteur de la fontaine de Tourny, a été fermé à la circulation. De nombreux policiers du SPVQ étaient présents sur la colline Parlementaire dès la fin de l’après-midi.

Selon une source bien au fait des échanges entre les corps de police et le gouvernement, les policiers ont jusqu’ici l’impression que la mobilisation est moins importante que lors de la première manifestation du « convoi de la liberté » il y a deux semaines.

Pouvoirs accrus aux policiers

Soucieux d’éviter un siège comme à Ottawa, le maire de Québec, Bruno Marchand, a modifié des règlements municipaux afin de donner plus de pouvoirs aux policiers en prévision de cette deuxième manifestation en deux semaines.

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Bruno Marchand, maire de Québec

Le SPVQ peut désormais « prendre toutes les décisions concernant la circulation, le stationnement et les fermetures de rue », sans l’imprimatur de l’hôtel de ville. Cette modification serait « permanente ». Elle permet au chef de police de prendre des décisions dans le feu de l’action, selon l’évolution de la manifestation, mais aussi de décréter des fermetures « préventives ».

La Ville a également décidé de suspendre le droit de cuisiner en plein air et de consommer de l’alcool dans les lieux publics. La consommation d’alcool dans les parcs avait été autorisée à Québec au début de la pandémie par Régis Labeaume. Ce droit sera rétabli, peut-être au printemps, selon le maire.

« Bonne collaboration » il y a deux semaines

Même si Bruno Marchand a plaidé que le droit de manifester était respecté, les organisateurs du « convoi de la liberté » ont condamné ces nouvelles mesures.

Il y a deux semaines, ils avaient tenu une première manifestation qui, somme toute, s’était bien déroulée.

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Manifestation contre les mesures sanitaires à Québec, le 5 février dernier

Durant un week-end, quelques dizaines de camions avaient bloqué des voies du boulevard René-Lévesque en direction est. Le plan du SPVQ visait à ce que les manifestants n’entravent pas davantage la circulation. Le corps de police avait prévenu que sa tolérance avait une limite et que les poids lourds devaient partir à 17 h dimanche. Les camionneurs avaient quitté les lieux sans histoire, en se donnant rendez-vous pour une deuxième manifestation.

Le SPVQ avait fait trois arrestations et distribué une centaine de constats d’infraction liés aux règlements municipaux et au Code de la sécurité routière. Un véhicule avait été remorqué.

Le directeur du SPVQ, Denis Turcotte, avait souligné la « bonne collaboration » entre policiers et manifestants. Ils ont d’ailleurs une fois de plus des échanges au sujet de la manifestation de cette fin de semaine.

Les organisateurs du « convoi de la liberté » n’accordent pas d’entrevues et désapprouvent le travail des médias. Les assouplissements aux mesures sanitaires annoncés par Québec au cours des deux dernières semaines sont insuffisants selon eux.

Ils en ont contre le maintien de l’obligation pour les élèves de porter le masque à l’école et ils craignent que le passeport vaccinal, dont l’utilisation sera abandonnée complètement à compter du 14 mars, ne soit imposé de nouveau. Ils réclament la fin de l’urgence sanitaire. Surtout, ils contestent la gouverne du premier ministre François Legault depuis le début de la pandémie.

Avec la collaboration de Gabriel Béland, La Presse