(Ottawa) Les policiers ont commencé à procéder à des arrestations ciblées en fin de journée, jeudi, au 21jour de la manifestation qui paralyse le centre-ville d’Ottawa. Des agents de la Sûreté du Québec, de la police provinciale de l’Ontario et d’autres corps policiers sont venus prêter main-forte à la police locale. La neige est venue refroidir les ardeurs en soirée — 20 à 30 centimètres sont attendus.

Deux organisateurs clés du « convoi de la liberté » ont été arrêtés jeudi. En fin de journée, les policiers ont d’abord mis le grappin sur Chris Barber. Par la suite, ils ont interpellé Tamara Lich. Le Service de police d’Ottawa n’avait pas confirmé leur arrestation, jeudi soir, mais des images et des vidéos des deux scènes ont été relayées sur les réseaux sociaux.

D’autres manifestants ont également été arrêtés. Les forces de l’ordre semblaient procéder de façon chirurgicale à travers la foule, se déplaçant en groupe. Par contre, ils étaient beaucoup moins visibles à la tombée de la nuit, alors que les flocons commençaient valser dans le ciel d’Ottawa, et que le vent se levait sur la capitale.

Peu de temps avant le début de l’opération, le chef intérimaire de la police d’Ottawa, Steve Bell, annonçait que les forces de l’ordre s’apprêtaient à mettre leur plan à exécution pour mettre fin à la « manifestation illégale » dans les rues du centre-ville. « Nous avons gonflé nos ressources, développé des plans clairs et nous nous préparons à agir, a-t-il affirmé en conférence de presse. L’intervention est imminente. »

Dans les rues de la capitale, on a érigé des barrières en métal pour protéger des édifices parlementaires. En début de journée, des employés s’affairaient autour de l’enceinte du parlement sous haute surveillance policière. « N’importe quoi pour un chèque de paye », leur a scandé un manifestant au passage. Plusieurs manifestants criaient « Freedom ! » en marchant sur la rue Wellington.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Un périmètre a également été érigé autour du centre-ville et la police a créé une zone sécurisée qui s’étend sur plusieurs kilomètres, avec plus d’une centaine de points de contrôle pour empêcher d’autres manifestants de grossir les rangs de ceux qui s’y trouvent déjà. Plusieurs sorties qui mènent au centre-ville sur l’autoroute 417 sont fermées.

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Le chef par intérim du Service de police d’Ottawa (SPO), Steve Bell, s’est adressé directement aux manifestants. « Ne venez pas dans notre centre-ville, a-t-il dit. Nous en avons assez de ce qui se passe là-bas, nous en avons assez de ce qui se passe dans nos rues, alors allez-vous-en. »

« Ce week-end va être très différent des trois derniers », a-t-il ajouté.

Les citoyens qui résident ou travaillent dans le quartier pourront toutefois accéder au périmètre et s’y promener librement, a assuré le chef Bell. « Nous sommes engagés à vous redonner vos rues et à ce que les choses reprennent leur cours normal », a-t-il déclaré, en s’adressant directement aux résidants du centre-ville. Ceux qui voudront quitter la zone sécurisée pourront le faire à n’importe quel moment. « Nous voulons mettre un terme à cette manifestation illégale de façon pacifique et en toute sécurité », a-t-il continué.

Il n’a pas voulu spécifier combien de camions la police espère pouvoir enlever durant cette opération, mais a indiqué qu’il ne voyait « aucun problème avec la capacité d’enlever les véhicules ».

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La police a émis plusieurs avertissements depuis mercredi pour demander aux manifestants de quitter les lieux. Les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à 5000 $ et à une peine de prison maximale de cinq ans, selon la gravité de l’infraction.

Les organisateurs du « convoi de la liberté » ont publié une lettre ouverte sur les réseaux sociaux jeudi destinée aux élus. Ils exigent la fin de la vaccination obligatoire et du passeport vaccinal. « Plusieurs d’entre nous n’ont rien à perdre, ont-ils écrit. C’est notre lignée tracée dans le sable. »

La SQ arrive en renfort

Des agents de la Sûreté du Québec (SQ) sont venus gonfler les rangs policiers à Ottawa pour participer à l’intervention visant à déloger les manifestants.

Des sources au sein de la SQ ont confirmé à La Presse que la Police provinciale de l’Ontario (OPP) a demandé assistance à la SQ, et à d’autres corps de police, pour aider la police d’Ottawa à libérer la capitale nationale soumise à un blocus de manifestants anti-mesures sanitaires depuis maintenant trois semaines.

Des spécialistes en manifestation et en contrôle de foule, et des équipes d’urgence de la Sûreté du Québec ont été dépêchés à Ottawa jeudi et assermentés de façon à pouvoir agir en Ontario.

« Il y aura des interventions très structurées et cadrées à court terme. Les policiers de la Sûreté du Québec sont habitués à faire face à des manifestations et nos policiers ont souvent démontré leur expertise », a confié à La Presse une source policière qui a requis l’anonymat, car elle n’est pas mandatée pour parler aux médias dans ce dossier précis.

On ne sait pas combien de policiers de la SQ seront dépêchés à Ottawa. En revanche, la SQ assure qu’elle a suffisamment d’effectifs pour également être présente à Québec, où une autre manifestation est prévue samedi.

Participation de membres des Forces armées

Neuf membres des Forces armées canadiennes sont apparus sur le radar des autorités pour leur participation aux manifestations du « convoi de la liberté ». L’un d’eux a été reconnu coupable d’une infraction qui lui a valu une amende de 500 $, et les huit autres investigations sont toujours en cours, selon ce qu’a indiqué jeudi un porte-parole de la Défense nationale, Daniel Le Bouthillier. À ces enquêtes s’ajoutent deux autres qui ont été ouvertes concernant des membres de la police militaire, a-t-il ajouté.

En conférence de presse à Bruxelles, jeudi, la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, s’est contentée de dire que les membres des Forces armées étaient soumis à un code de conduite, incluant ce qui entoure « l’expression publique des expressions politiques ». La ministre a par ailleurs mentionné que « plus de 98 % » des membres des Forces armées ont attesté être entièrement vaccinés — ils étaient tenus de le faire en raison de l’obligation décrétée par le gouvernement fédéral.

Poursuite de 306 millions contre les organisateurs

L’avocat Paul Champ, derrière la demande d’injonction d’une jeune résidente d’Ottawa, récidive. Il intente un recours collectif contre les organisateurs du « convoi de la liberté », les camionneurs stationnés au centre-ville et les donateurs au nom des résidants, des propriétaires d’entreprises et des travailleurs. « Chaque jour additionnel constitue un autre 15 millions qui s’ajoute en dommages, pertes de revenus et pertes de salaire », a-t-il fait savoir sur Twitter. Il demande aux personnes à l’intérieur de la zone d’occupation de documenter leurs pertes et de lui envoyer pour étayer son recours judiciaire.