Le géant de l’hôtellerie du Québec Raymond Malenfant est mort à l’âge de 91 ans vendredi à Montréal, entouré de ses proches. Au cours de sa vie, l’homme d’affaires dont la richesse s’est déjà élevée à 400 millions de dollars aura connu opulence et revers de fortune.

Raymond Malenfant avait été nommé « hôtelier de l’année » en 1987. Jusqu’à sa faillite dans les années 1990, il était connu du Québec pour ses bras de fer médiatisés avec le milieu syndical au milieu des années 1980.

À l’apogée de sa gloire, Raymond Malenfant était à la tête de neuf hôtels, de six tours de bureaux, de salles de congrès et d’un centre de ski. Il a notamment été propriétaire du Manoir Richelieu dans Charlevoix, de l’hôtel Fort Garry à Winnipeg et de plusieurs hôtels Universel, dont un en Floride.

« C’était un bâtisseur, mon père », a raconté à La Presse sa fille Lynn Malenfant.

Il bâtissait un premier hôtel, un deuxième, un troisième. Il a bâti un empire, parce qu’il travaillait, travaillait, travaillait. Et c’était tout le temps pour créer de l’emploi, pas pour l’argent.

Lynn Malenfant, fille de Raymond Malenfant

L’homme de 91 ans s’est éteint à l’hôpital du Sacré-Cœur vendredi, en début d’après-midi, entouré de ses enfants. Il avait été admis à l’hôpital pour une déficience aux reins, puis avait été déclaré positif à la COVID-19. Il avait aussi un cancer de la prostate et avait subi 17 infarctus au cours de sa vie. « C’était un chat, mon père », a souligné Lynn Malenfant, avec un petit sourire dans la voix. « C’était un battant. »

De la médecine aux hôtels

C’est d’abord la médecine qui avait fasciné le jeune Raymond Malenfant, originaire de Saint-Hubert, près de Rivière-du-Loup, dans le Bas-Saint-Laurent. Enfant de l’entre-deux-guerres, né le 6 octobre 1930, soit en pleine Grande Dépression, il a fait quatre ans d’études universitaires en médecine à Paris et à Lille avant de s’en désintéresser. Le jeune homme s’est alors tourné vers l’armée canadienne, où il a appris les rudiments de l’anglais.

C’est finalement sur le milieu de la construction et des affaires que l’homme a jeté son dévolu. « En 1965, il a eu son premier hôtel et ma mère [Colette Perron] l’a toujours épaulé », se souvient Lynn Malenfant, qui est née la même année. Grâce au prêt de 10 000 $ d’un ancien compagnon de l’armée, l’homme acquiert un terrain sur le chemin Sainte-Foy, en banlieue de Québec, où il construit son premier motel. Puis, en 1966, il obtient un prêt hypothécaire de 300 000 $. Les 20 ans qui ont suivi ont été fastes pour la famille Malenfant.

« Il écoutait la radio et la télé dans sa chambre, il visionnait, puis à un moment donné il créait », se remémore Lynn Malenfant.

Conflit syndical au Manoir Richelieu

En 1986, Raymond Malenfant décide d’acquérir le Manoir Richelieu, dans Charlevoix, pour le rénover. « Il pensait que c’était une bonne idée, mais ç’a été tellement dur », regrette Lynn Malenfant.

Cette acquisition met Raymond Malenfant à l’avant-scène de l’actualité québécoise, en raison des affrontements qui l’opposent à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) pendant plusieurs années.

L’homme d’affaires, en effet, choisit de ne pas réembaucher les employés syndiqués de l’hôtel après son achat. En 1986, le conflit fait même un mort, Gaston Harvey, lors d’une altercation avec la Sûreté du Québec.

« Il a gagné à la Cour suprême, mais au bout du compte, il a tout perdu », estime Lynn Malenfant.

En 1990, le Groupe Malenfant fait l’acquisition de trois établissements, nécessitant un investissement de 40 millions de dollars, dont il n’avait pas trouvé 10 millions. Entre les prêts gouvernementaux, les taxes municipales, les taux d’intérêt élevés, le fisc et la récession, Raymond Malenfant doit déclarer faillite en 1992.

« C’était très triste. C’est là que les infarctus ont commencé, raconte Lynn Malenfant. C’est sa vie qu’il voyait basculer, et il ne s’en est pas remis. »

Le gène du bonheur

En 2001, Raymond Malenfant a subi un grave traumatisme crânien après avoir été heurté par une voiture à Laval. Au cours des sept dernières années, il a vécu avec deux de ses enfants, sa femme se sentant trop fatiguée pour être en mesure de prendre soin de lui. « J’ai eu la chance de vivre à 100 % avec lui, confie Lynn Malenfant. C’était mon héros. »

En 2011, une minisérie de quatre heures, réalisée par Ricardo Trogi, Malenfant, explore l’histoire de la famille. Elle est diffusée sur la chaîne Séries+. Luc Picard y incarne le rôle de Raymond Malenfant.

Puis, cette année, l’homme d’affaires a de nouveau été réuni avec son épouse lorsqu’ils se sont retrouvés dans la même résidence pour aînés. « On a eu un miracle, parce qu’on leur a trouvé une place et ils se sont retrouvés ensemble. Ç’a été comme ça », décrit Lynn Malenfant.

Malgré son revers de fortune, Raymond Malenfant était un homme heureux. « Ce n’était pas un homme qui parlait du passé. Il n’était pas amer, se remémore Lynn Malenfant. C’était un homme tellement zen, parce qu’il était dans le présent et dans le futur, et il a continué d’être comme ça toute sa vie. Il se levait de bonne humeur, se couchait de bonne humeur. Il avait le gène du bonheur. »