L’agente de liaison autochtone engagée en 2019 pour sécuriser les patients atikamekw soignés à l’hôpital de Joliette dit s’être fait retirer son bureau au bout de six mois et n’avoir jamais reçu de soutien dans ses fonctions.

« Je ne comprenais pas pourquoi ils agissaient comme ça », a dit mardi Barbara Flamand, qui affirme qu’on lui a finalement attitré un bureau en décembre dernier. Mme Flamand a dit qu’elle devait « flâner aux urgences » pour trouver des patients à accompagner.

Mme Flamand dit avoir été engagée comme agente de liaison en mars 2019 par les Services de santé de Manawan à la suite des audiences de la commission Viens, qui avait critiqué les soins offerts aux Autochtones à l’hôpital de Joliette. Au départ, Mme Flamand dit qu’elle était « bloquée partout » et explique avoir demandé une carte d’employée pour faciliter son travail.

Le jour de la mort de Joyce Echaquan, le 28 septembre, Mme Flamand dit qu’on n’a pas voulu la laisser entrer aux urgences et qu’elle a dû se faufiler par une autre porte. Au cours de son mandat, Mme Flamand a aussi dit s’être souvent fait expulser des urgences. « Je n’étais pas reconnue », a-t-elle témoigné. Mme Flamand considère que le personnel de l’hôpital de Joliette l’évitait et ignorait son rôle. Elle considère n’avoir eu aucun soutien, ni des Services de santé de Manawan ni du CISSS de Lanaudière.

Plusieurs témoins des propos tenus envers la défunte

Pendant que Joyce Echaquan hurlait de douleur aux urgences de l’hôpital de Joliette, au moins quatre infirmières « riaient d’elle », selon une jeune femme de 34 ans venue témoigner mardi à l’enquête publique du coroner sur la mort de la mère de famille atikamekw. Trois autres témoins ont raconté avoir entendu des propos comme « c’est une Indienne, c’est pas grave » ou « ça aime mieux se faire fourrer pis avoir des enfants ».

Dans un témoignage fort émotif, Annie Desroches a raconté les heures qu’elle a passées aux urgences, étendue sur une civière, aux côtés de Joyce Echaquan. Annie Desroches a affirmé que Joyce Echaquan disait être là pour « des douleurs au ventre » qu’elle a associées à un sevrage. « Elle disait aux infirmières qu’elle repartait toujours avec des morphines » et disait « ne plus vouloir cette cochonnerie de médicament de merde », a lu Mme Desroches.

Si Joyce Echaquan était calme au début, elle aurait ensuite commencé à souffrir et à crier. À un certain moment, elle aurait demandé d’être contentionnée, ce qu’on lui aurait refusé. Elle serait tombée et une infirmière aurait dit à une collègue : « Elle s’est jetée à terre, tu sais bien ! », soutient Mme Desroches, qui a beaucoup pleuré dans son témoignage. Joyce Echaquan aurait continué de hurler, selon la témoin, et une infirmière aurait dit : « Là, tu vas arrêter de crier d’même, là, tu déranges tout l’monde ici. On n’est pas dans une garderie ici, on gère pas les bébés. »

Mme Desroches indique qu’au moins quatre infirmières riaient à ce moment de Joyce Echaquan. Si elle n’a pas entendu ce qu’elles disaient, Mme Desroches estime que celles-ci se moquaient clairement de la patiente atikamekw, qui hurlait qu’elle allait « quitter son corps » et qui disait : « vous me laissez mourir ! » « C’était de Joyce qu’elles riaient. Elles la regardaient et riaient », a dit Mme Desroches.

Deux autres témoins présents aux urgences le jour du drame ont aussi rapporté différents propos tenus envers Joyce Echaquan. Stéphane Guilbault, dont la fille était traitée aux urgences, dit avoir entendu du personnel crier et certains dire : « Les Indiennes, elles aiment ça se plaindre pour rien, se faire fourrer pis avoir des enfants ». Josiane Ulrich affirme avoir entendu des infirmières dirent qu’elles étaient « tannées de l’entendre se plaindre » en parlant de Joyce Echaquan et qu’« on paye pour ça » ou « c’est une Indienne, c’est pas grave ».

Un peu plus tôt mardi, une infirmière ayant travaillé de 2010 à 2020 à l’hôpital de Joliette a affirmé avoir déjà entendu des commentaires « négatifs » de la part de certains collègues sur les patients autochtones et de différentes nationalités. Cette infirmière a aussi raconté avoir été témoin d’un évènement troublant impliquant l’infirmière congédiée à la suite de la mort de Joyce Echaquan. Cette dernière, qui a dit que Joyce Echaquan était « épaisse en câlice » et « ben meilleure pour fourrer » dans une vidéo captée par la défunte, aurait tenu d’autres propos envers un patient syrien quelques années auparavant, selon son ex-collègue.

Celle-ci a dit qu’elle travaillait au triage il y a moins de cinq ans. Un patient syrien est venu consulter avec sa famille. Elle a raconté avoir eu recours à une interprète pendant 30 minutes.

L’infirmière a raconté que sa collègue aujourd’hui congédiée lui aurait reproché d’avoir « pris trop de temps » avec ce patient. « Ils ne viennent pas d’ici », aurait dit la collègue, dont nous ne pouvons révéler l’identité. L’incident aurait été rapporté à la chef de service.

La coroner martèle qu’elle est impartiale

La coroner Géhane Kamel, qui dirige l’enquête publique sur la mort de Joyce Echaquan, reconnaît que certains de ses commentaires prononcés la semaine dernière ont pu donner « l’apparence d’une certaine partialité » de sa part, mais elle affirme qu’elle a « en tout temps, depuis le premier jour de cette enquête, respecté [son] important devoir d’indépendance et d’impartialité en tant que coroner ». La semaine dernière, la coroner Kamel avait notamment indiqué à une infirmière congédiée venue témoigner : « Votre histoire, elle ne tient pas debout ». La coroner reconnaît que certains de ses propos ont pu « indisposer certaines personnes » et elle s’en est dite « désolée ». « J’en prends acte de façon sérieuse pour la suite des choses », dit-elle, tout en soulignant vouloir « poursuivre les audiences dans le calme et la sérénité ».