(Ottawa) Les Forces armées canadiennes (FAC) font face à de nouvelles demandes d’accorder une exception aux victimes d’inconduites sexuelles, et aux collègues à qui elles se confient, qui leur permettrait de ne plus devoir signaler un incident à leur supérieur immédiat.

Cette requête fait partie d’une liste contenant des dizaines de recommandations et inscrites dans un rapport dévoilé mardi, près de deux ans après une série de consultations menées auprès de survivantes et de survivants ainsi que d’officiers.

Le gouvernement avait donné son accord à ces consultations dans le cadre d’une entente d’indemnisations de 600 millions avec les victimes d’inconduites sexuelles au sein de l’armée et du ministère de la Défense nationale.

La règle du « devoir de signaler » contraint les membres des Forces armées à rapporter tout type de comportement inapproprié ou criminel, sexuel ou non, à un supérieur, ce qui implique un processus de plainte formelle.

D’après le rapport du Groupe de consultation sur le soutien aux survivants, ce fameux devoir de signaler a été « un sujet de préoccupation récurrent » au cours de ses travaux. Un constat qui fait écho aux précédentes critiques dénonçant le fait de forcer les victimes et leurs confidents à rapporter des agressions à leur supérieur alors qu’elles n’en ont pas envie ou ne se sentent pas prêtes.

« Actuellement, tous les membres des FAC sont tenus par une obligation réglementaire de signaler toute inconduite, y compris l’inconduite sexuelle », peut-on lire dans le rapport du comité qui comptait parmi ses membres trois demandeurs impliqués dans des actions collectives contre l’armée et trois militaires actifs.

Les répercussions du devoir de signaler « sont particulièrement préoccupantes […] sur l’autonomie des survivants quant à la décision de le faire, du moment et de la manière de signaler leurs expériences, ainsi qu’à la décision et la façon de trouver un soutien après un incident », écrit le comité.

La règle actuelle contient également des incohérences concernant « les aumôniers et leur capacité à fournir un soutien confidentiel aux survivants ». Selon la version actuelle de la règle, seuls les prêtres catholiques sont exemptés de cette divulgation obligatoire, mais seulement si l’information leur est révélée « sous le sceau de la confession ».

Par ailleurs, le rapport rappelle que ce n’est pas la première fois que des inquiétudes sont soulevées au sujet de cette obligation de dénoncer. On indique que le groupe de défense « It’s Not Just 700 » et le vérificateur général avaient précédemment dénoncé en vain le même enjeu.

D’après le rapport, le devoir de signaler devrait se limiter aux cas où il existe un « risque de danger imminent, (un) danger pour les enfants (ou pour) la sécurité nationale ».

Et si l’armée a toujours refusé de changer sa position au sujet du devoir de signaler les inconduites, la lieutenante-générale Jennie Carignan, chargée d’opérer le changement de culture dans les FAC, a fait savoir qu’une modification pourrait bien être instaurée.

« On travaille sur une politique à ce sujet », a-t-elle déclaré lors d’une mise à jour de l’évolution de ses travaux.

Parmi les 45 recommandations du rapport, on trouve notamment des mesures afin de mieux intégrer les survivantes et les survivants dans le développement de solutions aux inconduites sexuelles.

Dans une réponse écrite au rapport, le chef d’état-major Wayne Eyre et la sous-ministre de la Défense Jody Thomas ont indiqué que plusieurs recommandations sont déjà en cours de mise en place, alors que les autres mesures seront évaluées en temps opportun.

Ils n’ont toutefois pas fait mention explicitement du « devoir de signaler » dans leur réponse.