Avec trois chantiers de logements abordables en cours, la directrice du Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ), Tanya Sirois, est une femme occupée. Mais au-delà de son implication, elle représente une nouvelle génération de femmes autochtones qui visent l’« empowerment » de leurs communautés.

« Je me considère comme une entrepreneuse sociale et économique, qui veut surtout enclencher des changements à long terme pour l’ensemble de la société. Je ne fais pas du développement économique pour mon propre intérêt, mais vraiment pour qu’on y gagne tous comme société, que ce soit les Autochtones ou les non-Autochtones, en incluant le milieu privé et le gouvernement », lance d’emblée la principale intéressée, en marge du Grand cercle économique des peuples autochtones et du Québec, qui se tient à Montréal ce jeudi et vendredi.

Son groupe, qui gère et administre depuis 2019 une société immobilière, pilote trois chantiers de logements abordables autochtones. Le premier, une résidence pour étudiants autochtones et leur famille, sera situé près du pavillon universitaire et du cégep de Sept-Îles. Évalué à 23 millions, le projet comprendra 32 logements répartis dans cinq bâtiments ainsi que 29 places supplémentaires en CPE ou garderie, en plus de plusieurs espaces communautaires et culturels. Les logements seront destinés en particulier aux femmes, qui sont « les plus touchées » par l’insécurité causée par l’accès au logement.

ILLUSTRATION FOURNIE PAR LE RCAAQ

Projet de logement autochtone à Sept-Îles

On estime qu’environ 86 % des étudiants dans le secteur « désirent un logement au lieu d’une simple chambre dans une résidence habituelle, compte tenu de leur situation familiale ». Plus de 8 sur 10 disent aussi avoir besoin d’un logement équivalent au moins à un quatre et demie.

Écoute, humilité, respect

Deux autres projets du genre verront le jour d’ici 2025 dans la capitale nationale, près de l’Université Laval (une soixantaine de logements au minimum), et à Trois-Rivières (plus de 40 logements). « On parle d’un investissement d’environ 90 millions pour les trois. Ils vont être livrés d’ici trois ans. C’est vraiment une belle réussite, un développement phénoménal, pour nous et pour le milieu autochtone », se réjouit Mme Sirois en entrevue.

Le logement, c’est un besoin de base. On contribue à la richesse collective en offrant des logements de qualité et abordables à des étudiants, qui ensuite vont contribuer au développement socio-économique de la province.

Tanya Sirois, directrice du RCAAQ

Pour celle qui est membre de la Première Nation des Innus de Pessamit, la réalisation de projets de logement autochtone « demande beaucoup d’écoute, d’humilité et de respect mutuel, mais aussi de persévérance ». « Ça prend une connaissance fine du terrain, de l’enthousiasme, du positivisme : bref, une vision rassembleuse. C’est ce qui nous drive, qui nous permet de bien vendre ces projets-là », dit-elle.

« C’est vraiment important de tenir compte des éléments du passé, mais tout en respectant notre passé, on doit aussi se tourner vers l’avenir et penser aux futures générations. On mise sur ces générations, sur l’implication des femmes dans l’élaboration de nos propres solutions », assure la directrice générale.

L’espoir du renouveau

Selon Tanya Sirois, il reste évident que les réalités urbaines avec lesquelles composent les Autochtones sont parfois « balayées » par les gouvernements, par incompréhension des enjeux ou par manque d’intérêt. « On voit bien que les gouvernements doivent investir encore davantage dans les services de première ligne, qui connaissent les enjeux, qui tiennent tout ça à bout de bras », glisse-t-elle.

Mais le changement arrive, enchaîne la titulaire d’un baccalauréat en administration des affaires, qui dit avoir « espoir » que la jeunesse fraîchement débarquée en politique partout au Québec change la donne.

À mes yeux, le changement est enclenché avec des leaders de plus en plus jeunes, et des femmes qui sont de plus en plus présentes.

Tanya Sirois, directrice du RCAAQ

« Pour le reste, malheureusement, ça a pris certaines tragédies qui n’auraient pas dû se passer, mais on sent qu’il y a de plus en plus de gens qui veulent s’informer sur les réalités autochtones. On a aussi une sensibilité grandissante des gouvernements sur les réalités urbaines. Ça me donne espoir », poursuit-elle.

D’ailleurs, Tanya Sirois n’entend pas s’arrêter là. Une fois que ses trois projets de logements abordables auront été livrés en 2025, il en viendra d’autres. « On est en train de construire notre modèle d’affaires et de consolider l’expertise de cette société immobilière. Donc, pour le moment, on est en train de déterminer les prochaines étapes après 2025. J’ai bien hâte de pouvoir en faire état », conclut-elle.