(Lakefield) L’adresse électronique où les interprètes afghans ont été invités à envoyer d’urgence leurs formulaires de demande d’asile ne fonctionnait pas jeudi, ajoutant un obstacle de plus à ce que des demandeurs et d’anciens combattants canadiens décrivent comme un processus qui est déjà chaotique.

« La boîte aux lettres du destinataire est pleine et ne peut pas accepter de messages pour le moment. Veuillez essayer de renvoyer votre message plus tard, ou contactez directement le destinataire », lit-on dans la réponse automatisée à deux soumissions et vue par La Presse Canadienne.

Le porte-parole d’Affaires mondiales Canada, Jason Kung, a déclaré que le gouvernement avait reçu « un certain nombre de demandes et de questions » sur les nouvelles mesures d’immigration depuis le 23 juillet.

« Dans de rares circonstances, la boîte aux lettres peut approcher ou dépasser ses limites de stockage en fonction du volume et de la taille des courriels reçus. Le problème a été immédiatement résolu. La boîte aux lettres reste active et opérationnelle », a-t-il déclaré dans un courriel jeudi soir.

Néanmoins, la situation soulève des inquiétudes alors que des interprètes et d’anciens membres du personnel des soldats et diplomates canadiens se démènent pour quitter un pays qui perd rapidement du terrain face aux militants talibans qui cherchent à se venger de ceux qui ont soutenu les forces de la coalition.

« C’a fait juste ajouter au chaos sur le terrain », a déclaré Andrew Rusk, co-fondateur de l’organisation Not Left Behind.

« Il y a maintenant plus de 600 familles dont la vie est en jeu, et nous devons cesser de dresser des barrières pour les mettre en sécurité. »

La vice-première ministre Chrystia Freeland avait déclaré, plus tôt jeudi, que l’objectif du gouvernement est de faire venir le plus rapidement possible les Afghans qui ont aidé chez eux le Canada et qui font maintenant face à de graves périls — eux et leurs proches.

Mme Freeland a répondu jeudi aux critiques après que le ministère de l’Immigration a publié un formulaire de demande que les Afghans admissibles devaient remplir dans les 72 heures — un délai qui a été assoupli plus tard.

De passage à Lakefield, en Ontario, la vice-première ministre a déclaré aux journalistes que son gouvernement souhaitait avancer « très, très rapidement » dans ce dossier. Elle assure que ce sentiment d’urgence est ce qui motive son approche, plutôt que toute tentative d’empêcher quiconque de venir au Canada.

La semaine dernière, son gouvernement a annoncé de nouvelles mesures d’immigration pour peut-être « plusieurs milliers » d’Afghans, y compris les interprètes qui ont travaillé avec les Forces armées canadiennes et avec le personnel actuellement ou précédemment en poste à l’ambassade du Canada — mais aussi la famille de ces Afghans.

Les mesures, bien que peu détaillées, font suite à une inquiétude croissante au sein de la communauté des anciens combattants au Canada depuis le retrait soudain des troupes américaines d’Afghanistan. Ce retrait a encouragé les talibans à intensifier leur offensive et à se venger de ceux qui avaient aidé les forces occidentales.

Les vétérans et les interprètes ont critiqué les nouvelles procédures d’immigration du Canada. Ils déplorent par exemple que la nouvelle demande, publiée en anglais, nécessite jusqu’à 10 numérisations de documents différents et requière le logiciel « Adobe Acrobat », dans un pays où le taux d’alphabétisation est faible et où le service internet est très inégal. Ils soutiennent aussi que des appels au bureau du ministre de l’Immigration ont été accueillis par un répondeur.

Ils se demandent par ailleurs si les membres de la famille élargie seront inclus dans cet effort d’immigration, car ils soutiennent que les talibans ciblent non seulement les conjoints et les enfants des interprètes, mais aussi leurs parents, frères et sœurs et autres proches.

Le chef conservateur Erin O’Toole a qualifié le délai de candidature de trois jours initialement accordé aux Afghans de « comble de l’hypocrisie et du mépris ».

« Les libéraux de Trudeau n’ont rien fait pendant des semaines et n’ont pas présenté de plan pour aider ces courageux Afghans – et maintenant, ils leur donnent trois jours pour sauver leur vie », a-t-il déclaré dans un communiqué.

« Les Canadiens et ces courageux Afghans en ont assez de l’incompétence des libéraux. Cette date artificielle fixée par le gouvernement Trudeau doit être immédiatement annulée. Les conservateurs du Canada pressent le gouvernement libéral de faire la seule chose qui s’impose – reporter l’échéance pour ces Afghans et leurs familles qui veulent venir au Canada. »

Émilie Simard, porte-parole du ministre de l’Immigration Marco Mendicino, a déclaré mercredi que le délai de 72 heures pour les demandes n’est pas un délai « ferme » et que les demandes en dehors de cette fenêtre seront toujours traitées.

« Nous avons également engagé du personnel de soutien pour aider les clients confrontés à des barrières linguistiques à soumettre leurs candidatures et à demander la documentation », a-t-elle ajouté.

Mme Freeland a souligné jeudi que le gouvernement ne tentait pas de restreindre le droit de ces personnes qui ont servi le Canada. « Ce sur quoi nous nous concentrons vraiment, vraiment, c’est de nous assurer que la logistique fonctionne et que ces braves gens aient la chance de venir au Canada, a-t-elle soutenu. Je suis sûr qu’ils feront de grands Canadiens. »

Elle a également déclaré que le sort des Afghans qui ont aidé le Canada lors de sa mission de combat dans ce pays est d’une importance personnelle pour elle, ancienne journaliste, dont le mari reporter est allé sur le terrain en Afghanistan. « Il y a eu beaucoup d’inquiétudes personnelles chez nous à ce sujet », a-t-elle dit.

« La ministre de la Couronne dit à toutes les personnes en Afghanistan qui ont travaillé pour soutenir le travail important que le gouvernement du Canada faisait là-bas : “nous sommes très, très reconnaissants pour votre travail et nous reconnaissons absolument la responsabilité que nous avons envers vous et vos familles”. »