Avant de parler des pesticides, le sujet du jour, Romain Rigal commence par parler… de l’amiante.

Il y a 50 ans, rappelle ce coordonnateur chez Parkinson Québec, ceux qui travaillaient avec l’amiante ont été parmi les premiers à faire bouger les choses. « Ils ont fait reconnaître tous les cancers reliés à l’amiante. C’était le premier pas », dit M. Rigal. « Ensuite, les écoles ont supprimé l’amiante de leurs murs, et aujourd’hui, la ville d’Asbestos change de nom et plus personne au Canada n’utilise l’amiante. Mais tout ça n’aurait pas pu se passer sans la reconnaissance au départ des maladies professionnelles. »

Et c’est exactement ce qui s’est produit mardi dans le cas des pesticides. Le ministre du Travail, Jean Boulet, a annoncé l’inclusion de la maladie de Parkinson provoquée par une exposition aux pesticides sur la liste des maladies professionnelles reconnues par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Les travailleurs agricoles, les agronomes, les horticulteurs et tous les autres travailleurs québécois qui doivent manipuler des pesticides seront dorénavant, à certaines conditions, indemnisés par la CNESST s’ils reçoivent un diagnostic de maladie de Parkinson.

L’inscription de la maladie de Parkinson à cette liste permettra « d’alléger le fardeau de preuve des travailleurs atteints de cette maladie », explique le ministre Jean Boulet en entrevue. Jusqu’ici, les travailleurs devaient se battre jusqu’au Tribunal administratif du travail pour démontrer que l’exposition aux pesticides dans le cadre de leur travail avait engendré l’apparition de la maladie de Parkinson. Le renversement du fardeau de la preuve leur permettra de simplifier les démarches et d’obtenir plus rapidement une indemnisation.

C’est notamment le cas pour Serge Boily, qui a reçu il y a deux ans un diagnostic de maladie de Parkinson. Pendant les années 1990 et 2000, l’homme de 55 ans a travaillé pour une entreprise d’entretien paysager de la région de Québec. « Herbicides, insecticides, glyphosate… », énumère-t-il au bout du fil. Le matériel de protection ? Inadéquat et mal utilisé.

PHOTO FOURNIE PAR SERGE BOILY

Serge Boily

À l’époque, on n’était pas conscients des dommages.

Serge Boily

Aujourd’hui, il a quitté l’entreprise et s’implique auprès de Parkinson Québec. « Le parkinson, c’est une maladie latente, dit-il. Elle est toujours à l’intérieur de toi avant de prendre le contrôle. »

Exclus des compensations

« C’est une agréable surprise », dit pour sa part l’agriculteur Serge Giard, de Saint-Hugues, en Montérégie, qui a reçu son diagnostic de maladie de Parkinson en 2015. L’ajout sur la liste des maladies professionnelles ne lui permettra cependant pas d’obtenir une indemnisation de la CNESST pour une raison simple : comme la majorité des producteurs agricoles, il n’a pas cotisé à la CNESST pendant ses années de travail à la ferme.

PHOTO PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

L’agriculteur Serge Giard a reçu son diagnostic de maladie de Parkinson en 2015.

Mais on espère que ça enverra un signal fort pour que les maladies causées par les pesticides soient mieux reconnues.

Serge Giard, agriculteur

Même chose pour Elizabeth McNamara, qui a exploité une ferme laitière pendant 30 ans dans la région de Gatineau. Son ancien conjoint et elle sont tous les deux atteints de la maladie de Parkinson, et comme ils ont seulement payé les cotisations de la CNESST pour leurs employés, ils n’ont pas droit aux indemnisations pour eux-mêmes. « Mais pour les autres, qui vont suivre après nous, ça sera plus facile. »

Le ministre Boulet souhaite d’ailleurs voir les agriculteurs adhérer à la CNESST pour profiter de la protection des travailleurs. L’Union des producteurs agricoles (UPA), quant à elle, voudrait voir les conditions d’adhésion adaptées aux producteurs agricoles. « En ce moment, 63 % des producteurs agricoles ne cotisent pas à la CNESST », dit Martin Caron, vice-président de l’UPA. « Les premiers travailleurs sur une ferme, ce sont les propriétaires. Et en ce moment, c’est très dispendieux d’adhérer au régime. »

D’autres maladies causées par les pesticides

La « liste des maladies professionnelles qui bénéficie d’une présomption » n’a pas été mise à jour depuis 1985. Le projet de loi 59, qui vise à moderniser le régime de santé et sécurité du travail, a fait l’objet d’auditions en janvier et en est présentement à l’étape de l’étude détaillée en commission parlementaire. Mardi, le ministre Jean Boulet a donc présenté une proposition d’amendement au projet de loi pour inclure la maladie de Parkinson provoquée par l’exposition aux pesticides sur la liste des maladies professionnelles.

Parkinson Québec et le groupe Victimes des pesticides Québec ont également réclamé, au cours de leurs représentations, que le lymphome non hodgkinien, la leucémie lymphoïde chronique et le myélome multiple soient aussi reconnus comme des maladies professionnelles associées à l’exposition aux pesticides, comme c’est d’ailleurs le cas en France.

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