(Québec) Le gouvernement Legault s’est fait accuser lundi, en cette journée internationale des femmes, de manquer de leadership et de sensibilité envers les femmes, en négligeant de s’attaquer véritablement au fléau de la violence conjugale.

Excédée d’avoir le sentiment de devoir encore et toujours prêcher dans le désert, la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes avait joint sa voix aux trois partis d’opposition pour lancer un cri du cœur au gouvernement, en dénonçant son apparente indifférence, qui se traduit par une incapacité toujours plus préoccupante de répondre aux besoins croissants des femmes violentées.

Les femmes victimes de violence conjugale sont de plus en plus nombreuses à se voir refuser l’accès à un hébergement d’urgence faute de place disponible, ce qui fut le cas pour pas moins de 10 000 femmes l’an dernier, a déploré en conférence de presse la présidente de la fédération, Manon Monastesse.

« C’est avec tristesse et colère que nous lançons encore une fois un cri du cœur au gouvernement », a dit cette dernière, notant un manque à gagner d’au moins 30 millions annuellement pour seulement consolider le réseau actuel d’hébergement.

L’an dernier, le gouvernement s’était engagé à verser 120 millions en cinq ans au réseau, dont 24 millions « en urgence ». Or, un an plus tard, seulement 5,5 millions ont été versés.

Elle note que cinq femmes ont été assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint au Québec depuis moins d’un mois, preuve que le phénomène des féminicides prend de l’ampleur. « Les femmes continuent de mourir parce qu’elles sont des femmes », a-t-elle déploré, ajoutant que le réseau des maisons d’hébergement avait soutenu l’an dernier 300 femmes ayant vécu une tentative de meurtre.

Alors que dans certaines régions les femmes violentées n’ont accès à aucun refuge actuellement, la fédération revendique du gouvernement un ajout de nouvelles places et de nouvelles maisons d’hébergement, et ainsi pouvoir mieux répondre aux besoins partout au Québec, et elle réclame un financement récurrent et stable du réseau comptant 36 maisons au total, celles offrant un séjour de courte ou de longue durée (un an ou deux).

« Combien vaut la vie de ces femmes violentées ? » aux yeux du gouvernement, s’est interrogée Mme Monastesse, préoccupée par le bris de services actuel.

Pour ces femmes, « c’est une question de survie », a plaidé la porte-parole libérale en condition féminine, la députée Isabelle Melançon, en dénonçant l’absence de leadership du gouvernement et de la ministre responsable, Isabelle Charest, et le fait que le gouvernement n’a pas créé une seule nouvelle place depuis son élection. « Actuellement, il y a un vide en condition féminine », selon la députée, qui juge que « cela commence à ressembler à de l’indifférence ».

Le manque de leadership du gouvernement en ce domaine est « flagrant », a renchéri la porte-parole solidaire, la députée Christine Labrie, un avis partagé par la députée péquiste Méganne Perry-Mélançon, qui elle a déploré le souci du gouvernement de dorer son « image » au lieu de passer à l’action.

« Excessivement fière »

En entrevue téléphonique, la ministre de la Condition féminine a tenu un tout autre discours. Elle explique la situation par le fait que le gouvernement actuel avait beaucoup de rattrapage à faire, en raison de nombreuses années de négligence des gouvernements antérieurs.

À propos du versement attendu depuis un an des sommes aux maisons d’hébergement, « il y a eu des délais, ça j’en conviens », a dit Mme Charest.

Elle soutient que l’enveloppe de 120 millions annoncée en mars 2020 constitue par ailleurs « un premier pas, mais je pense que c’est un premier pas majeur, si on compare à tout ce qui a été fait ces dernières années ». Cela représente un rehaussement de 30 % du financement de ce réseau, a-t-elle fait valoir.

« Cet effort-là me rend excessivement fière », a dit la ministre, qui soutient par ailleurs qu’il est faux de prétendre qu’aucune nouvelle place a été créée, alors que son gouvernement s’affaire à créer des places promises en 2015.