Des usagers déplorent le départ d’intervenants communautaires de l’Accueil Bonneau.

Le départ de nombreux intervenants de l’Accueil Bonneau ébruité la semaine dernière a suscité de vives réactions dans le milieu communautaire, mais avant tout auprès des usagers interrogés par La Presse sur place dimanche matin. La direction de l’organisme se défend d’avoir aboli des postes et affirme plutôt avoir remanié son personnel dans l’optique d’un « changement de stratégie ».

Mercredi dernier, 11 intervenants spécialisés déploraient leur mise à pied. Parmi ceux-ci, six employés permanents du centre de jour de l’Accueil Bonneau et cinq autres qui occupaient un poste temporaire à la halte-chaleur située au Grand Quai du Vieux-Port de Montréal. Le syndicat des employés, qui dénonçait que des gardiens de sécurité aient été embauchés en remplacement, a déposé une demande d’ordonnance devant le Tribunal administratif du travail (TAT), mercredi. Selon les informations transmises dimanche à La Presse, le tribunal a tranché en faveur de la direction.

« Il en faut de la sécurité, mais pas juste ça », déplore Gaëtan, un habitué rencontré aux abords de la confortable halte-répit à laquelle La Presse a eu accès dimanche. L’homme était inquiet à la vue de ces nouveaux visages vêtus d’uniformes de la firme Garda. Plusieurs de ses compatriotes ont eu des démêlés avec les forces de l’ordre ou de mauvaises expériences avec les gardiens de sécurité, explique-t-il.

« C’est difficile de s’adapter à ces changements quand on a nos habitudes », pense Jordan, à la recherche d’un logement supervisé depuis trois mois. Des troubles de santé mentale l’ont mené à la rue, confie-t-il.

Le jeune Cintan fait peu de cas de la situation, bien qu’il admette que la clientèle plus vulnérable peut être affectée. « C’est sécuritaire ici et il y a tous les services. On a accès au téléphone, à l’ordinateur. C’est un centre de jour, donc il y a moins de cas d’abus d’alcool ou de drogues, c’est tranquille », nuance-t-il en haussant les épaules, se disant bien entouré.

Des gardiens pour faire respecter les mesures sanitaires

Questionnée sur place, la directrice générale de l’Accueil Bonneau, Fiona Crossling, a nié avoir remplacé les intervenants par des agents et a parlé plutôt d’un « changement de stratégie. »

« On a réalisé après des sondages qu’on n’avait pas d’immenses besoins ici en matière d’intervention spécialisée. » Les gardiens sont présents depuis le début avant tout pour faire respecter les mesures sanitaires et non pour procéder à des interventions musclées, assure-t-elle.

Au total, cinq intervenants dotés de postes temporaires se retrouvent désormais sur la liste d’appel, admet-elle toutefois. La majorité des intervenants restants pourront être transférés à d’autres postes, notamment ceux concernant la recherche de logements adaptés pour éliminer l’itinérance chronique.

« Le besoin le plus criant de nos usagers, c’est de trouver un logement. On veut sortir les gens de la rue et ils doivent être accompagnés pour ça. Nos ressources sont axées sur ça. Nous avons déjà sorti six personnes de la rue depuis ce changement de stratégie », estime Mme Crossling.

Le froid mordant du week-end a poussé bien des sans-abri vers la halte-repos du Vieux-Montréal, où on retrouve une salle d’activités artistiques et une zone isolée pour les femmes.

Du personnel à l’entrée prend la température des visiteurs. En cas de symptômes, ils sont orientés vers une zone rouge. L’opération de vaccination doit d’ailleurs se poursuivre la semaine prochaine, indique la direction.

En fin d’après-midi, une centaine de personnes occupaient l’intérieur de la vaste salle entourée de gardiens de sécurité et d’une poignée de bénévoles. L’endroit ouvert en journée permet à environ 300 personnes par jour de se réchauffer.