La propagation de la COVID-19 s’accélère encore et encore à l’Établissement de Saint-Jérôme, en banlieue de Montréal. Une opération de dépistage massif sera prochainement lancée par les autorités régionales de santé publique pour limiter la transmission, a appris La Presse.

Selon les chiffres du ministère de la Sécurité publique (MSP), 45 détenus ont maintenant contracté le virus, soit 15 de plus par rapport à la veille. Chez le personnel, 17 employés ont été déclarés positifs, soit près de 50 % de plus en 24 heures. Selon nos informations, dix salariés du centre de détention ont aussi été retirés de leur milieu de travail pour se placer en isolement, par mesure préventive.

« Il y a toute une anxiété qui est liée à ça. On voit nos collègues tomber et plusieurs font davantage de temps supplémentaire. Depuis des années, on a un grand problème d’effectifs, mais là, on le sent encore plus », explique le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels (SAPSC), Mathieu Lavoie.

Devant l’urgence de la situation, la Direction régionale de la Santé publique (DRSP) des Laurentides a demandé le dépistage complet de l’établissement, qui compte environ 300 prisonniers. Tous les agents correctionnels étaient déjà invités à se faire tester, depuis le 5 janvier dernier. Le pavillon F, où l’éclosion initiale a débuté, est d’ailleurs complètement fermé. Les détenus de deux autres pavillons seront aussi testés.

La quantité d’absences maladie en ce moment est exponentielle. Ça explose depuis quelques mois. Ça augmente les tensions, c’est certain. Au Québec, 400 postes sont vacants dans les établissements.

Mathieu Lavoie, président du SAPSC

Si un grand nombre de cas sont apparus soudainement, c’est parce qu’un mot d’ordre aurait circulé parmi certains détenus de ne pas prévenir les autorités si jamais des symptômes de la COVID-19 apparaissaient chez l’un d’eux, tout ça dans le but d’éviter d’être isolé en cellule durant 14 jours. Cela signifie que plusieurs agents correctionnels ont travaillé sans savoir que des détenus présentaient des symptômes. Ils pourraient donc avoir contaminé des collègues d’autres secteurs de la prison sans en être conscients.

Québec surveille la situation

Des discussions ont lieu actuellement entre le syndicat, les différents établissements et le ministère de la Sécurité publique (MSP) afin de trouver des solutions rapides et immédiates. « On évalue notamment quel soutien peut être amené par d’autres établissements qui sont dans le même réseau correctionnel que Saint-Jérôme », indique M. Lavoie.

La réalité est que de contrôler les éclosions en milieu carcéral n’est pas une tâche facile, rappelle le porte-parole syndical. « Il y a des protocoles, comme les fouilles des détenus, qu’on ne peut pas balayer du revers de la main en attendant que la pandémie finisse. Sinon, d’autres problématiques vont se développer à l’intérieur, on le sait », raisonne-t-il.

Québec rappelle qu’un « système de gradation des mesures de prévention » contre la COVID-19 est en place, adapté au « niveau d’alerte » de chaque région.

« Ce système comprend des mesures applicables en fonction des catégories de zones mises en place dans les établissements de détention (admission/transition, zones froides, tièdes ou chaudes) ou d’activités spécifiques (ex. : comparutions, transferts, visites, audiences, réception des biens personnels, évaluation et suivi des personnes contrevenantes) », informe une porte-parole du ministère, Marie-Josée Montminy.

Pour Mathieu Lavoie, une réflexion « post-mortem » sera nécessaire dans les prisons, au sortir de la pandémie. « L’infrastructure a été mise à mal dans les dernières années. On a plus de détenus, mais on n’a pas agrandi. Aussi, nos membres ne sont pas habitués de travailler avec les équipements de protection. Ça ne fait pas partie de nos plans de mesures d’urgence, qui étaient déjà désuets d’ailleurs », conclut-il.

Dans le milieu carcéral, l’Établissement de Saint-Jérôme n’est pas le premier à combattre une éclosion de la COVID-19. D’autres sont aussi survenues à l’Établissement de Montréal (Bordeaux), où plus d’une dizaine d’employés auraient été déclarés positifs dans les derniers jours. Lors de la première vague, une éclosion avait touché 80 détenus dans cet établissement. Des cas ont aussi été répertoriés chez des prisonniers à Hull, Trois-Rivières ou encore Percé.

– avec Daniel Renaud, La Presse