La présence des vélos-cargos dans les grandes villes est sans doute l’une des plus belles initiatives urbaines des dernières années. Il faut absolument multiplier ces vélos électriques qui assurent la livraison de colis. Il faut aussi apprendre à les côtoyer dans les rues.

À Montréal, le projet de vélos-cargos, baptisé Colibri, est accompagné par l’OBNL Jalon. Au total, six entreprises dynamiques font partie de ce regroupement.

Trois entreprises (Purolator, Livraison Vélo Montréal (LVM), SOS Courrier) utilisent les locaux de l’ancienne gare d’autocars Berri, à l’angle du boulevard De Maisonneuve et de la rue Saint-Hubert. Les trois autres entreprises (Courant Plus, La roue libre, Chasseurs Courrier) utilisent leur propre adresse et complètent l’écosystème.

J’ai rencontré des représentants du projet Colibri la semaine dernière. Tous poursuivent le même objectif : réduire la présence des camions dans les rues de Montréal. On ne peut qu’applaudir à cela.

Ce n’est pas normal, en 2020, de voir autant de poids lourds circuler dans les rues mi-commerciales, mi-résidentielles de la métropole. Je ne comprends pas que les grandes chaînes de supermarchés ou de pharmacies (et que dire des camions qui assurent la livraison de la bière) ne revoient pas leurs méthodes de livraison avec des véhicules moins imposants.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le service de livraison par vélos-cargos Colibri s’est installé dans l’ancienne gare d’autocars Berri, à l’angle du boulevard De Maisonneuve et de la rue Saint-Hubert.

Et je ne comprends pas non plus pourquoi l’administration actuelle, dont la protection de l’environnement est la colonne vertébrale du programme, n’agit pas plus promptement. Nous sommes de toute évidence prêts pour une réglementation plus stricte afin d’éliminer ces poids lourds qui détruisent les chaussées et mettent la vie des piétons et des cyclistes en danger.

Bref, le déploiement des vélos-cargos est un premier pas important dans cette guerre aux camions.

Cet univers est en train de changer. À l’ère du commerce en ligne, il faut agir. On observe une augmentation importante de boîtes par rapport aux enveloppes. Tout cela ne peut pas être transporté uniquement par des camions.

Mickael Brard, conseiller en mobilité urbaine chez Jalon

Tous les matins, plusieurs dizaines de livreurs quittent leur entrepôt et sillonnent les rues de Montréal sur leur vélo ou leur triporteur électrique. « Notre objectif est d’avoir une centaine de livreurs bientôt », dit Mickael Brard.

Ces véhicules légers peuvent transporter une incroyable variété d’articles. Le matin de ma visite, j’ai vu un téléviseur grand format partir en triporteur. LVM a trouvé un créneau très particulier : la livraison et le transport de couches. « Nous avons une trentaine de clients, dit Joffrey Fuzet, directeur général de LVM. Tous les mardis et vendredis, nous livrons des couches propres et reprenons les autres qui sont souillées. »

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Tous les matins, plusieurs dizaines de livreurs quittent leur entrepôt et sillonnent les rues de Montréal sur leur vélo ou leur triporteur électrique.

On entend souvent l’expression « système de livraison du dernier kilomètre » pour désigner les vélos-cargos. Mais en réalité, c’est plus que cela. « Nous parcourons beaucoup plus qu’un kilomètre, ajoute Mickael Brard. On s’est rapidement rendu compte que ces vélos-cargos sont agiles et efficaces. Ils peuvent se garer partout sans gêner la circulation. Les clients ont compris ça. »

Les clients sont les entreprises qui ont recours à ces vélos-cargos pour assurer la livraison de leurs colis. Ce sont elles qu’on doit convaincre des bienfaits des vélos-cargos. Mais le facteur qui pourrait faire grandir ce mode de livraison est le pouvoir que les consommateurs ont entre les mains.

« Pour le moment, les gens qui commandent des articles ne peuvent pas choisir le mode de livraison, explique Mickael Brard. On aimerait qu’ils aient cette option. Ainsi, les gens pourraient exiger que leur colis soit livré par vélo-cargo électrique. Ça changerait beaucoup de choses. »

On pourrait croire que ce système de livraison est conçu uniquement pour les petites entreprises. Pas du tout ! Il peut devenir une solution très intéressante pour d’importants acteurs comme Purolator, véritable leader dans le domaine.

Le matin de mon passage, j’ai assisté au dépôt des colis provenant d’un des trois grands centres de distribution que possède Purolator dans la région montréalaise. « Il y a environ 17 000 colis qui transitent tous les jours à notre centre à Anjou, explique Christian Couture, coordonnateur de la section de vélos-cargos chez Purolator. De cela, environ 700 items sont distribués quotidiennement avec nos triporteurs électriques. Notre objectif est bien sûr de faire augmenter ce nombre. »

Purolator annoncera bientôt de nouveaux projets en matière de livraison urbaine écologique pour les villes de Toronto et de Montréal.

Les vélos électriques qui servent à la livraison sont munis de remorques conçues parfois avec les moyens du bord. Pour ce qui est des triporteurs électriques, comme ceux qu’utilise Purolator, ils sont fabriqués en Europe (Allemagne et Scandinavie) et distribués par les États-Unis pour le marché nord-américain.

« Nous avons un premier ministre qui aimerait que le Québec devienne autonome pour effectuer son virage écologique, dit Mickael Brard. On n’arrive pas à fabriquer ce genre de véhicules chez nous. On ne reçoit pas non plus de subventions pour leur achat. »

Les triporteurs munis d’une boîte-remorque coûtent environ 25 000 $. Ils ont une force impressionnante qui permet le transport de plusieurs colis. Ces véhicules utilisent très souvent les pistes cyclables pour circuler dans la ville.

Il est à parier que leur nombre montera en flèche au cours des prochaines années. Tant mieux. D’ici là, dites-vous que chaque fois que vous verrez un vélo-cargo dans les rues, cela voudra dire des camions en moins dans la ville.

Archéologie urbaine

J’ai profité de ma visite à l’ancienne gare d’autocars Berri pour aller fouiner dans l’ancien restaurant Deli abandonné depuis 2011. Je m’attendais à un local vide et sale. Quelle ne fut pas ma surprise de voir que tout est demeuré intouché.

En pénétrant dans ce lieu, j’ai eu l’étrange impression que les employés venaient de quitter les lieux. Ici, des paniers à friteuse empilés. Là, des pots de concombres non ouverts. Plus loin, des publicités de hot-dog. Les tables, les tabourets, le comptoir devant lequel on circulait avec notre plateau… Tout est demeuré en place.

J’en avais la chair de poule. On aurait dit une version delicatessen de Pompéi.

On m’a confié que l’organisme Atelier Entremise, chargé de faire vivre ce bâtiment en attendant qu’on lui confère une nouvelle vocation, a comme mission de créer un projet pour l’ancien Deli.

Chez Atelier Entremise, on n’a pas voulu m’en dire davantage. Mais je me disais que l’endroit ferait un très bon restaurant communautaire pour la clientèle défavorisée de ce quartier. Tout est déjà en place.

À bon entendeur !