(Toronto) Les règles appliquées par le Canada concernant la détention de ressortissants étrangers ne pouvant pas être déportés rapidement sont constitutionnelles, a tranché la Cour d’appel fédérale. Le tribunal a rejeté l’argument selon lequel la durée de la détention devrait être limitée dans les dossiers d’immigration comme c’est le cas dans les procès criminels.

Dans le jugement publié cette semaine, la Cour d’appel fédérale confirme la décision précédente de rejeter la contestation constitutionnelle déposée par Alvin Brown, un homme ayant été détenu cinq ans au Canada avant d’être déporté en Jamaïque.

Alvin Brown, atteint de schizophrénie, a été dépouillé de sa résidence permanente à la suite d’une série de condamnations principalement liées aux stupéfiants et aux armes à feu. Il a été placé en détention en 2011, en attendant sa déportation, parce qu’il a été jugé dangereux pour la sécurité du public et à risque de fuir la justice.

Toutefois, la Jamaïque a longtemps refusé de fournir les documents de voyage nécessaires, forçant M. Brown à demeurer incarcéré en Ontario jusqu’en 2016 au moment de sa déportation.

Lors de l’audience d’appel, ses avocats ont plaidé que le régime fédéral de détention dans les affaires d’immigration viole plusieurs articles de la Charte canadienne des droits et libertés, dont ceux portant sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité ainsi qu’à ne pas être détenu de manière arbitraire.

Ils ont soulevé la jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Jordan, qui limite la durée pour la tenue d’un procès criminel, et ont réclamé des balises similaires en immigration.

Les avocats d’Alvin Brown ont suggéré au tribunal qu’une limite de six mois de détention avant la déportation serait raisonnable. Un groupe de défense des droits de la personne ayant obtenu le statut d’intervenant a plutôt proposé une limite de trois mois.

La Cour d’appel fédérale a cependant rejeté leurs arguments, affirmant que les raisons ayant poussé la Cour suprême à imposer de telles balises au système judiciaire étaient bien différentes de celles soulevées en matière d’immigration.

Le juge Donald J. Rennie, qui a rédigé la décision au nom du panel de trois magistrats, souligne que si les gouvernements contrôlent tous les paramètres nécessaires au respect des délais de la justice en matière criminelle, ce n’est pas le cas en matière d’immigration.

« La déportation peut être bloquée par des troubles politiques dans le pays de destination », a-t-il noté. Il a également cité les délais reliés aux difficultés d’identification et aux documents de voyage parfois nécessaires dans plusieurs États.

Le juge Rennie conclut que l’arrêt Jordan ne vient pas infirmer une précédente décision de la Cour suprême déterminant que la détention prolongée d’une personne en attente de déportation ne viole pas la charte tant que les raisons justifiant cette incarcération sont régulièrement réévaluées.

La Cour suprême du Canada a refusé d’entendre la cause d’Alvin Brown.