Des citoyens dénoncent l’abattage de milliers d’arbres à leur insu dans l’une des dernières forêts urbaines de Laval pour aménager un corridor réservé aux autobus dans la foulée des travaux du REM. La coupe à blanc a eu lieu sur une distance d’environ 4 kilomètres, près de la gare Sainte-Dorothée, le long d’un sentier pédestre reconnu pour son milieu humide, là où diverses espèces se côtoient en été, dont des oiseaux de proie.

Sur les lieux, de gigantesques troncs d’arbres, dont des restes de peupliers, sont encore empilés. Les gens du secteur affirment que la déforestation a eu lieu sans préavis sur la nature des travaux, des échéanciers, de l’impact sur le patrimoine naturel, la faune ou la flore. Ils déplorent un manque de transparence du ministère des Transports et de la Ville de Laval.

« C’est pitoyable. On semble avoir profité de la pandémie pour agir en catimini. On détruit notre forêt sans nous consulter. Il n’y a pas eu de pancartes, de consultations, ni rien. C’est broche à foin. Selon moi, les voies d’accotements auraient pu être réalisées sans tout abattre », s’insurge Jonathan Tremblay, qui a formé une coalition citoyenne.

À la Ville de Laval, on admet ne pas avoir informé les citoyens de l’abattage dans une lettre transmise à la mi-janvier au sujet des travaux sur l’avenue des Bois, entre Arthur-Sauvé et la montée Champagne.

« À ce moment-là, nous n’avions pas toutes les informations, notamment sur la coupe d’arbres et sur les largeurs requises pour les autobus », se défend Nicholas Borne, conseiller municipal responsable du dossier. Il précise que son administration a reçu tous les « permis et autorisations » avant de procéder à la coupe.

  • PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

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« Le peu d’espace de dégagement se trouvant du côté sud de l’avenue des Bois aurait impliqué une série d’expropriations. Il a été décidé de déboiser du côté nord considérant l’emprise des terrains du ministère des Transports (MTQ) », fait valoir M. Borne.

Christian Messier, professeur en biologie et expert en foresterie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), estime pour sa part que la coupe « apparaît très forte par rapport au besoin. »

« Souvent, les ingénieurs qui planifient des travaux le font pour se faciliter la vie sans trop se soucier de minimiser la coupe le plus possible. Je dirais que l’on ne respecte pas encore assez l’arbre et les milieux naturels dans et autour de nos villes. On perçoit la nature comme un milieu à développer pour s’enrichir au lieu de comprendre que la nature fournit du bien-être direct et indirect, ce que l’on appelle les services des écosystèmes. »

Interpellés par le voisinage, des experts du Réseau Canopée de Laval se sont rendus sur les lieux pour constater l’étendue de la déforestation. La partie la plus précieuse de la forêt n’a toutefois pas été touchée, affirme Carole Garceau, biologiste au Réseau et résidante du secteur.

« Chaque arbre coupé est un drame, ça fait mal au cœur, a dit Mme Garceau. Je présume qu’il y avait quelques gros peupliers. Cela dit, le noyau forestier le plus précieux est situé plus au sud, et on va s’assurer qu’il ne soit pas touché », a-t-elle ajouté.

Lundi, l’Assemblée nationale du Québec a approuvé la mise en ligne d’une pétition réclamant la sauvegarde de la forêt urbaine Sainte-Dorothée avec une évaluation des dommages environnementaux effectuée par des experts.

Sans être à même d’en dévoiler les détails, la Ville de Laval assure qu’un ambitieux plan de reboisement est prévu. Au total, on promet la replantation de plus de 3500 arbres et plus de 5000 arbustes. La Ville soutient qu’une portion de la forêt était menacée par l’agrile du frêne.

Arbres matures

Au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, on explique que l’abattage n’a pas eu lieu sous la supervision d’experts de la faune et de la flore. Dans un courriel, la direction des communications a précisé que l’abattage autorisé comprenait la coupe d’arbres sains d’un diamètre de plus de 15 cm.

« Un suivi sera effectué afin de s’assurer que les interventions ont été réalisées conformément à l’autorisation émise », ajoute la direction des communications.

Lors de la prochaine séance du conseil municipal de la Ville de Laval, prévue le 5 mai, un groupe de résidants a l’intention de se faire entendre malgré les règles de confinement. Ils dénoncent la destruction de ce qui aurait pu devenir un grand jardin botanique naturel dans l’ouest de Laval.

Le bois Sainte-Dorothée est reconnu pour ses marais, un marécage forestier, une prucheraie, des friches et des caps rocheux. Il est situé en territoire agricole, sur la ligne d’une zone résidentielle. Avant le projet du REM, cette forêt était désignée pour son potentiel récréotouristique en complément de l’agriculture urbaine.

Les travaux

L’ARTM a mandaté la Ville de Laval pour assurer la conception et la réalisation des infrastructures sur toute l’avenue des Bois, entre Jolibourg et la montée Champagne. Des travaux sont également prévus sur l’autoroute 440 pour intégrer de la signalisation et déplacer les glissières. La Ville de Laval indique que la voie réservée sera préservée après la mise en service du REM, et ce, de façon permanente, à l’usage de la Ville et de la Société de transport de Laval.