L’Université de Montréal (UdeM) maintient qu’elle n’est pas responsable du fait que d’ex-employés ont développé des maladies liées à l’amiante et demande la révision de deux décisions récentes de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) suggérant le contraire.

L’approche de l’établissement est dénoncée par le Syndicat général des professeurs de l’UdeM, qui déplore le manque de transparence et de coopération de la haute direction relativement à la gestion du controversé produit.

« Leur attitude nous désole énormément. On a l’impression que l’université ne prend pas ça au sérieux, que la santé de la communauté universitaire ne les préoccupe pas », déplore en entrevue la présidente du syndicat, Audrey Laplante.

L’UdeM a demandé début novembre que soit révisée une décision de la CNESST relative au cas d’un professeur retraité, Jean Renaud, qui souffre d’un mésothéliome, un cancer rare associé à l’exposition à l’amiante.

La CNESST a reconnu en septembre que la maladie de M. Renaud était d’origine professionnelle. Un rapport d’enquête d’hygiène de travail relève qu’il a été exposé directement à des poussières et des fibres d’amiante durant ses années de travail au pavillon Lionel-Groulx.

M. Renaud s’est dit « profondément choqué » de la demande de révision mise de l’avant par l’UdeM, qui évoque des délais dans l’acheminement de documents de la CNESST à l’appui de sa démarche.

« À mes yeux, la décision est claire et le dossier devrait être clos. […] L’université dit qu’elle aime ses professeurs, qu’elle veut prendre soin d’eux », mais elle fait tout pour que les choses « traînent », déplore le professeur retraité, qui a dû séjourner récemment à l’hôpital en raison de la détérioration de son état de santé.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Jean Renaud, en 2019

Une demande de révision a aussi été déposée dans le dossier d’Yves Charland, un ex-informaticien de l’UdeM mort en novembre 2019, quelques semaines à peine après avoir reçu un diagnostic de mésothéliome.

La CNESST avait conclu l’été dernier que la maladie était liée à son travail comme informaticien au pavillon Roger-Gaudry, qui était isolé à l’amiante. L’UdeM maintient pour sa part que la décision était « mal fondée en faits et en droit ».

La conjointe de M. Charland, Normande Corbin, se dit aussi choquée par la décision de l’université et promet de poursuivre ses démarches pour forcer les dirigeants de l’établissement « à assumer leurs responsabilités ».

M. Renaud n’est malheureusement pas en très bonne santé, mais moi, je le suis et je vais continuer à me battre aussi longtemps qu’il le faudra.

Normande Corbin

Deux autres ex-employés de l’UdeM souffrant de mésothéliome se sont retrouvés devant la CNESST par le passé.

Une ex-secrétaire, Sandra Ohayon, a vu sa demande rejetée, mais a parallèlement obtenu une somme substantielle de fonds d’indemnisation américains mis sur pied par des firmes ayant vendu des produits à base d’amiante au Canada.

L’UdeM a contesté par ailleurs avec succès une autre décision de la CNESST rendue dans le cas d’un ancien concierge.

Le syndicat des professeurs indique avoir effectué plusieurs démarches auprès de la haute direction depuis un an pour obtenir des éclaircissements sur la situation à l’UdeM relativement à l’amiante.

L’établissement, déplore Mme Laplante, refuse notamment de faciliter les consultations d’un registre détaillant la présence d’amiante dans les immeubles.

Le syndicat a demandé par ailleurs sans succès qu’une firme externe soit embauchée pour établir un état de situation quant à l’amiante et la qualité de l’air.

« Il y a une incrédulité générale quant au manque de collaboration. Tout ça inquiète énormément nos membres », relève Mme Laplante, qui dit se préoccupée pour sa propre santé.

« Je travaille deux étages sous les bureaux où travaillait M. Renaud. Il y avait, tout comme dans son cas, des tuiles acoustiques et des tuiles de vinyle au plancher contenant de l’amiante », relève la dirigeante syndicale, qui s’alarme du fait que des travaux générant beaucoup de poussière ont eu lieu sans qu’il soit possible de savoir si elle représentait un risque pour la santé.

Le rapport d’enquête d’hygiène du travail préparé dans le dossier de M. Renaud fait état des critiques d’un professeur retraité en 2009 qui travaillait au pavillon Lionel-Groulx. Il dit avoir fait acheter un aspirateur en 2007 par son département pour lui et ses collègues en raison de l’entretien « très médiocre » des lieux.

L’université répète dans ses communications avec le personnel et les étudiants qu’elle « prend très au sérieux » les enjeux soulevés par l’exposition à l’amiante et soutient qu’elle a pris des « mesures strictes » pour s’assurer de la santé et de la sécurité des occupants des immeubles dès que les effets néfastes du produit ont été « documentés et reconnus dans les années 90 ».

La porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara, a réitéré à la fin de la semaine dernière ces assurances dans un courriel transmis à La Presse en ajoutant que l’établissement « améliore en continu son programme de gestion des matériaux contenant de l’amiante ».