Montréal est la capitale québécoise de la pauvreté chez les enfants. Malgré des progrès réalisés au cours des dernières années, la faim, le décrochage scolaire et la violence faite aux femmes font aussi partie du visage du Grand Montréal.

C’est ce qui ressort d’un rapport produit par l’Institut du Québec à la demande de la Fondation du Grand Montréal, qui fête ses 20 ans cette année. Le document de 80 pages, obtenu par La Presse, propose un portrait de l’évolution de la métropole de 2000 à 2019, basé sur les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.

Bien qu’il ait été terminé en février, avant l’apparition de la COVID-19 à Montréal et ailleurs au Québec, le rapport pourra contribuer à mieux mettre en priorité les populations vulnérables et les zones de fragilité dans la sortie de crise, croit Yvan Gauthier, président-directeur général de la Fondation.

« Ce qui se dégage de la COVID illustre les choses qui étaient déjà latentes dans le document, souligne-t-il. Les choses qu’on va peut-être retrouver dans les deux prochaines années, ce sont les forces de Montréal et les faiblesses qu’on aura déjà identifiées dans le rapport. »

« Virage social »

Au cours des 10 dernières années, Montréal a enregistré une croissance économique vigoureuse. Ce virage a contribué à l’amélioration des conditions de vie en général, mais il n’a pas permis de régler les problèmes sociaux. On note une baisse de la pauvreté, mais certains secteurs de la ville ont une plus grande concentration de pauvres.

En 20 ans, le nombre de paniers de provisions distribués par les banques alimentaires a doublé, et le taux d’insécurité alimentaire atteint 13,6 % de la population.

« Ce ne sont pas toutes les couches de la population qui ont pu profiter de la croissance économique, explique Yvan Gauthier. La COVID-19 a fait ressortir l’enjeu de l’insécurité alimentaire chez les plus vulnérables de notre société. Autant il y a eu un virage économique, autant il faut faire un virage social pour construire une société plus résiliente. »

Montréal est effectivement la région la plus pauvre du Québec. C’est aussi ici qu’on retrouve les quatre circonscriptions fédérales ayant le plus haut taux d’enfants issus de familles à faible revenu au Québec : Ville-Marie–Le Sud-Ouest–Île-des-Sœurs (38,1 %), Bourassa (32,9 %), Saint-Léonard–Saint-Michel (31,9 %) et Papineau (29,1 %).

À l’opposé, la banlieue montréalaise affiche des taux de pauvreté infantile parmi les plus bas du Canada.

Décrochage

Autre problème : le taux de décrochage, plus élevé à Montréal que dans l’ensemble de la province. Il était de 15,9 % pour l’année scolaire 2016-2017 dans la métropole, contre 13,1 %, dans tout le Québec.

Selon le rapport, 68,8 % des élèves obtiennent leur diplôme d’études secondaires ou une qualification en cinq ans dans le réseau public dans le Grand Montréal. Ce pourcentage est nettement plus faible dans les commissions scolaires de la Pointe-de-l’Île (60,9 %) et de Montréal (60 %).

Les élèves montréalais sont aussi moins nombreux, dans l’ensemble, à décrocher leur diplôme dans les délais normaux.

« Après sept ans, on réussit à raccrocher plusieurs élèves. Mais quand on regarde le décrochage dans les délais normaux [cinq ans], c’est encore un taux qui est supérieur aux autres métropoles canadiennes », observe M. Gauthier.

Crimes envers les femmes

Un autre enjeu est les crimes envers les filles et les femmes. Le taux de filles de moins de 18 ans victimes de violence familiale est de 368 par 100 000 habitants à Montréal, contre moins de 200 à Ottawa, Toronto et Vancouver.

« Ce sont des chiffres qui nous ont surpris, admet Jean-Guy Côté, directeur associé de l’Institut du Québec. On ne pensait pas qu’on se classait aussi bas dans cette réalité-là. Il reste encore beaucoup de travail à faire sur ce sujet. »

Les pourcentages d’agressions sexuelles déclarées par la police ont augmenté après le mouvement #metoo, à l’automne 2017. Parmi les quatre plus grandes métropoles, Montréal affichait le taux de violence entre partenaires déclarée par la police le plus élevé chez les femmes comme chez les hommes.

« On a des chiffres, mais on n’a pas de détails, constate Yvan Gauthier. Il y a tellement peu de données. D’ailleurs, ça, c’est un élément qui est ressorti durant la crise de la COVID-19 : la difficulté à avoir des données. C’est pour ça qu’on s’est fait le devoir de publier les signes vitaux de Montréal, malgré le manque de données. On veut donner un portrait, même s’il est partiel, et susciter une conversation dans la communauté. »

La Fondation en bref

La Fondation du Grand Montréal fait partie d’un réseau de 191 fondations communautaires au Canada, qui gèrent plus de 5 milliards d’actifs. « Cela permet aux gens qui veulent faire de la philanthropie de créer des fonds à l’intérieur de la Fondation pour éviter les soucis administratifs », explique son PDG Yvan Gauthier. Pour soutenir financièrement les organismes touchés par la pandémie, la Fondation prévoit d’ailleurs distribuer près de 8 millions en subventions.