C’était comme si les femmes de Montréal s’étaient donné rendez-vous au Centre Bell, vendredi, pour venir entendre Michelle Obama, en tournée de promotion de son autobiographie, Devenir — un livre à succès qui, avec un tirage de 10 millions et des traductions dans une trentaine de langues, fracasse tous les records du genre.

Des gradins les plus éloignés jusqu’au parterre, pour lequel les billets les plus chers se vendaient 200 $, les rares hommes tranchaient avec le public largement féminin.

« Michelle Obama est une rock star », s’est exclamée Rachel Léger, une jeune sexagénaire pour qui l’ancienne première dame des États-Unis représente « une femme de conviction, une Noire d’un milieu modeste qui est partie de rien et qui, aujourd’hui, est une source d’espoir ».

Pour Michelle Hutchinson, Montréalaise originaire de Trinidad venue entendre son illustre homonyme avec sa fille Omega, Michelle Obama est « une femme forte, moderne, intelligente ».

« Pour nous, les femmes noires, c’est un modèle extraordinaire, une inspiration. » — Michelle Hutchinson, Montréalaise originaire de Trinidad, qui a assisté à la conférence

« C’est un bon exemple pour mes filles », a confié Rosita Woodward, Montréalaise originaire des îles Saint-Vincent-et-les-Grenadines.

Trois mois après avoir attiré 10 000 personnes au Palais des congrès de Montréal, Michelle Obama a rempli les 15 000 sièges du Centre Bell. Il s’agit du plus large public de sa tournée de 21 villes en Europe et en Amérique du Nord, qui l’a menée de Paris à Amsterdam, et qui se poursuit aujourd’hui à Toronto et se termine le 12 mai à Nashville, dans le Tennessee.

Dans l’assistance, vendredi soir, il y avait aussi Jill Walker et Mavis Agnew, deux enseignantes de Lake Placid, dans l’État de New York, qui ont voyagé jusqu’à Montréal, l’endroit le plus proche, pour elles, pour entendre Michelle Obama.

« Pour moi, a dit Jill Walker, elle représente l’espoir dans un moment politiquement difficile. Elle rappelle que les choses peuvent changer du jour au lendemain, pour le pire, mais aussi pour le meilleur. »

C’est justement sur une note d’espoir, en affirmant que « le monde est bon », que Michelle Obama est entrée en scène, pour une conversation décrite comme « intime » avec Valerie Jarrett, ancienne conseillère de Barack Obama et grande amie du couple.

D’entrée de jeu, celle-ci a rappelé l’entrevue qu’elle avait faite avec la jeune avocate Michelle Robinson, en 1991, pour un emploi à la mairie de Chicago — entrevue durant laquelle sa future employée a pris les rênes de la conversation pour poser ses propres questions.

La conversation a suivi chronologiquement les thèmes abordés par Michelle Obama dans son récit, de son enfance dans une famille ouvrière, auprès d’un père malade, à ses doutes sur la manière d’élever ses filles à la Maison-Blanche, en passant par son ascension dans une firme d’avocats. Les femmes ont aussi discuté du besoin de Michelle Obama de sortir de cette tour de verre, de sa rencontre avec Barack Obama, qui a eu l’audace d’arriver en retard à son entrevue d’embauche, de leurs difficultés conjugales, de ses problèmes de fertilité et des turbulences de la vie politique, qui l’a exposée aux insultes et aux stéréotypes raciaux dès les primaires démocrates — en se faisant notamment traiter de « singe en talons hauts ».

« Comme j’ai été stupide de penser que j’en serais épargnée », a-t-elle confié vendredi.

La conversation de 90 minutes a pris par moments l’allure d’une leçon de vie adressée aux jeunes en général, et aux jeunes femmes en particulier. 

Mme Obama leur a conseillé de ne pas laisser les autres prendre de décisions à leur place, d’écouter leur propre voix, de suivre leur passion, de ne pas avoir peur de prendre des risques ou d’échouer et de ne pas se laisser emporter par la colère pour ne pas risquer de perdre de vue leurs objectifs à long terme.

« J’ai un mariage formidable, mais il y a eu des hauts et des bas, et les jeunes couples doivent savoir qu’il peut y avoir des années où vous avez envie de balancer votre mari par la fenêtre », a-t-elle raconté, ce qui a provoqué des rires dans l’assistance.

L’entretien a privilégié la vie privée aux dépens de la politique, que Michelle Obama n’a pas abordée, sauf peut-être très indirectement, en évoquant le fait que « le monde semble frustrant et plein de confusion », que « nous avons peur des gens qui sont pourtant juste comme nous », et qu’aucun héros ne nous en sauvera. Surtout pas elle, qui n’a aucunement l’intention de se présenter à la présidence, comme elle l’a réitéré vendredi.

Il faut dire que Michelle Obama, considérée comme l’une des 100 personnes les plus influentes de la planète, a d’autres chats à fouetter. Le couple Obama vient entre autres de signer une entente avec Netflix pour la production de sept films et séries documentaires, dont l’une inspirée du livre The Fifth Risk, de Michael Lewis, sur l’expérience des fonctionnaires travaillant sous les ordres de patrons choisis par Donald Trump.

Les Obama, dont la fortune, que nourrissent notamment des conférences comme celle de vendredi, est estimée entre 40 et 135 millions US, ne sont pas près de la retraite.