(SAINTE-MARTHE-SUR-LE-LAC ET QUÉBEC) Les sinistrés de Sainte-Marthe-sur-le-Lac attendent toujours que le gouvernement décide s'ils pourront reconstruire leur maison. « Pour l’instant, c’est prématuré », a réitéré hier le premier ministre Legault. Pendant ce temps, la confusion règne autour d’une ou de plusieurs possibles actions collectives...

Déterminés à reprendre un semblant de vie normale, les sinistrés de Sainte-Marthe-sur-le-Lac s’expliquent mal l’hésitation du premier ministre François Legault, qui a déclaré hier que son gouvernement n’a pas encore décidé s’il reconstruira la digue qui a cédé, provoquant l’inondation du tiers de la superficie de la municipalité.

« C’est impensable de ne pas reconstruire la digue, explique Marcel Lefebvre, rencontré hier devant sa maison sinistrée de la 30e Avenue. Pourquoi sacrifier tout un quartier parce qu’une digue a été mal faite ? Construisez-la aux normes modernes, c’est tout ce qu’on demande. »

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Marcel Lefebvre

M. Lefebvre note n’avoir jamais eu d’inondation sur son terrain en 22 ans. « C’est triste que ce soit arrivé, mais on ne veut pas partir. On veut rebâtir. »

Plus loin, ses voisins Rita Houle et Bernard Meunier sont du même avis. 

« Ils nous donneraient quoi pour notre maison ? Des peanuts ? Ce n’est pas ça qu’on veut. On demande juste que les choses soient bien faites, bien entretenues. » — Rita Houle, résidante de Sainte-Marthe-sur-le-Lac dont le sous-sol a été ruiné par l’inondation du 27 avril

Hier, le premier ministre a jugé « prématuré » de promettre aux sinistrés qu’ils pourront rebâtir leur maison, comme l’a fait la mairesse de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

Le premier ministre a formé, la semaine dernière, un comité interministériel chargé de déterminer la suite que son gouvernement donnera aux inondations printanières. Ce groupe s’attaquera en « priorité » au cas de Sainte-Marthe, où la rupture d’une digue a forcé à elle seule l’évacuation de 6000 résidants.

Colmatage terminé

La Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac a annoncé lundi que l’opération de colmatage de la brèche était terminée. L’eau qui se trouve toujours dans les quartiers résidentiels sera évacuée dans les prochains jours.

Selon le quotidien Montreal Gazette, la mairesse Sonia Paulus a promis aux sinistrés qui ont perdu leur maison qu’ils pourront la reconstruire. Elle mise sur la construction d’une nouvelle digue, plus haute et plus résistante, pour protéger ces habitations.

« Pour l’instant, c’est prématuré », a répondu François Legault hier.

Le premier ministre a assuré que son gouvernement ne tardera pas à statuer sur la digue. Il se dit conscient que la décision affectera le sort de plusieurs centaines de citoyens qui ont été forcés de quitter leur maison.

« C’est important de savoir si on peut reconstruire une nouvelle digue deux pieds plus élevés que la précédente, et ensuite être capable de prendre des décisions concernant les réparations ou les déménagements. Mais il est trop tôt à ce moment-ci pour répondre à cette question. »

Si les résidants de Sainte-Marthe sont nombreux à souhaiter réintégrer au plus vite le quartier, certains ne sont pas fermés à l’idée de jeter l’éponge, d’accepter de l’argent de la part du gouvernement et de déménager.

C’est le cas de Mario Charrette, qui venait de vendre sa maison, le samedi 27 avril, quelques heures avant l’inondation. « La vente a été annulée, dit-il. Je peux rebâtir ma maison, mais c’est sûr que je n’aurai pas le même prix… Les acheteurs vont avoir des craintes. Moi, si je pouvais partir, je le ferais. »

Plus tôt dans la journée, Québec solidaire a appelé le gouvernement Legault à empêcher la reconstruction de toutes les maisons endommagées à Sainte-Marthe.

« Il faut réaménager à l’extérieur des zones inondables parce que ce qui est arrivé là en 2019 pourrait se répéter dans quelques années, a indiqué la députée solidaire Émilise Lessard-Therrien. Ce qu’on veut, c’est un développement qui va durer dans le temps pour que les générations futures puissent arrêter d’avoir ces inondations. »

« Pacte Rivières »

Québec solidaire réclame un débat d’urgence à l’Assemblée nationale pour réfléchir à des moyens d’éviter les dommages à grande échelle lors des prochaines périodes de crue.

Pour lancer la discussion, le parti a proposé hier un « Pacte Rivières ». Le plan prévoit le réaménagement des berges des rivières, le déplacement des citoyens hors des plaines inondables et une protection accrue des milieux humides. On propose une réforme pour réduire la dépendance des municipalités à la taxation foncière. Cette situation a été montrée du doigt par plusieurs experts, car elle encourage les villes à autoriser des développements en zone inondable.

« Il faut revoir notre manière d’aménager le territoire, surtout autour des cours d’eau, et ça, c’est un grand chantier, a noté le co-porte-parole du parti, Gabriel Nadeau-Dubois. Parlez-en aux municipalités qui développent depuis des années sur un modèle qui n’est pas viable. »

— Avec la collaboration de Tommy Chouinard à Québec

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

À la fin de la semaine dernière, des résidants de Sainte-Marthe-sur-le-Lac ont annoncé qu’une action collective s’organisait contre la municipalité, qu’ils accusent d’avoir fait preuve de négligence à l’égard de la digue qui a cédé le 27 avril dernier.

Actions collectives dans la confusion

Une action collective ou deux ? Pour qui et contre qui ? Et avec quels avocats ? La confusion régnait hier parmi les sinistrés de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

À la fin de la semaine dernière, des résidants de Sainte-Marthe ont annoncé qu’une action collective s’organisait contre la municipalité, qu’ils accusent d’avoir fait preuve de négligence à l’égard de la digue qui a cédé le 27 avril dernier. Plus de 6000 personnes avaient alors été forcées d’abandonner leur maison.

L’avocat Gérard Samet a confirmé au cours du week-end qu’il travaillait sur ce dossier. Il a d’ailleurs animé une réunion d’information vendredi soir dernier à l’aréna de Deux-Montagnes. La rencontre a réuni quelques centaines de personnes et s’est déroulée dans le tumulte, comme en témoignent des vidéos publiées sur Facebook.

À ce moment, c’était le sinistré Patrick Hardy qui portait le projet avec Me Samet. Excédé par « l’ampleur que ça prend », M. Hardy a affirmé hier matin à La Presse qu’il s’était retiré du dossier. Il nous a redirigés vers Fannie Hébert, désormais considérée comme la porte-parole du groupe.

Celle-ci nous a toutefois indiqué qu’elle n’était plus en communication avec Me Samet et qu’elle cherchait activement un nouvel avocat. Elle a déjà communiqué avec au moins un cabinet hier.

Or, Me Samet s’intéresse de toute évidence toujours au dossier. Joint en après-midi, il a affirmé que son cabinet – Azran et Associés – analysait la situation et déciderait aujourd’hui d’une « stratégie finale » quant au dépôt ou non d’une action collective. Bien que le principal mandataire se soit retiré, « de nombreux citoyens nous demandent de continuer », nous a dit Me Samet.

Ce dernier est actuellement associé à au moins deux actions collectives, l’une impliquant des utilisateurs du train de Deux-Montagnes dont les déplacements sont perturbés par les travaux du Réseau express métropolitain et l’autre regroupant des citoyens qui craignent les impacts des travaux d’agrandissement de l’aéroport Montréal-Trudeau.

« Mal expliqué »

Nombreux sont les sinistrés de Sainte-Marthe qui ont de la difficulté à s’y retrouver. Au moins deux pages Facebook fournissent de l’information aux citoyens sur l’avancement du dossier.

L’une d’entre elles était administrée par Me Samet, mais on lui en a retiré l’accès hier soir.

On y compte des centaines de commentaires d’utilisateurs qui ne savent plus où donner de la tête.

« C’est tellement mal expliqué que les trois quarts des sinistrés ne suivent pas. Comment voulez-vous faire une action collective dans ces conditions ? » — Un citoyen

L’une des questions au cœur de la confusion concerne l’identité même des personnes représentées. Alors que Fannie Hébert affirme que l’action collective qu’elle met sur les rails concerne exclusivement les citoyens de Sainte-Marthe, celle de Me Samet semble beaucoup plus large.

Sur les réseaux LinkedIn, Facebook et Twitter, l’avocat invitait lundi soir des personnes représentant « d’autres communes inondées » à communiquer avec lui. « Notre action collective pourrait ainsi concerner tout le monde », ajoutait-il, sans pour autant préciser quel secteur il visait. Interrogé à ce sujet hier, Me Samet n’a pas souhaité confirmer si son action collective concernerait des résidants de plus d’une municipalité. Il n’a pas non plus précisé qui, de la Ville de Sainte-Marthe ou du gouvernement du Québec, était dans son viseur.

Autre rebondissement en soirée hier, deux citoyens très actifs sur les réseaux sociaux ont publié une vidéo en direct sur Facebook dans laquelle ils avançaient que Me Samet s’était retiré du dossier. L’avocat nous a toutefois affirmé que cette information était fausse.

De son côté, Fannie Hébert a affirmé qu’elle comptait reprendre le processus à zéro, sans brusquer les choses, afin, dit-elle, de laisser aux sinistrés la chance de mesurer toutes les options de dédommagement à leur disposition, notamment les subventions aux rénovations ou à la relocalisation annoncées par le gouvernement Legault.

« On veut laisser la poussière retomber », conclut-elle.