Le nombre d'objets illégaux saisis dans les aéroports canadiens a explosé de 253 % l'an dernier, en bonne partie à cause de la popularité soudaine des couteaux de format carte de crédit. Et c'est à Montréal-Trudeau que les agents ont débusqué le plus d'articles prohibés, même si le nombre de passagers y est presque trois fois moins élevé qu'à Toronto. Explications.

Étoiles ninjas et couteaux « carte de crédit »

Selon des données obtenues par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, les employés de l'Agence canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) ont saisi 1132 objets illégaux dans les principaux aéroports du pays l'an dernier, contre 447 l'année précédente. Un bond de 253% en un an.

Environ la moitié des articles interceptés sont des couteaux de format carte de crédit. Ces armes discrètes, achetées principalement sur le web, sont arrivées en force sur le marché canadien au début de 2016. Comme leur lame est dissimulée, elles sont considérées comme illégales en vertu du Code criminel du Canada, souligne l'ACSTA.

Parmi les autres objets saisis, on retrouve des étoiles ninjas, des nunchakus, des pistolets Taser, des canettes de gaz poivre, des poings américains et une variété de couteaux prohibés.

+ 483% à Montréal

Si la hausse d'articles saisis semble remarquable à l'échelle canadienne, elle est encore plus spectaculaire à l'aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau. Les agents de l'ACSTA y ont confisqué 309 armes prohibées l'an dernier, soit 483% de plus que l'année précédente! Il s'agit en majorité de couteaux de format carte de crédit (228).

Mathieu Larocque, porte-parole de l'ACSTA, confirme que ce type d'arme a connu un bond de popularité au printemps 2016, mais ignore pourquoi il semble si populaire à Montréal. «Quand on a remarqué ça, on a développé une petite campagne d'information dans les médias sociaux et traditionnels, pour sensibiliser les gens, mais on n'a pas fait d'analyse exhaustive pour savoir pourquoi ces produits-là arrivaient», a-t-il indiqué.

Davantage qu'à Toronto

Davantage d'objets illégaux ont été saisis à Montréal qu'à l'aéroport Pearson de Toronto l'an dernier (309 contre 255), révèlent en outre les données obtenues par La Presse. Un écart surprenant, puisque le nombre de passagers est presque trois fois plus élevé dans la Ville Reine. Comment l'expliquer?

L'ACSTA indique n'avoir «pas fait d'étude approfondie du phénomène», mais une source au cabinet du ministre des Transports Marc Garneau a avancé une hypothèse qui paraît fort plausible. Elle souligne que les passagers qui utilisent l'aéroport de Toronto sont principalement en transit, autant de voyageurs qui ont déjà franchi les postes de sécurité à leur aéroport de départ - comme Montréal-Trudeau.

Jean-Pierre Fortin, président national du Syndicat des Douanes et de l'Immigration, note pour sa part que le crime organisé - notamment les gangs de rue - est très implanté à Montréal, ce qui pourrait aussi expliquer une partie de la situation. Quelque 197 objets proscrits ont été saisis l'an dernier à l'aéroport de Vancouver, le deuxième au pays en termes d'achalandage.

Des dizaines de milliers d'objets

Les chiffres obtenus par La Presse reflètent seulement une infime fraction de tous les objets saisis au Canada. Des milliers d'articles légaux, mais interdits dans les avions, sont interceptés chaque jour, par exemple des bouteilles d'eau, des canifs ou des ciseaux. L'ACSTA a toutefois cessé de les compiler il y a cinq ans, explique le porte-parole Mathieu Larocque. «Quand un objet est saisi, on le place dans un bac et on en dispose à la fin de la journée. C'est évident que le nombre de couteaux, ciseaux et autres articles saisis est extrêmement plus élevé que les chiffres que vous voyez.»

Seulement à Montréal-Trudeau, les agents remplissent l'équivalent de 10 à 20 caisses de lait d'articles interdits de vol tous les mois (excluant les bouteilles d'eau et autres liquides), ce qui représente des milliers d'objets, précise M. Larocque. Ceux-ci sont remis à la Maison Victor-Gadbois, spécialisée en soins palliatifs, pour assurer une partie de son financement.

Pointe de l'iceberg

Jean-Pierre Fortin, du Syndicat des Douanes et de l'Immigration, avance pour sa part que le nombre d'objets illégaux saisis - et comptabilisés - ne représente sans doute que «la pointe de l'iceberg». Il déplore depuis longtemps un manque d'effectifs dans les différents points de fouille du pays. «Est-ce qu'on pourrait en saisir plus? Certainement. Nos agents font ce qu'ils peuvent, ils font un bon travail et ils sont là pour le démontrer, mais c'est sûr qu'avec des effectifs suffisants, on pourrait en détecter plus.»

Notons que les changements récents annoncés par le ministre Marc Garneau, qui a autorisé les couteaux avec une lame de moins de 6 cm dans les avions, n'incluent pas les articles prohibés. Les couteaux de format carte de crédit, par exemple, continueront d'être saisis aux points de fouille.

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NOMBRE DE PASSAGERS EN 2016

Toronto (Pearson) : 44,3 millions

Vancouver : 22,3 millions

Montréal : 16,6 millions

NOMBRE D'OBJETS SAISIS

Couteaux «carte de crédit» : 653

Vaporisateurs de poivre : 102

Couteaux papillons : 92

Poings américains : 89

Couteaux à cran : 80

Étoiles ninjas : 48

Nunchakus : 29

Source : ACSTA, Données non exhaustives pour l'année 2016-2017, pour les plus grands aéroports canadiens

NOTE

Les données obtenues par La Presse concernent les aéroports de Montréal, Toronto, Vancouver, Québec, Calgary, Edmonton, Saskatoon, Regina et Victoria. Les chiffres de l'an dernier font référence à l'année qui a débuté le 1er avril 2016 et s'est terminée le 31 mars 2017.

- Avec William Leclerc, La Presse

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE L'ACSTA

Objets saisis par l'ACSTA.