Le gouvernement de Justin Trudeau serait prêt à accorder aux provinces une plus grande part de la taxe d'accise fédérale sur la vente de marijuana, pourvu que ces sommes soient ensuite versées aux municipalités pour les aider à faire face à ce nouveau commerce.

Ottawa a jusqu'ici offert de verser aux gouvernements des provinces et territoires la moitié des recettes de la taxe d'accise fédérale, lorsque la marijuana sera décriminalisée en juillet prochain. En plus de cette taxe d'accise fédérale, qui pourrait rapporter environ 1 milliard $ par année, Ottawa et les provinces imposeront aussi leur taxe de vente respective dans le commerce de la marijuana.

Mais La Presse canadienne a appris que le ministre des Finances, Bill Morneau, et ses hauts fonctionnaires étaient prêts à lâcher du lest, lors de discussions avec leurs homologues. Ces rencontres se sont tenues en prévision de la conférence fédérale-provinciale des ministres des Finances, les 10 et 11 décembre, où il devrait être beaucoup question de cannabis.

Un responsable fédéral, qui n'était pas autorisé à parler publiquement de ces négociations, a soutenu qu'il est encore trop tôt pour évoquer quelle part de ses recettes fiscales Ottawa serait prêt à sacrifier: la décision finale dépendra de l'évaluation des besoins réels des municipalités, et de la volonté des provinces et territoires à rediriger effectivement ces sommes vers les besoins locaux.

«Nous devons tous être assurés que la légalisation (de la marijuana) n'aura pas pour effet de charger les municipalités de fardeaux financiers et opérationnels insoutenables», rappelle la Fédération canadienne des municipalités sur son site internet.

Le ministre québécois des Finances, Carlos Leitao, n'a pas voulu commenter la nouvelle, mais il a confirmé que ce sujet ferait l'objet de discussions à la rencontre des ministres des Finances du 10 et 11 décembre à Ottawa.

«Ce sera une rencontre fort intéressante où nous sommes convaincus que les échanges seront productifs», a-t-il affirmé dans une déclaration écrite.

Son homologue de l'Ontario, Charles Sousa, a admis, lundi, que les municipalités, comme les provinces, doivent obtenir leur juste part afin de couvrir les coûts additionnels liés à cette légalisation proposée par le gouvernement fédéral. Le ministre souhaite maintenant voir une estimation de ces coûts, et la part qu'Ottawa est prêt à assumer.

Le ministre albertain des Finances, Joe Ceci, a lui aussi refusé de commenter cette proposition précise sans avoir la confirmation du ministre Morneau. «L'offre initiale était le 50-50, et il s'est fait dire qu'il n'en était pas question. Alors nous devons aller dans une salle ensemble pour parler de ce qu'est vraiment l'offre, et rien de moins que la majorité de l'argent (allant aux provinces) serait acceptable», a-t-il indiqué.

Mike Farnworth, ministre de la Sécurité publique de la Colombie-Britannique, s'est pour sa part dit encouragé par ce nouveau développement.

Le maire de Toronto, John Tory, a déjà demandé en juillet à la première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne, de reverser aux municipalités une partie de la taxe de vente provinciale sur la marijuana.

Or, selon la source qui a requis l'anonymat, le gouvernement fédéral serait sensible aux préoccupations des municipalités.

En vertu de la proposition actuellement sur la table, Ottawa imposerait une taxe d'accise de 1 $ par gramme de marijuana ou 10 pour cent du prix de vente final - le montant le plus élevé des deux. La moitié des recettes de cette taxe d'accise fédérale serait ensuite versée aux provinces et territoires. La consultation publique d'un mois sur cette proposition prendra fin le 7 décembre, juste avant la conférence fédérale-provinciale des ministres des Finances.

Depuis que le premier ministre Trudeau a dévoilé cette proposition, au début d'octobre, les premiers ministres des provinces et territoires ont plaidé que cela ne serait pas suffisant pour couvrir les coûts additionnels liés à l'application de la légalisation de la marijuana - services policiers, sécurité routière, sensibilisation publique, notamment. Ils soutiennent que la part du lion de ces coûts additionnels devra être assumée par les provinces.

Pour atteindre l'objectif de la légalisation - déloger le crime organisé de ce marché -, les gouvernements devront impérativement fixer un «juste prix» à la marijuana licite: si les taxes sont trop élevées, plusieurs consommateurs garderont leur bon vieux revendeur illicite.