Disposer de 20 milliards sur 10 ans pour les infrastructures, c'est bien. Mais mettre en place un programme permanent pour financer les grands projets de transports en commun, ce serait encore mieux. Réunis hier à Toronto, les maires des grandes villes canadiennes ont plaidé pour qu'Ottawa s'engage sur plusieurs décennies. La mairesse Valérie Plante a par ailleurs visité un projet pilote de tramways au coeur de la Ville Reine, regrettant que Montréal n'ait pas misé sur des trams pour le boulevard Pie-IX.

« IL FAUT UN ENGAGEMENT À LONG TERME »

Les maires des grandes villes étaient réunis hier à Toronto pour un sommet économique de la Fédération canadienne des municipalités (FCM), où il a été beaucoup question de transports en commun et d'habitation... mais surtout du financement de ces grands projets. Saluant les milliards annoncés par Ottawa pour les 10 prochaines années, les maires souhaitent maintenant que ce financement devienne permanent. « Il faut pérenniser ce programme. Il faut un engagement à long terme pour soutenir le transport collectif. Si on est sérieux dans notre lutte [contre les] changements climatiques, c'est directement lié à nos transports », a indiqué la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

PROJETS POUR DES DÉCENNIES

Le président du caucus des grandes villes de la FCM, Don Iveson, a souligné que plusieurs projets en cours s'étendront bien au-delà de la prochaine décennie. « On aimerait que ce programme devienne permanent, parce que certains projets vont prendre 15 ou 20 ans à réaliser. La ligne verte à Calgary ou les améliorations au métro de Toronto vont prendre des décennies. Mais il faut commence maintenant », a dit le maire d'Edmonton. Pour Don Iveson, il en va de la compétitivité des villes canadiennes. « Les régions qui prospèrent le plus sont celles qui ont un système efficace de transports en commun, a-t-il dit. Ces investissements, ce n'est pas juste pour attirer le siège social d'un géant mondial de la technologie, mais aussi pour garder les travailleurs de l'industrie du savoir, les créatifs, qui vont assurer l'avenir du pays. »

PROJET PILOTE DE TRAMWAYS

Valérie Plante a profité de son passage à Toronto pour visiter un important projet pilote que mène l'administration du maire John Tory au coeur du centre-ville. Depuis trois semaines, Toronto a considérablement limité la circulation des voitures sur un tronçon de près de deux kilomètres dans la rue King afin de donner priorité aux tramways. Les véhicules empruntant l'artère se voient forcés de quitter la rue à chaque intersection. Poursuivre son chemin peut valoir une forte amende au conducteur. L'idée est de désengorger la congestion dans la rue où circule la ligne de trams la plus fréquentée de Toronto, avec 65 000 passagers par jour. « Nous sommes en 2017, il faut faire les choses différemment », a expliqué John Tory. Valérie Plante dit avoir trouvé l'expérience « inspirante ». « Ça montre que le développement du transport collectif lourd a encore sa place », s'est-elle réjouie.

DÉÇUE DE L'ABSENCE DE TRAMS À MONTRÉAL

Après avoir expérimenté les nouveaux trams de Toronto, Valérie Plante n'a pas caché sa déception en constatant que cette technologie ne sera pas utilisée dans le corridor du boulevard Pie-IX. « Une des déceptions avec le SRB, c'est qu'on s'en tienne à des autobus », a-t-elle confié. Son administration a vérifié auprès de l'Agence régionale de transport et il serait trop tard pour réviser le projet, même si la construction ne sera pas terminée avant 2022. « La marge de manoeuvre est presque inexistante. On n'arrêtera pas le projet. La population l'attend depuis tellement longtemps. Mais disons qu'un tram aurait été une belle alternative. »

ENCORE LA DIVERSIFICATION DES REVENUS

Sujet récurrent, les sources de financement des villes ont de nouveau été abordées par le caucus des grandes villes de la FCM. Cette fois, les maires ont toutefois obtenu l'appui de l'un des intellectuels les plus influents en ce qui concerne le développement des villes, Richard Florida, qui prenait part à leur rencontre. « Les villes américaines ont tellement plus de pouvoirs que les canadiennes, a constaté celui qui enseigne à l'Université de Toronto. Il doit y avoir un transfert de pouvoirs fédéraux, mais aussi provinciaux, vers les villes. Elles doivent avoir plus d'outils fiscaux. » M. Florida estime que cet ordre de gouvernement est le mieux placé pour répondre aux défis du monde moderne. Encore faut-il que les élus aient les moyens d'intervenir. Valérie Plante, qui est à préparer son tout premier budget, a elle aussi plaidé pour une diversification des sources de financement. « Toutes les villes ont des besoins, que ce soit en habitation, pour les nouveaux arrivants, en itinérance, pour les infrastructures, mais on est toujours en attente des autres paliers. Parce que pour combler nos besoins, tout dépend de la taxe foncière. On n'en peut plus. »

DES FONDS POUR LA SANTÉ MENTALE

Au-delà des infrastructures et de l'habitation, les villes veulent maintenant convaincre Ottawa de les aider à faire face aux problèmes de santé mentale. John Tory a soulevé l'enjeu lors de la rencontre des maires. « Les problèmes de santé mentale ont un impact sur l'habitation, sur l'itinérance, sur les services de police. Ça a un gros coût social et financier », a-t-il dit. Le maire de Québec, Régis Labeaume, a salué l'idée, estimant de plus que les questions touchant l'itinérance devraient relever des villes. « Les problèmes de santé mentale dans nos villes deviennent une préoccupation de plus en plus évidente et, visiblement, on devra s'en occuper. Toute la question de l'itinérance doit être prise en charge par les villes, c'est nous qui pouvons être le plus efficaces. »

UNE STRATÉGIE CONTRE LA CRISE DES OPIOÏDES

Lors de la rencontre, le maire de Vancouver a par ailleurs plaidé pour qu'Ottawa adopte une stratégie nationale devant la crise des opioïdes, qui touche particulièrement sa ville. « C'est horrible. Il faut mettre fin à l'augmentation du nombre de morts », s'est inquiété Gregor Robertson. Les ravages des opioïdes se font durement sentir dans tout le pays. De janvier à septembre dernier, la Colombie-Britannique a enregistré 914 surdoses mortelles liées aux opioïdes, une hausse de 150 % par rapport à 2016, selon le Bureau des coroners de la province. Le ministère de la Santé de l'Alberta a rapporté cette semaine 482 surdoses mortelles depuis le début de l'année, en hausse de 40 %. L'Ontario n'y échappe pas. En 2016, la province a déploré la mort de 850 personnes à la suite d'une surdose liée aux opioïdes.