L'arrivée du mois de mai marque normalement le début des semis dans plusieurs régions du Québec, mais il est impossible de travailler dans certains champs remplis d'eau. Résultat : des récoltes vont être retardées et il pourrait y avoir une baisse de rendement pour certains fruits, légumes et céréales. Surtout si la grisaille persiste.

ASPERGES



La bonne nouvelle : l'asperge commence à se pointer dans les champs québécois. La mauvaise : la chaleur n'est pas au rendez-vous, ce qui ralentit beaucoup sa croissance. Quelques chanceux pourraient mettre la main sur des asperges du Québec dès le week-end prochain, mais il faudra attendre la fête des Mères pour en avoir en bonne quantité. « Et même, ce sera surtout dans la grande région de Montréal », précise Stéphane Roy, producteur d'asperges de Saint-Liguori, dans Lanaudière. « Tout le monde est en attente : les grossistes, les détaillants », dit-il. La ferme de M. Roy, La Belle Verte, a accueilli ses travailleurs étrangers hier matin. La récolte de l'asperge se fait à la main, mais pour le moment, les travailleurs se tournent plutôt les pouces. Pour les producteurs québécois, qui produisent environ 3,5 millions de livres d'asperges, c'est surtout la chaleur qui manque.

POMMES DE TERRES

« C'est certain qu'on est retardés d'au moins une semaine, peut-être deux », avoue Francis Desrochers, président des Producteurs de pommes de terre du Québec, lui-même agriculteur dans la région de Lanaudière, où la pluie a été particulièrement généreuse. Normalement, dans ce coin de la province riche en pommes de terre, les producteurs commencent à travailler aux champs avec l'arrivée du mois de mai, mais, cette année, impossible de travailler dans les terres de sable. « La nappe d'eau est vraiment trop haute », précise Francis Desrochers, qui jette plutôt son dévolu sur les terres plus limoneuses. Tout cela va certainement retarder la récolte, à l'automne, et peut-être réduire le rendement pour certaines variétés.

POMMES

« On commence à avoir des problèmes. C'est le moment où la maladie, comme la tavelure, s'installe », dit Emmanuel Maniadakis, qui a un verger biologique à Franklin, en Montérégie, près de la frontière américaine. La pluie complique l'application de produits de surface pour protéger la feuille contre ce petit champignon, explique le pomiculteur, aussi producteur de cidre de glace. Mais la situation est critique pour tous, dit-il : les dernières années ont été particulièrement difficiles pour les pomiculteurs québécois parce que l'épidémie de feu bactérien a ravagé les vergers. La pluie peut aussi favoriser la propagation de cette maladie. Toutefois, explique Stéphanie Levasseur, présidente des Producteurs de pommes du Québec, la période critique pour le feu bactérien est la floraison. « Avec le temps froid, la floraison est en retard, dit-elle. Elle va avoir lieu dans 12 à 15 jours, pour les régions les plus chaudes. »

VIGNES

Les vignerons ne sont pas encore inquiets. C'est trop tôt dans la saison, explique Yvan Quirion, propriétaire du Domaine St-Jacques à Saint-Jacques-le-Mineur. « Les gens se plaignent de la pluie, mais la situation n'est pas catastrophique, car les vignes ne sont pas débourrées. » La maladie peut s'installer dans la vigne après cette phase où le bourgeon s'ouvre et devient plus vulnérable. De plus, explique M. Quirion, qui est aussi président de l'Association des vignerons du Québec, les techniques agricoles en viticulture ont fait des pas de géant au Québec. Les vignobles sont bien drainés pour faire face à des épisodes de pluie comme celui qui s'acharne actuellement sur la province.

GRANDES CULTURES

« Ça serait très étonnant que l'on ait une récolte record », dit Benoit Legault, directeur général des Producteurs de grains du Québec. Pour le moment, ce sont les semis des céréales à paille [avoine, orge, blé, seigle...] qui retardent. « Dans les régions de Lanaudière, de la Montérégie et du Centre-du-Québec, la préparation du sol n'est presque pas commencée », précise M. Legault. Il reste une semaine avant que les agriculteurs s'inquiètent sérieusement, ou même qu'ils changent leurs plans et se tournent vers d'autres cultures, le soya ou le maïs, par exemple. Cela dit, Benoit Legault rappelle que les agriculteurs en ont vu d'autres. En 2011 et en 2014, les conditions météo avaient aussi forcé un semis tardif. Les récoltes avaient été moyennes.