Les établissements de santé du Québec et les fondations qui leur sont rattachées ont réalisé l'an dernier des profits de plus de 66 millions dans l'exploitation de leurs stationnements, un chiffre qui donnera des munitions aux défenseurs des droits des patients qui s'insurgent contre les tarifs élevés imposés par les hôpitaux.

Selon des données fournies par le ministère de la Santé et des Services sociaux, un peu moins de la moitié de ces surplus (31,4 millions) ont été amassés par l'intermédiaire de fondations, à qui les établissements peuvent confier l'exploitation de leur stationnement. Le reste (35,1 millions) était comptabilisé à l'intérieur du budget des établissements.

Dans les deux cas, le résultat est le même : si l'établissement n'est pas en situation déficitaire, le profit du stationnement peut être utilisé pour financer des travaux de construction, acheter des équipements, financer la recherche, améliorer la qualité de vie des usagers ou assurer la formation du personnel.

« C'est un peu comme une deuxième fondation, financée celle-là par les usagers de l'établissement », a expliqué Joanne Beauvais, attachée de presse du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, en entrevue plus tôt cette semaine.

Les données fournies par le MSSS couvrent les stationnements des visiteurs et du personnel de l'ensemble des établissements, toutes vocations confondues (hôpitaux, CLSC, CHSLD, centres de réadaptation, etc.). Vingt-deux établissements ont engrangé des profits de plus de 1 million de dollars. Les stationnements du CHU de Québec (profits de 6,7 millions) ont été les plus lucratifs, devant ceux du Centre universitaire de santé McGill (4,9 millions), du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (3,9 millions) et du CHUM (3,8 millions).

Les profits des stationnements du CHU de Québec sont entièrement consacrés au fonds de développement de la fondation de l'hôpital, qui soutient chaque année environ 300 projets soumis par les employés, explique la porte-parole Pascale St-Pierre. Il permet de donner un coup de pouce à des projets « moins sexy » que ceux reliés à des fonds spécifiques pour les maladies du sein ou le cancer de la prostate, par exemple.

Des organismes dénoncent le phénomène

Le problème, estiment les organismes de défense des droits des patients, c'est que ces missions fort louables ne devraient pas être financées avec l'argent des malades et de leurs proches, qui n'ont dans bien des cas pas le choix de prendre leur voiture pour se rendre à l'hôpital.

« C'est aller chercher indirectement ce qu'on promet qu'on n'ira pas chercher directement par nos impôts. », affirme Paul Brunet, PDG du Conseil pour la protection des malades.

« On nous demande de cotiser 22 milliards pour financer les soins de santé - plus les frais de stationnement, plus les fournitures, plus les frais accessoires. L'État et les établissements qu'il autorise à faire ainsi vont subtilement chercher les sommes que les impôts auraient dû normalement aller chercher », explique M. Brunet.

Même son de cloche au Regroupement provincial des comités des usagers. « La job des fondations, c'est de ramasser de l'argent, pas de faire payer les usagers qui ont des traitements à l'hôpital, dit le directeur général, Pierre Blain. Si on veut faire un don, on le fera, mais là, ce n'est pas ça qui se passe. »

Les dons aux fondations des établissements de santé sont déductibles d'impôt. Les frais de stationnement dans les hôpitaux, eux, ne le sont pas, sauf si l'usager habite à plus de 80 kilomètres de l'hôpital et que des soins équivalents ne sont pas disponibles plus près de son domicile, peut-on lire sur le site de l'Agence du revenu du Canada.

Les CLSC aussi

Les hôpitaux n'ont pas le monopole de la tarification. De plus en plus de CLSC imposent une tarification à leurs usagers. La Ville de Beloeil a échoué cet hiver dans sa tentative d'interdire tout stationnement payant sur son territoire, après une contestation judiciaire du CSSS Richelieu-Yamaska. Les usagers du CLSC des Patriotes doivent maintenant payer 3 $.

Dans une affaire similaire à Châteauguay, une pétition signée par 1200 résidants a été présentée au député local et ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau.

La Ville avait donné un terrain au CSSS Jardins-Roussillon, il y a une dizaine d'années, pour qu'il y construise un CLSC. « Quand le CLSC a ouvert, il y avait un tarif de 2,50 $, qui est passé récemment à 4 $ », dit la mairesse Nathalie Simon.

Les sommes peuvent paraître dérisoires, mais elles ne le sont pas, dit la mairesse. « Le CLSC a une mission de première ligne. Ma crainte, c'est que la tarification affecte une clientèle souvent vulnérable, en raison de problèmes psychologiques, de son âge ou de sa condition financière. »

L'équilibre budgétaire

Dans l'ensemble du réseau, 10 établissements ont utilisé une partie des profits réalisés avec leur stationnement pour atteindre l'équilibre budgétaire. Il s'agit du CHU de Québec et du CHUS, ainsi que des CSSS Rimouski-Neigette, Maria-Chapdelaine, Vallée-de-la-Gatineau, Gatineau, Saint-Jérôme, Haut-Richelieu-Rouville, du Suroît et Jardins-Roussillon.