Les pompiers syndiqués ne sont pas seuls dans les casernes à s'opposer au projet de loi 3: leurs patrons aussi. Dans un mémoire passé inaperçu à la commission sur les régimes de retraite, l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec se dit «très inquiète» devant ce projet de loi. Le directeur général de l'organisme, Gilles La Madeleine, affirme même dans une entrevue à La Presse que le projet de loi nuira carrément au recrutement de dirigeants, parce qu'«il n'y aura plus aucun avantage à être cadre [chez les pompiers] au Québec».

L'association des chefs pompiers affirme aussi dans son mémoire que le projet de loi 3 constitue une menace à la sécurité civile parce que les pompiers n'auraient tout simplement plus avantage à obtenir une promotion, «une situation que nous jugeons dramatique et qui, à la limite, pourra mettre en péril, dans une perspective plus ou moins lointaine la protection de la population».

«C'est bien beau, avoir des Indiens, mais s'il n'y a plus de chefs, ça ne marche pas», lance Gilles La Madeleine, cosignataire du mémoire et directeur général de l'association.

Celui qui représente environ 1000 cadres en sécurité incendie, dont ceux de Montréal et de Québec, souhaite que le gouvernement modifie «en profondeur» le projet de loi 3.

Selon lui, le personnel recruté doit compter de nombreuses années de services et, par conséquent, alimenter davantage et sur une période plus courte le fonds de pension. Le nouveau plafonnement à 20% des contributions prévues dans le projet de loi viendrait donc désavantager «encore plus» les chefs en sécurité incendie du Québec.

«En mettant en oeuvre cette mesure, l'iniquité sera des plus flagrantes, obligeant les cadres des services incendie à diminuer de façon tellement importante leurs avantages qu'aucun syndiqué n'aura d'intérêt à postuler pour devenir chef», peut-on lire dans le mémoire.

Écarté par le gouvernement?

Même si leur mémoire a été déposé en commission, l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec aurait bien aimé se faire entendre de vive voix aux audiences publiques de la commission en août dernier. «Ils [le gouvernement] nous ont dit: s'il y a quelqu'un qui se retire, on va vous permettre de venir vous exprimer. On a vu le barreau se retirer, mais on n'a pas été appelé», indique Gilles La Madeleine.

Selon lui, le gouvernement du Québec a préféré ne pas entendre ce qu'avait à dire son regroupement.

«J'ai cru comprendre que le gouvernement ne souhaitait pas nous entendre», conclut le représentant.

Des départs difficiles à combler

Avec la vague de démissions chez les pompiers de Montréal, la Ville va droit dans le mur, estime le directeur général de l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec. Gilles La Madeleine pense que la Ville ne sera tout simplement pas en mesure de pourvoir les 30 postes de cadres après que ceux-ci auront décidé de prendre leur retraite en réaction au projet de loi 3. « Il y a un mot d'ordre chez les syndicats. Ils ne poseront pas leur candidature aux postes parce qu'ils sont tellement perdants en devenant cadres », affirme Gilles La Madeleine.

Selon lui, « il n'y a aucun pompier qui va vouloir devenir cadre [à Montréal], c'est impossible. Qui va assurer l'administration, qui va assurer la gestion des opérations, le poste de commandement, les plans des mesures d'urgence ? » Le président du syndicat représentant les pompiers de Montréal, Ronald Martin, a refusé notre demande d'entrevue. Son porte-parole nous a toutefois affirmé qu'aucun mot d'ordre n'avait été donné pour empêcher les syndiqués de poser leur candidature à des postes de cadre. Le service d'incendie de Montréal a refusé de répondre à nos questions.