«Va travailler tabarnac, va travailler sacrament!» Cette phrase lancée par le promoteur immobilier Peter Sergakis aux militants qui campaient sur un de ses terrains depuis samedi dernier résume bien ce qu'il pense d'eux.

La poignée de manifestants avait érigé tentes, cuisine et salon communautaire, et installé des oeuvres d'art improvisées, sur un terrain vague situé à l'angle des rues Notre-Dame et Saint-Philippe, dans le quartier Saint-Henri.

Le propriétaire du terrain, Peter Sergakis, prévoir un jour construire un immeuble à logements sur ce terrain. Mercredi, il avait demandé aux policiers d'évincer les militants de sa propriété.

«C'était des blacks bloc, des anarchistes, des punks qui ont pris le contrôle. Ils ne savent même pas ce qu'ils veulent. Les voisins m'appellent pour dire que ça fume du pot 24 heures par jour, qu'ils faisaient leurs besoins sur le terrain. Je suis réellement fatigué, je n'ai pas dormi. (...) Il y avait des carrés rouges aussi, des extrémistes, tout du monde qui travaille pas», a raconté l'homme d'affaires.

Ce jeudi matin donc, un imposant contingent de plusieurs dizaines de policiers a encerclé le petit terrain vers 7 h 45, alors même que de nombreux enfants traversaient la rue à cette intersection, escortés par le brigadier scolaire du coin.

C'est Peter Sergakis lui-même qui a pris le mégaphone pour sommer les manifestants de quitter les lieux, pendant que des manifestants entonnaient le slogan «Sergakis, on s'en câlisse».

«Laissez-le donc parler», leur a lancé une des leurs.

L'inspecteur du poste de quartier 20 de la police de Montréal a suivi.

Les militants, toujours réfractaires à la présence des médias, se sont ensuite réunis en caucus.

Une des leurs est rapidement revenue vers l'inspecteur et l'équipe de médiation de la police.

«On va quitter, on veut que vous nous laissiez le temps de ramasser nos choses et nous laissiez le droit de circuler librement, que vous ne fassiez pas de profilage politique», a-t-elle demandé.

C'était marché conclu.

«Il y avait une impressionnante présence policière afin qu'on défasse le campement. On voit encore une fois que pour la Ville, les intérêts privés priment. Nous avions organisé ce campement pour revendiquer le droit à la ville pour tous et toutes. On demande à la Ville de mettre en réserve ces terrains qui participent à la gentrification et la spéculation, qui chassent les gens vers d'autres quartiers, pour la construction de logement social. On a décidé collectivement de partir, parce que ce n'est que le début de ce genre d'actions légitime», a indiqué Valérie Simard, du comité P.O.P.I.R. - Comité logement, qui participait à l'occupation.

Le groupe, la mine basse, a rapidement démonté son installation constituée de tentes, de bâches, de bouts de bois, de tableaux, pancartes et sculptures.

Dans les minutes suivantes, Peter Sergakis, plutôt que de saluer la compréhension des manifestants, en a rajouté lorsqu'interrogé par La Presse deux coins de rues plus loin.

«Ça vient de coûter une fortune aux citoyens», a-t-il déclaré au sujet du déploiement policier.

«Ces gens-là sont stones et ne savent pas ce qu'ils veulent. Pourquoi ils ont choisi mon terrain ? Parce que je suis une personne publique ? Moi, je ne bâtis pas de condo. Je bâtis des logements pour louer. Et je connais Saint-Henri depuis 50 ans. J'ai connu la criminalité, la pauvreté. Ça change pour le meilleur», a-t-il poursuivi.

Au sujet des revendications de ces gens «qui ne payent pas de taxe ni d'impôts», il ne mâche pas ses mots.

«Est-ce qu'ils méritent des logements sociaux, non! Est-ce que la Ville devrait leur donner des logements sociaux, c'est non!», a-t-il martelé.

C'est alors qu'un groupe de manifestants qui passait tout près l'a entendu.

Une échauffourée a éclaté.

«Qu'est-ce que tu veux toi ? T'es journaliste? Je veux voir ta carte. C'est rendu qu'on se fait infiltrer par toute le crisse de monde qui se fait passer pour journaliste», a-t-il nerveusement lancé au photographe d'un média communautaire.

«J'ai ta photo», a-t-il successivement averti les militants qui l'apostrophaient, lui demandant où était sa conscience sociale.

«Allez travailler», leur a-t-il crié pour une énième fois avant de s'engouffrer dans un restaurant.