À quoi servent nos dons? Le coût même des grandes collectes de fonds (surtout pour la lutte contre diverses maladies) gobe souvent un tiers, quand ce n'est pas près de la moitié des sommes recueillies. Souvent, les collectes faites par les enfants ne sont pas plus gratuites. Ainsi, les jouets et les remises en argent que donne la Fondation des maladies du coeur aux enfants ou aux écoles qui participent à sa campagne de financement font en sorte, notamment, que 40% des dons de papa, de maman ou de grand-maman ne seront jamais utilisés pour la recherche.

De plus en plus de gens commencent à vérifier ce fameux ratio entre le coût des campagnes de financement et ce qu'elles rapportent au final. L'Agence du revenu du Canada, elle, commence à sourciller quand le ratio dépasse les 35%. À la Fondation des maladies du coeur, l'ensemble des activités de financement atteint un ratio de 36%. Les ratios sont encore plus élevés pour la Fondation canadienne du rein (44%), la Société canadienne de la sclérose en plaques (qui s'approchait de 50% entre 2007 et 2009 pour se situer à 42% l'an dernier) ou l'Association canadienne du diabète (44% selon les dernières données).

Il reste que la majorité des donateurs, eux, continuent de rechercher des organismes qui ont une grande visibilité - avec ce que cela coûte en campagnes de publicité - ou à avoir besoin de grands pow-wow rassembleurs, comme ces courses faites par des gens qui ont survécu à telle ou telle maladie.

Tous ces «tam-tams» de la philanthropie, rappelait déjà en 1986 le Français Bernard Kouchner dans Charité Business, coûtent cher, beaucoup plus cher que si les gens envoyaient spontanément un chèque à leur cause de prédilection.

«À la limite, les organismes de bienfaisance peuvent trouver tout à fait logique d'engager des dépenses de 0,80$ si cela leur permet d'amasser 0,20$ de plus, indique Greg Thomson, directeur de recherche à Charity Intelligence Canada (un organisme de charité qui sert de chien de garde à ses semblables). Du point de vue des donateurs, qui ont l'embarras du choix, n'est-il pas préférable de diriger notre argent là où il aura le plus d'impact pour la cause que l'on soutient?»

De façon générale, après avoir jeté un coup d'oeil aux états financiers de l'organisme choisi - en s'assurant d'avoir le bon, ce qui n'est pas évident quand on pense que 278 organismes récoltent des fonds pour le cancer - Charity Intelligence recommande d'éviter les mammouths - ceux qui font des envois postaux massifs ou qui organisent des loteries très coûteuses.

Il serait aussi souhaitable que les donateurs s'informent sur les réserves de l'organisme qu'ils veulent aider. Pendant que certains crèvent de faim, d'autres ont des coffres bien garnis et ne font des collectes que parce qu'ils en ont les moyens, signale Charity Intelligence.

Parmi les organismes sous-financés, Charity Intelligence cite dans un rapport publié cette année ceux qui récoltent des fonds pour le cancer du côlon, du pancréas, de l'estomac ou du poumon, des organismes qui n'ont pas la visibilité du ruban rose au profit du cancer du sein ou de Movember pour celui de la prostate.

Beaucoup de sollicitation

Marcel Lauzière, président-directeur général d'Imagine Canada (un organisme qui se veut le porte-parole du secteur de la bienfaisance) reconnaît que les gens sont très sollicités - «par la poste, à l'épicerie, dans la rue»... Mais il rappelle que les besoins sont souvent immenses à l'heure ou les gouvernements se font de plus en plus avares de subventions.

Il ajoute que les organismes de bienfaisance commencent à s'inquiéter. «Selon les dernières données de l'Agence du revenu du Canada, 22% des Canadiens ont déclaré avoir fait un don, ce qui est 8% de moins qu'il y a 20 ans», explique M. Lauzière.

Ceux qui donnent le font plus généreusement qu'avant, ce qui fait que les sommes totales se maintiennent et qu'il n'y a pas crise, mais si le nombre de donateurs continue de chuter, M. Lauzière estime qu'«on pourrait frapper un mur dans une quinzaine d'années».