Aéroports de Montréal (ADM) ne veut pas de centre de compostage sur ses terrains, à proximité de l'aéroport international Montréal-Trudeau, et n'est pas même disposé à en discuter, dans le cadre des consultations publiques en cours sur l'implantation d'usines de récupération des déchets organiques prévues dans l'île de Montréal.

Dans une lettre datée du 12 octobre dernier, le directeur du développement immobilier de l'organisme qui gère l'aéroport de Dorval, Guy Landry, a informé la Ville de Montréal qu'ADM «s'opposera à l'implantation d'un centre de compostage» sur les terrains vacants de la rue de l'Aviation, où la Ville de Montréal prévoit construire ce centre depuis plus d'un an.

ADM invoque «le péril aviaire» pour justifier son refus du projet. Une forte présence d'oiseaux à proximité d'une piste d'atterrissage peut représenter un risque pour les avions. Or, c'est bien connu, les déchets attirent les oiseaux.

Une étude de la firme Genivar réalisée pour le compte de la Ville de Montréal conclut que la présence de ce centre de compostage «ne devrait pas» faire augmenter le nombre d'oiseaux de façon significative, s'il est exploité selon les normes en vigueur.

Facteurs de risque

Toutes les opérations de déchargement et de traitement des restes de table et des autres «résidus verts» destinés au centre de Dorval seront réalisées dans un bâtiment fermé, sous pression négative, muni de sas à double porte pour l'entrée des camions et d'un système de lavage des roues, à la sortie.

ADM n'est pas convaincu. Dans sa lettre du 12 octobre, l'organisme précise que ses «spécialistes ont analysé le rapport en question». Ils ont aussi «visité des sites de compostage en Ontario» et «procédé à une analyse de risques selon [les] normes et procédures» de l'organisme.

«Au terme de ces analyses, conclut M. Landry, nous ne pouvons pas exclure de façon raisonnable, à l'instar du consultant, que le projet n'augmentera pas les risques associés au péril aviaire.»

L'Office de consultation publique de Montréal (OCPM), qui mène actuellement une tournée de consultations dans les villes et arrondissements concernés par la construction prochaine de ces installations, a invité la société ADM à discuter de ses préoccupations au cours d'une séance publique prévue le 5 décembre. ADM a répondu que sa «décision est finale» et que sa présence aux audiences publiques ne sera «pas utile».

Les documents ont été rendus publics hier par l'OCPM. Les audiences de l'Office ont débuté le 2 novembre, quelques semaines après qu'ADM eut communiqué sa décision à la Ville de Montréal. Mais la nouvelle du rejet du projet de Dorval par ADM n'a toutefois pas été révélée avant la publication de cette correspondance, hier.

»Équité territoriale»

Selon Caroline Bourgeois, conseillère municipale dans l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, cette information remet en question le principe de «l'équité territoriale» qui prévoit une répartition géographique des différentes installations prévues pour la récupération des déchets organiques et leur transformation en biogaz.

Selon elle, il s'agit d'un élément fondamental du plan adopté par les municipalités de l'île pour que les déchets produits dans chaque secteur soient aussi traités dans ces secteurs. «Chaque citoyen et chaque municipalité doivent être responsabilisés pour les déchets qu'ils produisent», insiste-t-elle.

«C'est pas vrai que c'est dans l'Est qu'on va recevoir les déchets de tous les résidants de l'est et de l'ouest de l'île de Montréal», a déclaré hier Mme Bourgeois, élue de Vision Montréal, responsable du dossier dans cet arrondissement.

Plus de terrain dans l'Ouest

La conseillère municipale estime aussi d'un goût douteux que les citoyens de l'Est qui ont participé aux séances de consultations, jusqu'à présent, n'aient pas été informés du rejet du terrain de Dorval.

«Les 150 citoyens présents aux consultations du 2 novembre dernier dans le secteur Saint-Michel pensent sans doute, aujourd'hui, que le principe d'équité territoriale est respecté, dans la localisation de ces usines, et que tout le monde va faire sa part pour réduire le taux d'enfouissement de nos déchets. Mais pour le moment, il n'y plus de site dans l'Ouest, et on ne nous l'avait pas dit.»